Un petit chef d'oeuvre! Il nous ramène à notre propre enfance, à la difficulté qu'à un enfant, avec les armes qu'il possède, de démêler la vérité, et de faire entendre sa voix, quand il se fait ballotter par les choix des adultes.
Séparation des parents, mort d'un proche, déménagement, guerre, migration, de nombreux événements peuvent bousculer l'ordinnaire d'un enfant vivant dans un univers sécurisé qui lui semblait immuable. Ce livre s'attachant à cette capacité d'adaptation est universel, et traite le sujet, ainsi que celui du secret de famille, avec beaucoup de talent et de sensibilité.
C'est avec raison que ce livre a été un succès en Italie. Ce pays fait émerger beaucoup de voix singulières, s'intéressant au sort des enfants. On pense à
Elena Ferrante, l'autrice de la trilogie de « l'ami prodigieuse ». Des histoires de résilience, où les sensibilités des enfants sont exacerbés par les épreuves. Ceux qui parviennent à s'en sortir écriront plus tard ces récits lumineux.
Plus loin dans le temps,
Elsa Morante avait écrit «
la storia », un livre saisissant sur l'enfance d'un petit garçon et de sa mère, avec pour décor, l'histoire de l'Italie fasciste, prise dans les tourments de la guerre.
Un livre qui a marqué toute une génération. Ce n'est pas pour rien que Donatella di Petrantonio a préfacé son livre d'un phrase d'
Elsa Morante. « Aujourd'hui encore, en un certain sens, je suis restée arrêtée à cet été de mon enfance autour duquel, tel qu'un insecte autour d'une lampe aveuglante, mon âme a continué de tourner et contre lequel elle se coupe sans trêve. »
«
La storia » nous montrait déjà que la violence est endémique, et que notre histoire au sein de la grande, n'est pas la même selon l'endroit où l'on né. « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. On choisit pas non plus les trottoirs de Manille .De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher.
Dans « être
né quelque part »,
Maxime le Forestier abordait cette dimension liée à à la chance. L'éducation, l'amour, la sécurité, structurent l'enfant, et conditionneront l'adulte. Ces années déterminantes sont le terreau de notre vie.
L'histoire commence par un tremblement de terre, au figuré. La narratrice, une fillette de 13 ans, apprend qu'elle a une autre famille biologique, et que son retour dans celle ci est décidée.
Voilà le thème de «
La revenue », qui ne sait même pas qu'elle était venue d'ailleurs. Comme dans « Rebecca », le roman de Daphné du Maurier, nous ne saurons jamais le prénom de la narratrice, qui raconte l'histoire à la première personne, et qui restera finalement une étrangère, quel que soit les efforts qu'elle fera.
Cette nouvelle famille, pauvre et acculturée, dans laquelle est se retrouve est bien loin de ces repères habituels.
Comment auriez vous réagi, si un jour, à 13 ans avec pour toute explication, que vous aviez une autre mère biologique, on vous larguait dans une famille pauvre et acculturée des Abruzzes, bien loin des références bourgeoises, qui avaient été les vôtres jusqu'ici ? La fillette n'est pas attendue. Fini le confort de l'ancienne maison bourgeoise, et les moeurs éduqués. le lit qu'on lui indique est celui de cette jeune soeur, qui en dépit des différences culturelles entre elles vont devenir de plus en plus proches. Mais ce soir là, et ceux qui suivront, la seule promiscuité est celle des corps, et non des visage, car le lit trop petit n'offre qu'une solution : Coucher tête bêche avec sa soeur, qui malheureusement urine au lit.
C'est une livre formidable sur la résilience, la force de la jeunesse, ses qualités d'adaptation. Un hommage aussi à toutes les formes d'intelligence, car ce sont elles qui permettent à ceux qu'on nomme le petit peuple, de résister et de développer des stratégies de survie, comme la jeune fille va s'en apercevoir, au contact de cette nouvelle famille, qui va devenir la moitié d'elle même. L'écriture est belle et limpide. Longtemps les personnages vous hantent, quand vous avez fermé ce beau livre.