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Citations sur Marie-Tempête (54)

Une onde de bonheur m’a submergée pendant quelques secondes puis j’ai senti l’angoisse m’étreindre. J’avais peur. Horriblement peur. Que Jean disparaisse, qu’il se sauve ou qu’il meure. Peur d’être blessée. Mais il y avait pire encore. Une appréhension nouvelle. J’avais peur que Jean souffre. Que mes fantômes l’étouffent, que mes tempêtes le brisent.
J’aimais Jean. Si fort et depuis si longtemps. Mais je découvrais seulement maintenant qu’il m’aimait lui aussi et, surtout, qu’il était vulnérable lui aussi.
C’était un poids nouveau. Et j’étais si peu solide. Je pouvais risquer de gâcher ma vie. Mais la sienne ?
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Le petit fil avait cassé. J’aurais dû m’en douter. Il ne tient jamais. Chaque fois que l’un se sent prêt à déposer ses bagages, l’autre s’enfuit. Ou meurt. La vie n’est qu’une suite de déchirures. Alors, il faut se protéger. Ne jamais entrer en gare. Toujours continuer. Filer. Sans s’arrêter. Sinon, chaque fois que le train repart, on est plus petit, plus vide et plus perdu.
Il fallait faire vite. Sauter même si le train roulait. Sauter au risque de se blesser. Sauter pour sauver sa peau.
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Dans ma tête, j’entendais ce bout de chanson de Luc Plamandon : M’étendre sur le sol… Et me laisser mourir…
Les paroles revenaient sans cesse. De plus en plus fortes. J’ai donné un coup de pied au vélo ; j’ai marché un peu et je me suis écroulée sous un arbre.
Là, seulement, j’ai pleuré.
Antoine était mort. Il avait décidé de s’enlever la vie. De se tuer. Et, avant de mourir, il m’avait lancé une poignée de mots, comme un bouquet fané. Une lettre déchirante et désespérée.
Antoine s’était suicidé, et je voulais mourir moi aussi.
Je n’ai pas bougé. J’ai scruté le ciel sans étoiles jusqu’à ce que mes yeux se ferment. J’ai dormi par à-coups, en grelottant, dans l’herbe haute.
Le soleil m’a réveillée. Un filet de lumière entre les pins et les feuillus. J’ai mis quelques secondes avant de me souvenir. En plongeant une main dans la poche de mon jean, j’ai reconnu la lettre.
Je ne reverrai plus mon bel amoureux. Antoine était mort. C’était vrai. Et pourtant cela semblait trop horrible pour être possible.
Il y avait eu tant de départs, de ruptures, de déchirures. Antoine. Fernande. Jeanne. Le moustique… Je n’étais qu’un ciel de tempête zébré d’éclairs.
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François s’est approché d’elle, il a pris sa main. Des larmes tremblaient dans les yeux de Claire.
- C’est bien peu, mais ce serait ma façon de te dire merci. Je ne pense pas à l’adoption… Je pense à toi. À ce que tu es. À ce que cet enfant héritera de toi… Quoi que tu décides, ce bébé aura eu une mère extraordinaire pendant neuf mois. Je ne l’oublierai pas.
Josée pleurait. François aussi. Je me suis levée et je suis partie.
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Ce n’est pas facile d’être enceinte et en désastre en même temps. Fernande me manque. Terriblement. Si tu savais ce que je donnerais pour qu’elle me prenne dans ses bras. Antoine est là, mais on dirait que tu crées un barrage entre nous. Je t’en veux souvent. Mais ne t’en fais pas. J’en veux à Antoine aussi. Et au monde entier.
Je m’ennuie de l’Antoine d’avant. Celui qui m’attendait tous les matins sous le tilleul. Il fumait peut-être un joint de temps en temps, mais je ne le savais pas. Il voulait déjà laisser l’école et il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il ferait de sa vie, mais je ne le savais pas.
Je savais seulement que son corps était bon contre le mien. Qu’il sentait la terre mouillée et les feuilles d’automne. Que ses yeux étaient plus verts que la forêt, et qu’en courant dans mon dos ses mains me donnaient des frissons.
Tout ça, c’était il y a cent ans. Avant que Fernande se sauve, avant que tu t’installes sans permission…
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Ses yeux me répondaient. Qu’il serait patient. Qu’il avait peur lui aussi. Qu’il était prêt à partir sur tous les ruisseaux, les lacs, les rivières et les mers. Avec moi. Sans savoir où ça nous mènerait. Tant pis, si ça ne menait nulle part.
On ne pouvait s’empêcher d’essayer.
Les grands arbres n’ont pas peur des tempêtes. De la neige, de la pluie, de la grêle. Ils se tiennent droits dans le vent. Hauts et puissants. Leurs longs bras ploient sans craquer. Ils dansent, eux, dans la tourmente. Leurs gestes sont souples. On sent qu’ils sont résistants.
Les grands sapins ne tombent pas. Ils attendent d’être très vieux. Secs et usés. Des centaines d’années. Et jusqu’à la fin, ils restent droits.

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Antoine a besoin d’argent. Son père est « ébéniste de métier, mais ivrogne de profession ». C’est Léandre, mon père, qui a déjà dit ça. Ça m’avait frappée, même si je ne connaissais pas vraiment Antoine dans ce temps-là. Le père d’Antoine est comme la cafétéria : il a mauvaise réputation. Tout le monde sait qu’il boit. Et la mère d’Antoine n’existe pas. Il n’en parle jamais. Elle est peut-être morte.
L’après-midi, entre la fin du dernier cours et l’arrivée de l’autobus, j’ai exactement huit minutes pour voir Antoine. Ça devrait rassurer ma mère : huit minutes, c’est un peu court pour faire l’amour.

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Le ciel croule
Mon père ressemblait à Charlie Brown avec son sapin. Il disait l'avoir abattu, mais à mon avis, c'était de l'euthanasie: ce sapin-là n'aurait jamais passé l'hiver. Un petit bout d'arbre maigre et crochu aux branches chichement éparpillées et aux épines roussies.
Je n'en revenais pas. Pourquoi vivre dans le bois, au bout du monde, si à Noël on ne peut même pas se payer un vrai sapin de carte de souhaits? De beaux sapins, il y en a plein sur notre terrain. Et autant chez les voisins, partis à Montréal - les chanceux - jusqu'à l'été prochain.
Léandre semblait fier de son arbre ridicule. Comme Charlie Brown dans un film de Noël. Charlie arrive avec un sapin tellement mal foutu que quand il le plante, celui-ci perd toutes ses épines. Tout le monde rit et Charlie est malheureux.
J'ai ri moi aussi. C'était trop bête. Léandre m'a regardée, l'air de revenir d'une lointaine planète. Il a contemplé son arbre. À croire qu'il le voyait pour la première fois. Et il a éclaté en sanglots.
C'est là que j'ai compris tout à coup. Mon père l'avait probablement cherché longtemps son sapin malade. Son pauvre sapin tordu. Il voulait un arbre qui ressemblerait à son coeur. À ses souvenirs. À sa douleur. Un arbre ami. Aussi mal foutu que lui.
C'est notre premier Noël sans Fernande. Ma mère est morte le mois dernier. Les gens disent que je suis en deuil. C'est faux! Je suis en désastre. La mort, c'est contagieux. Quand quelqu'un près de nous meurt, on se sent mourir avec lui.
Heureusement, j'ai Antoine. Quand je plonge dans ses bras, j'ai moins mal. Quand il me caresse le cou, je suis presque bien. Et quand il m'embrasse, j'oublie tout.
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Ma mère a les cheveux bleus. Elle n'est pas complètement marteau, ni même un peu Martienne, mais simplement coloriste, au Salon Charmante, rue Principale à Saint-Jovite. La semaine dernière, ses cheveux étaient «or cuivré». Le flacon 57, sur l'étagère du haut.
Derrière les séchoirs, tout au fond du salon, ma mère mélange des couleurs. Mèches, teintures, balayages, reflets. Il y a des peintres en bâtiment, d'autres en chevelure.
Le bleu, normalement, n'est qu'un reflet. Mais Fernande n'a pas eu le temps de revenir à sa couleur naturelle - noir corbeau sans numéro - avant de l'essayer. Elle sait maintenant que le nouveau «bleu nuit 13» fait un peu psychédélique lorsqu'on l'applique sur un fond «or cuivré 57».
Moi, je rêve d'une mèche bleu électrique. Juste une, presque discrète, qui se tiendrait bravement debout sur le dessus de ma tête. Mais pas question! La petite Marie-Lune de Fernande et de Léandre n'a pas le droit d'être punk. Je me contente d'une coupe légèrement étagée et terriblement ordinaire, signée Gaëtanne, l'amie de ma mère, propriétaire du Salon Charmante.
Ce n'est pas très sophistiqué, mais c'est un peu ébouriffé, ce qui me convient. Avant, j'étais plutôt du genre coupe champignon. Un bol de cheveux renversé sur le crâne. Une auréole de poils trop sages. Maintenant, c'est fini. Je m'appelle encore Marie-Lune, mais attention! Je suis plutôt une Marie-Éclipse, une Marie-Tonnerre, une Marie-Tremblement de terre.
C'est drôle! Les clientes de Fernande lui réclament les pires extravagances, et elle ne bronche pas. Maman peint en blond Barbie les cheveux roux de Mme Lalonde, étale du jaune carotte sur la tignasse noire de Mme Bélanger, teint en noir charbon les derniers poils blancs de Joséphine Lacasse et jure à ces épouvantails qu'elles sont ravissantes. Ces dames lui demanderaient une mèche vert limette, et ma mère brasserait les couleurs sans dire un mot.
Moi? Voyons donc! C'est différent. J'ai déjà été la gloire de Fernande. Sa fille unique. Belle et brillante. Belle, dans la langue de ma mère, ça veut dire propre, bien mise et en bonne santé. Et brillante? Des «A» partout, en français comme en chimie.
Depuis l'an dernier, ma mère me trouve moins belle et brillante, et beaucoup trop adolescente. Et depuis qu'Antoine est entré dans ma vie, je me suis métamorphosée en cauchemar ambulant. Je fais peur à mes parents. La nuit des vampires, c'est rien à côté de moi.
Fernande a du mal à digérer la nouvelle Marie-Lune. Elle se ronge les sangs et elle s'arracherait aussi les cheveux si elle n'en avait pas déjà perdu autant. Elle fait des drames avec tout, pleure pour rien et souffre toujours de migraines.
Quant à mon père, journaliste sportif au Clairon des Laurentides, il lit plus d'articles sur l'adolescence que sur le hockey. Le pauvre a failli faire une syncope en apprenant que 50 % des adolescents ont fait l'amour avant la fin du cours secondaire.
Je suis devenue suspecte.
J'aime Antoine depuis le 27 octobre. Je l'aimais peut-être déjà auparavant, mais j'étais trop poire pour m'en apercevoir. L'année dernière, à la fête d'Halloween de la polyvalente, j'avais dansé avec Sylvie Brisebois.
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Nous nous aimons beaucoup. Il faut être très amoureux pour survivre aux épreuves que nous avons connues.
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