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Critique de Lamifranz


Dernier volet des aventures de Tartarin, « Port-Tarascon » clôt une trilogie qui, de la comédie joyeuse et quelque peu caricaturale, tombe peu à peu dans une tragi-comédie où la farce laisse la place à une comédie plus teintée d'émotion, et aussi d'amertume. La critique sociale, également, y est plus sensible.
Le sujet s'y prête, évidemment. Alphonse Daudet transpose ici un scandale contemporain (il y avait plein de scandales en ce temps-là, c'est pas comme aujourd'hui) : Entre 1877 et 1882, un escroc, le marquis de Rays, soulève le projet d'une colonie française en Nouvelle-Guinée Orientale (Papouasie), et réunit plusieurs millions d'investissements. Les colons qui ont « mordu » à l'affaire ne trouvent là-bas, à Port-Breton, que misère, maladie, aucune installation, et bien entendu, aucun moyen de bâtir une colonie, encore moins une fortune. C'est ce scandale qui sert de base à « Port-Tarascon ».
Ici, le marquis de Rays devient le duc de Mons, un aventurier belge ; il ne met pas longtemps à saisir la personnalité de Tartarin pour l'embobiner : il lui fait miroiter le poste de gouverneur de Port-Tarascon, un Eldorado idyllique dans une île du Pacifique, où tout n'est que luxe, calme et volupté, bien entendu, mais aussi richesse et opulence, et surtout paradis cynégétique. Notre chasseur de lions et de casquettes tombe dans le panneau, et avec lui toute la population de Tarascon. La souscription est lancée avec un succès incommensurable, et voici nos trois caravelles en route pour Port-Tarascon… Ce qu'ils trouvent à l'arrivée, je vous le laisse deviner. Nos pionniers, après bien des aventures, reviennent au pays, tout penauds (ce sont des pionniers penauds) ; le procès qui s'ensuit met un point final aux aventures de Tartarin.
Sur un tel sujet, d'autres (Zola, par exemple) auraient fait un drame accusateur, montrant à la fois, la malveillance, l'esprit du mal, l'ambition, la soif de richesses de certains aventuriers, et par contraste la crédulité et aussi la détresse des pauvres gens victimes de ces malfrats. Alphonse Daudet s'en tient au ton qu'il utile depuis le premier volume, la faconde méridionale, l'exagération, et la bonhomie mélangée à une certaine innocence. Seulement (on l'avait remarqué déjà sur les Alpes), une certaine amertume se fait jour. Au fur et à mesure que les évènements se retournent contre eux, nos Tarasconnais s'éloignent peu à peu de la caricature et deviennent des citoyens lambda : en fait, des victimes.
Il faut tout le talent de Daudet pour garder ce ton de jovialité (qui au fil du temps se fait un peu forcé) tout au long de ce roman tragi-comique où Tartarin quitte peu à peu sa tenue de chasseur (la caricature) pour une tenue de civil (l'être humain qu'il est, et profondément). L'auteur aime ses personnages, c'est une réelle évidence. Et c'est avec regret qu'on quitte cette troupe de joyeux drilles, aux portraits un peu poussés, peut-être, mais pas tant que ça : des Tartarin, des Costecalde, des Bompard, je suis sûr qu'il y en a près de chez vous.
La Provence de Daudet, qui n'est pas celle de Pagnol, celle de Bosco, ou celle de Giono, est résumée en quelques ouvrages : « Les Lettres de mon moulin », la trilogie de « Tartarin », la première partie du « Petit Chose », et quelques contes issus des « Contes du lundi ». Cela suffit pour créer un univers, à la fois réaliste et réinventé, mais qui fait plaisir à voir, à entendre et à sentir. Carte postale ? Folklore ? Pourquoi pas, le folklore c'est une façon de rendre hommage à une culture. Et Alphonse Daudet le fait admirablement.
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