C’est Anatole Deibler, le bourreau de Paris, que la complainte de Masseïda avait replongé dans les affres du deuil. Lorsque les pupilles du bourreau balayèrent la salle et accrochèrent le regard du maquereau, ce dernier, instinctivement, se gratta la nuque. Près de l’âtre deux filles outrageusement maquillées, attifées de rubans et de bijoux en toc, se tenaient par l’épaule, un verre de cidre à la main, et lui adressaient des œillades de connivence.
Sur la table, au milieu d'une surface claire et granuleuses, une femme noire dormait. Sa peur, sa fatigue, son destin, reposaient dans la trame blanche du papier.
Elle était lionne et ne s'enfuirait plus. Dût-elle griffer, égorger un à un les fantômes et les bruits. Aucun flic, aucun mac, aucun mâle ne pourrait l'arrêter. La lionne de Montmartre s'avançait dans la nuit.
C'était les réflexions de fillettes germées dans la poisse des faubourgs, qui projetaient sur un continent inconnu les reflets de l'enfance qu'elle n'avaient pas eu le loisir d'habiter.
Le visage de Masseïda était noyé de larmes. Avec précaution, comme l'on suture une plaie, la main dispersa les pleurs de part et d'autres des joues.