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Critique de Bruidelo


Avec cette «Anthologie de la poésie yiddish» de 600 pages, Charles Dobzynski nous offre un impressionnant travail de sélection de poèmes et de traduction. On sent un investissement profond, un grand désir de faire connaître ces oeuvres méconnues.
Le yiddish ne fut longtemps considéré que comme un jargon, méprisé par la bourgeoisie, et les poètes présentés ici sont assez souvent issus de milieu modeste. Il y a parfois un côté populiste dans ces poèmes - populiste dans le sens qu'avait ce mot avant que nos médias ne le dénaturent: «qui s'attache à l'expression de la vie et des sentiments des milieux populaires».
Certes, c'est inégal, mais c'est un panorama intéressant qui nous est présenté, Dobzynski a vraiment cherché à nous donner une vue d'ensemble de la diversité de la poésie yiddish du XXème siècle (et fin XIXème). Si la dimension religieuse est souvent présente, ainsi que l'évocation d'un passé douloureux, l'engagement, la révolte contre des conditions sociales déshumanisantes, viennent aussi donner un élan, une énergie à cette écriture.
On y découvre de beaux vers méconnus, vibrants, souvent chargés d'angoisse:
«Que le chercheur de Dieu, pourtant, des barbelés à ses sandales
Dansant dans le désert rayonne ainsi qu'un soleil déclinant;
L'étoile qui s'éteint là-haut va tomber sur nous maintenant,
Et le derviche est attendu par les mâchoires des chacals.»
(Moshe-Leib Halpern)
Certains poèmes sont terribles, très éprouvants comme La ville du massacre de Chaïm-Nahman Bialik.
Mais parfois angoisse et légèreté se mêlent, avec un brin d'humour. J'ai beaucoup aimé le poème où Zalman Shneour parle de l'aliénation du travail, de la façon dont s'y anéantissent les rêves et le sensible:
«Moi, la ville m'a capturé
Pour coudre sans fin des boutons.
Fil par-ci, aiguille par-là...
Tant de sensations et de chants nostalgiques
Tant de rêves et tant d'humaines passions
Et tout cela ne donne que boutons,
Fil par-ci, aiguille par-là,
Et reboutonne et déboutonne
La joie de créer, la pensée,
Ainsi jour et nuit jusqu'à l'heure
Où l'on entre dans la mort.
Il me semble déjà moi-même être un bouton.»
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