- C'est dur de perdre quelqu'un dont on a partagé toute la vie, reprit la vieille dame. Après cela, on avance comme on peut...Tout ce qu'il reste, ce sont des souvenirs, et on a besoin de souvenirs pour donner un sens au présent.
Elle restait convaincue que bien souvent le suicide n'était pas un choix mais, au contraire, une décision fondée sur la conviction de ne plus avoir de choix.
Le bonheur est en nous, nous devons le trouver car personne ne le cherchera à notre place.
Elle avait toujours jugé l'apitoiement sur soi comme un signe de faiblesse, et voilà qu'elle commençait à se prendre en pitié.
Et brusquement ce fut une évidence. Elle avait vécu ces quelques jours comme un merveilleux moment de répit. C'était terminé.
Alors comment survivre quand ce sont vos parents qui ne vous choisissent pas ?
Débarrassée de ses frayeurs, elle avait compris que c'étaient ses propres colères, ses révoltes, qu'elle redoutait le plus.
« Il y a des femmes qui passent à côté de leur destin parce qu’elles ont peur, et d’autres qui le saisissent à bras-le-corps parce qu’elles ont peur aussi : quitte à avoir peur, battez-vous ! »
Camille rassembla son courage et réécouta le message. Pourquoi tremblait-elle ainsi ? Elle savait depuis longtemps qu'on n'échappe pas au désamour d'un père. Certes, elle l'avait respecté, elle lui avait obéi. La haine était venue plus tard. A présent elle le haïssait pour toutes les longues années perdues dans de vaines tentatives de se faire aimer de lui, et plus encore par les événements qui avaient motivé son départ de Strasbourg. Après son divorce elle avait tout quitté en décidant de ne plus jamais revoir aucun membre de sa famille. C'était plus une misérable fuite en avant qu'un nouveau départ... une tentative désespérée pour trouver une raison de survivre quand on a tout perdu. Combien de fois avait-elle dit à ses clientes :"il y a des femmes qui passent à côté de leur destin parce qu'elles ont peur, et d'autres qui le saisissent à bras le corps parce qu'elles ont peur; quitte à avoir peur, battez-vous !" Et combien de fois s'était-elle retenue d'ajouter : "Bienvenue sur mon radeau !". Après son départ personne ne lui avait vraiment manqué, pas même sa mère, qui vivait terrorisée, dans une routine orchestrée par son mari.
Elle l’avait trompé et l’idée de reprendre la vie avec lui comme si rien ne s’était passé était inimaginable. Elle avait fait ce qu’il fallait. Alors, d’où lui venait ce sentiment de malaise, ce vide au fond d’elle ?