L'éditeur annonce un "roman du terroir" et c'est exactement cela. Les 500 et quelques pages de cette "brique" se lisent très rapidement tellement l'histoire est prenante et bien écrite.
Nous sommes au Québec au tout début du XXème siècle ; dans les petits villages ruraux ce qui compte d'abord c'est le temps : souvent gris, souvent froid, avec pour se chauffer des poêles qui s'éteignent quand on n'est pas là pour les recharger. Ensuite, il y a la religion : l'église, monsieur le curé sont très puissants et dirigent la vie des habitants.
L'histoire est celle de Corinne Joyal qui a cinq frères et soeurs, un père, Napoléon, cultivateur et éleveur, et une mère, Lucienne, femme au foyer ; c'est elle qui fait fonctionner la famille et elle tient les rênes serrés. Les grands garçons, comme souvent, sont restés travailler sur la ferme ; une fille est mariée, l'autre est institutrice.
Corinne, 18 ans, très belle fille au caractère affirmé est courtisée par Laurent Boisvert, 21 ans, et va se marier avec lui ; mais elle n'entre pas dans une famille aussi sympathique et chaleureuse que la sienne. Son mari est un brave gars mais plutôt fantasque, il boit souvent un peu trop et n'en fait qu'à sa tête alors que Corinne, comme sa mère, veut que tout marche droit et fait attention aux dépenses. C'est le quotidien de tous ces gens que l'auteur aime décrire, avec les intrigues et les histoires qui les lient.
A travers l'histoire de Corinne et de ces familles, on peut faire le constat d'une société qui fonctionnait bien différemment de maintenant : par exemple, les hommes commandaient, les femmes obéissaient ; il y a beaucoup de choses que celles-ci ne faisaient pas (elles ne fumaient pas, ne buvaient pas, ne votaient pas ...) elles devaient se soumettre à l'autorité du prêtre, du père et du mari. La solidarité entre voisins en particulier existait réellement pour assurer la survie ; il y avait un téléphone pour tout le village, l'entraide était impérative et ne se discutait pas. le soir, il y avait les veillées ; on couchait sur des "lits" de paille, on prenait un orphelin pour aider au travail et le jour de l'an le père de famille donnait sa bénédiction...
Un livre qui se lit avec grand plaisir, la langue est belle avec ses mots et ses formules un peu décalés, qu'on aime tant et qui nous font sourire ; et Corinne est une jeune femme attachante, pleine d'ardeur au travail, qui n'hésite pas à suivre son bon sens et son grand coeur.
Premières phrases : " Anselme Béliveau, le curé de la paroisse Saint-Paul-des-Prés, ronflait comme un bienheureux, son double menton appuyé sur sa poitrine. Ses lunettes rondes à monture métallique avaient légèrement glissé sur son nez. Après les fatigues causées par toutes les cérémonies de la semaine sainte, le digne ecclésiastique profitait d'un repos bien mérité. Dès la fin du dîner, le prêtre au ventre confortable avait quitté son vicaire dans la ferme intention de lire son bréviaire dans son bureau. Cependant, il avait tellement fait honneur au rôti de boeuf et à la tarte aux pommes servis par Rose
Bellavance qu'une digestion difficile et le silence de la pièce l'avaient fait succomber à une sieste involontaire. Monsieur le curé ! Monsieur le curé, êtes-vous là ?"
Merci à Babelio (Masse critique) et aux éditions Kennes.