C'est dingue comment on les façonne, les gens, dans nos souvenirs. Les visages vivants, on les oublie, on les fige. Même en regardant une photo, on ne voit que ce qu'on a envie de voir. On sélectionne ce qui fait plaisir. Ce qui nous arrange. Le reste on l'efface en loucedé. (p 11)
« Et je me recroqueville sous ma veste en fermant les yeux. Sans pouvoir dormir. Une boule de peur dans le ventre, de la taille d’un embryon. Un monstre en pleine gestation, une hydre à plusieurs têtes. Peur de me faire agresser. De me faire dépouiller. De me retrouver à sec, obligé de faire la manche ou de sucer des bites. Peur de tomber malade – j’ai mal à la gorge. De mourir sur le sol américain d’une angine foudroyante. De ne pas revoir la France, jamais. Peur qu’elle revienne me hanter. L’image horrible. » (p. 79)