L'avenir n'existe pas. Seul existe le présent.
a) La duplicité : elle est absolument nécessaire à une vie sans drames. Il faut se cuirasser. Je dois pouvoir, sans rouge au front, coucher avec une femme et faire ami-ami avec son amant ou son mari. C'est essentiel, sans cela, il n'y aurait plus de société possible.
Je t'aiderai de mon mieux, avec un certain dégoût de moi-même ; mais peut-être faut-il aller jusqu'au dégoût de soi-même pour se connaître un tant soi peu.
- [...] Sortons d'ici. J'ai horreur de cette maison.
- Pourquoi ?
- Il me suffit de la voir pour me rappeler que mes parents n'ont même pas un toit pour finir leur jour.
- Ce n'est pas ma faute.
- Non, ce n'est la faute de personne. Rien n'est la faute de personne. Je commence à croire que dans le monde règne une irresponsabilité totale. C'est bien agréable et je me demande pourquoi il y a encore quelques imbéciles qui s'inquiètent des autres. Sortons d'ici je t'ai dit, j'ai horreur de cette maison.
Oui, cher Jean, il faut paraître. Parce que si l'on ne paraît pas, l'imbécile nous méprise.
Antoine sensible aux odeurs, offrit un cigare à l'abbé qui l'alluma après s'être éclairci la voix :
- Pas mal ! Eh bien, comment ça va ? Je ne parle pas de votre genou, naturellement.
- Encore quinze jours et je trotte comme un cabri, répondit Antoine qui fit semblant de ne pas comprendre.
- Ça fait deux mois, n'est-ce pas ?
- Oui, deux mois.
- Deux mois sans pécher ! là-haut il y a des gens qui s'intéressent à votre âme !
Les hommes ont de ces bêtises qui les sauvent du désastre.
Cher vieux Hans, je t'écris un dimanche après-midi, pendant nos six heures de repos hebdomadaire. Nous sommes mille garçons de mon âge, dans un beau camp de la Forêt-Noire, vivant près de la nature, subissant un entraînement intensif. C'est passionnant et cela donne un sens à la vie au moment où notre pays est menacé par l'attitude constamment agressive de la Pologne. Nos pensées sont tournées vers nos frères de langue allemande qui vivent hors de notre frontière sous l'insolente tyrannie du colonel Beck. Pour l'instant ce ne sont que des vexations, des escarmouches. Demain, ce sera peut-être le massacre. La Pologne doit savoir que le Reich ne laissera pas commettre un génocide sans bouger. Notre Führer a prévenu les Polonais. Dantzig est une ville allemande de cœur et d'esprit. L'injustice actuelle est trop criante pour que nos jeunes cœurs l'acceptent.
Bonne leçon à ne pas oublier. On ne mélange pas ses amis. On les enferme chacun dans un tiroir et on n'ouvre un tiroir qu'après s'être assuré que les autres sont bien fermés.
- Il n'y a pas de bons à rien, dit le curé. D'abord vous avez ramené ici mon cher Jean. Ensuite, vous existez et un jour vous comprendrez pourquoi.