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Critique de palamede


Enfant, Agnès Desarthe n'aime pas lire, et pourtant son voeu le plus cher est de devenir écrivain.

Ce qui rebute l'auteur, ce sont les livres imposés ; elle veut découvrir. Elle est intéressée par la forme et non par le sens. C'est pourquoi elle apprécie la poésie - pour la liberté de sa forme. Les livres qu'elle lit seule, comme Paroles de Prévert, elle les lit jusqu'à les connaître par coeur. Adolescente, elle abhorre Madame Bovary alors que Phèdre la ravit. Pour elle, l'essentiel réside dans la musique des mots et non dans leur sens.

Agnès Desarthe attribue son blocage vis-à-vis de la littérature classique française à la diversité de ses origines et aux multiples langues parlées chez elle : son père est judéo-libyen par sa mère, et les parents de sa mère sont des Russes parlant le yiddish et le roumain. Elle éprouve un sentiment de manque de légitimité lié à cette situation familiale particulière. Il faudra attendre son entrée en Hypokhâgne pour que la perception qu'elle a des auteurs classiques et de la lecture change. Elle ne va plus seulement écrire, elle va enfin lire.

Avec cet essai, au-delà de son histoire personnelle, Agnès Desarthe aborde le sujet de la complexité de la lecture. Les livres ne sont pas neutres ; ils laissent des traces et nous façonnent. Ils sont aussi un accès au savoir, réservé aux hommes et refusé aux femmes dans la plupart des sociétés patriarcales. L'auteure envisage la lecture comme une libération des femmes ; elle parle de « la femme soumise contre à la femme savante ».

Agnès Desarthe explique que le manque de légitimité lié à sa condition de fille, de Juive, a été aboli en devenant normalienne. C'est la preuve que la lecture lui a apporté l'inverse de ce qu'elle craignait, la liberté et non pas la colonisation de son esprit par les idées des autres.
S'appuyant sur son travail de traductrice, elle affirme que l'écriture peut aider à mieux lire. Et elle ajoute que pour traduire « il est nécessaire, avant toute chose, de savoir lire ».

On peut regretter que cet essai brillant et plein d'esprit soit trop personnel. Des développements plus généraux auraient aidé dans la réflexion sur la lecture. La démonstration est souvent redondante et donne par moments l'impression de tourner en rond. Malgré tout, Agnès Desarthe pose des questions essentielles. Elle établit que la lecture n'est pas une activité anodine. Lire nous transforme fondamentalement, et par conséquent, ne pas lire nous prive d'une dimension constitutive.
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