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Critique de berni_29


Je viens d'achever la lecture d'un roman classique aux accents autobiographiques, le Petit Chose, première publication me semble-t-il d'un certain Alphonse Daudet, oui vous savez, le créateur de la Chèvre de Monsieur Seguin.
Ce roman, largement autobiographique, conte l'enfance et la jeunesse de Daniel Eyssette : sa solitude timide d'enfant pauvre qu'un professeur appelle avec dédain « le petit chose », surnom que reprennent ses camarades ; puis celle du tout jeune surveillant de collège méprisé et moqué de tous, élèves comme collègues. Mais aussi ses rêves d'une carrière littéraire et d'un grand amour, ses balbutiements dans ces deux domaines, les tentations d'une vie plus facile qui se révèle sordide, l'aide affectueuse d'un frère aîné.
Tout au long du roman, le Petit Chose nous raconte son parcours qui ressemble à un merveilleux récit d'apprentissage.
En abordant ce roman, je vous avoue que je craignais de m'y ennuyer et ce ne le fut pas du tout.
Le récit est enlevé, l'écriture d'Alphonse Daudet est délicate, expressive, magnifiquement ciselée, drôlement enlevée, je reconnais y avoir pris un grand plaisir à le lire.
L'écriture d'Alphonse Daudet sublime à la perfection la langue française.
Dans ce récit, le narrateur est sans complaisance sur lui-même et on le comprend, c'est un être lâche, faible, sans volonté, qui n'hésite pas à trahir l'amitié de son frère.
Alphonse Daudet se révèle pour moi ici comme un excellent écrivain, mais voilà, il y a aussi ici des choses écrites qui me sont absolument insupportables aujourd'hui : les clichés racistes sont réunis sous le couvert d'une sorte d'humour consternante. J'ai trouvé cela affligeant. Je me dis qu'aujourd'hui cela ne passerait plus.
Tout se passait bien jusqu'au chapitre intitulé « Coucou-Blanc et la dame du premier ». Coucou-Blanc est une femme noire, déjà vous voyez l'ironie, l'auteur l'appelle la négresse, le terme en soi exprimé dans un texte du XIXème siècle ne m'offusque pas, cependant c'est autre chose. Lisez plutôt :
« D'un bond je fus sur le palier… Jacques ne m'avait pas menti… Coucou-Blanc était dans sa chambre, avec sa porte grande ouverte ; et je pus enfin la contempler… Oh ! Dieu ! Ce ne fut qu'une vision, mais quelle vision !… Imaginez une petite mansarde complètement nue, à terre une paillasse, sur la cheminée une bouteille d'eau-de-vie, au-dessus de la paillasse un énorme et mystérieux fer à cheval pendu au mur comme un bénitier. Maintenant, au milieu de ce chenil, figurez-vous une horrible Négresse avec de gros yeux de nacre, des cheveux courts, laineux et frisés comme une toison de brebis noire, et une vieille crinoline rouge sans rien dessus… C'est ainsi que m'apparut pour la première fois ma voisine Coucou-Blanc, la Coucou-Blanc de mes rêves, la soeur de Mimi Pinson et de Bernerette… Ô province romanesque, que ceci te serve de leçon ! … »
Alphonse Daudet est un merveilleux écrivain, cela ne l'empêcha pas d'exprimer des convictions anti-dreyfusardes, une position qui choqua son ami Émile Zola, sans pour autant rompre leur amitié qui était très forte.
Certains diront qu'il faut remettre cela dans le contexte de cette fameuse IIIème République et son discours très colonialiste.
J'ai découvert l'existence d'un essai inspirant consacré à ce thème "Chroniques du racisme ordinaire" d'Alexandre Hurel, qui visite notamment les oeuvres littéraires classiques sous ce prisme.
Bon, je conclus qu'Alphonse Daudet, grand écrivain, n'était pas, de mon point de vue, un monsieur très recommandable sur le plan des idées et de ses propos...
Par-delà mon point de vue, je vous invite cependant à lire ou relire le Petit Chose. La beauté de l'écriture mérite le détour. Et sachant ce que je vous ai dit, vous en tirerez les conclusions qui vous appartiendront.
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