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Critique de christianebrody


Rwanda , 1994 , dernier génocide en date. Des hommes , des femmes se croisent , se perdent , se retrouvent pendant l'une des dernières tentatives d'annihilation d'un groupe éthnique par un autre sous le regard amusé des grandes puissances occidentales. Roman polyphonique , l'histoire du massacre des Tutsi par les membres des Interahamwe , la milice des massacreurs du Hutu Power , est né à la suite d'une expérience: Rwanda : écrire par devoir de mémoire. Boubacar Boris Diop a choisi de raconter ces évènements sous la forme d'un roman en mettant en scène différents protagonistes , les bons comme les méchants , sans jamais porter un jugement sentencieux. Il s'applique à démonter les méchanismes de la réussite d'une telle entreprise sans que cela n'émeuve le reste du monde.

La transmission générationelle et l'entretien des haines avérées ou non est l'une des composantes essentielles pour mener un tel projet à bout. Tous attendent le coup de sifflet pour laisser parler librement la cruauté tapie en eux. Des voisins, des amis, des membres de la même famille s'étrippent joyeusement au nom d'une différence éthnique. C'est l'heure des règlements de comptes, alors! que chacun accomplisse son devoir en se réfugiant derrière la plus incroyable des excuses: se sentir investi d'une mission quasi divine, de celle qui exige que l'on lave un prétendu affront en répandant la terreur et la haine raciale. Eradiquer certes, encore faut-il faire souffrir au- delà de toutes limites puisque c'est si gentiment demandé. Voire conseillé sous peine de représailles. Outre l'entretien d'une mémoire basée sur la mesquinerie / l'indigence morale, éthique et intellectuelle, il est facile de s'appuyer sur les plus démunis pour se vautrer avec délectation dans un cynisme aveugle. Sans conscience car sans états d'âmes. La haine a la logique du sang. Ce qui s'est passé en 1994 est une répétiton des évènements de 1959; les raisons en sont inchangées. Pourquoi un lynchage programmé n'a pu être arrêté? Comment est-ce possible qu'une telle horreur ait vu le jour? Il y a un parallèle entre cet épisode et celui que toute une nation a subi pendant la deuxième guerre mondiale. Pour ma part je n'y vois aucune différence, un meurtre reste un meurtre et aucune raison officielle ou officieuse ne peut excuser ce genre de comportements. Cet acharnement à toujours faire ressurgir le pire qu'il y a en nous en nous absolvant par avance nos fautes me sidère. Je juge , oui , car je constate que tous les efforts fournis par les différents » gardiens de la mémoire de l'humanité » sont toujours balayés d'un revers de la main dés que l'on peut assouvir en toute impunité nos plus bas instincts. Sommes-nous si cons que cela ou partageons-nous le même temps de mémoire que les poissons rouges, à peu près 3 secondes? Entre les livres, les documentaires, les monuments, les films, de telles atrocités se perpétuent et ont encore de beaux jours devant elles. Car il suffit de peu de choses pour que l'histoire se répète.

A la fin de ce livre, j'ai lu LA VAGUE de Todd Strasser. Nous sommes en 1969, aux Etats-Unis. Les horreurs de la dernière guerre sont encore proches. D'ailleurs, c'est le sujet d'étude dans ce lycée. Pour démontrer que ce genre de saloperies peut naître à tout moment, un professeur décide de reprendre les mécanismes qui ont fait le succés du nazisme en créant un mouvement expérimental au slogan fort : LA FORCE PAR LA DISCIPLINE, LA FORCE PAR LA COMMUNAUTE, LA FORCE PAR L'ACTION et réussit à transformer des élèves intelligents, instruits, libres penseurs en parfaits petits dictateurs d'une docilité effarante. Ce qui n'était qu'un jeu au départ se transforme en un dangeureux cauchemar. La propagation de ces idées est relayée par un excellent organisme médiatique ( un journal), un recrutement méticuleux, des réunions « secrètes », par l'éviction de toute personne ayant un tant soit peu un esprit critique, par des dénonciations, par l'incitation à la haine……. et surtout par l'absolue conviction d'être 1) un être supérieur, 2) être dans le vrai. Cette lecture m'a perturbée car elle me démontre que l'éducation, l'instruction, la curiosité, l'envie de s'améliorer sont des valeurs qui n'ont aucune chance devant la folie, au sens pathologique du mot, de certains. Parait-il que le monde a été créé par des fous pour que des sages y vivent?! J'en sais rien mais je garde l'espoir que l'on ne les décapitera pas tous afin que des générations futures puissent bénéficier de cette petite lumière que nous continuons inlassablement à éteindre. Sans doute par fainéantise et surtout parce que c'est bien plus simple quand l'autre réfléchit à notre place.

Je digresse…… Les personnages sont tous bouleversants mais celui qui m'a le plus ému c'est ce fils qui après des années d'exile revient au Rwanda pour apprendre que son père est non seulement responsable du meutre de sa propre famille mais qu'il est l'instigateur du plus grand charnier du pays. Comment vivre en sachant que le même sang coule dans ses veines? Comment s'en sort-on? La postface est très instructive car il y fait le bilan de tout le travail entrepris par les organisateurs de ce projet et des répercussions que cela a eu dans les différentes parties du monde. C'est un livre d'apprentissage, un autre legs pour que ce genre de chose n'arrive plus jamais. Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.

A l'attention de Simon with all my love!
Lien : http://www.immobiletrips.com..
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