Le Flamand est un saule : il tient à sa rive de ruisseau, il ne voyage pas, il boit ce qu'il faut, et la plaine est si plate qu'il reçoit dans la tête chaque jour tous les vents de l'Europe du Nord-Ouest
Un terrain de football, à ses yeux, n'est rien de moins qu'un demi -hectare de sol flamand : les Français ne l 'ont pas eu, les Espagnols ne l'ont pas eu, les Hollandais ne l'ont pas eu. Il va falloir que les Milanais viennent le chercher.
Le Flamand est un être simple. Il a les pieds dans la glèbe et les oreilles dans les étoiles.
Une heure de massage et de soins. On s'abandonne. On n'est plus rien qu'un lourd paquet de viande allongé sur une table, pétri par les mains énormes d'un kiné. La viande, ça ne pense pas.
On a vite le sens religieux, dans les jours incertains.
- Mais... où sont vos joueurs ? demande l'entraîneur italien. Je ne vois là que Eydhal et Coppens ! Où sont les autres ? Au stade ? Ils s'entraînent ?
Maes, étonné de la question, répond :
- Ils s'entraînent ? Ah non, pas du tout ! Ils travaillent.
- Ils travaillent ? Que voulez-vous dire ?
- Mais voyons, ils travaillent ! On n'est pas dimanche ! Denis Garin est policier, Nathan Elias est prof de gymnastique dans un athénée d'Aerschot, Alex Beyaert est maçon... Ils travaillent.
Nous sommes les onze bestiaux de la colline, pas un de plus. Nous sommes le renard, le tigre et l'ocelot, nous sommes le lynx de la forêt grise et le bison de la Vistule, et le forgeron du roi Nibelung... Imposez-nous vos grandes mains, répandez sur la colline votre fille canaille, la pluie, car elle trempe l'âme et rend fort !
[...]
Les onze gars de Rouillon, dans les chaudières, ont brûlé tout le charbon. Ils carburent au mâchefer, à la calamine. Mais ils tiennent.
Il règne une atmosphère de première communion: onze garçons recueillis dans un silence de chapelle, qui se vêtent de la même façon, et se dirigent vers une cérémonie. À certains, on a dit qu'il s'agissait du plus beau jour de leur vie.