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Charles Dobzynski (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070415595
612 pages
Gallimard (22/11/2000)
4.35/5   20 notes
Résumé :
Méprisée, calomniée par ceux qui virent en elle, durant des siècles, une langue abâtardie, la langue des "bonnes femmes" et la langue de la plèbe, méconnue par la bourgeoisie et les juifs éduqués dans les langues de leur pays d'adoption, qui la considéraient comme un jargon, la langue yiddish, viatique de millions d'hommes et de femmes, a fièrement ignoré ses détracteurs afin de poursuivre sa route, envers et contre tous. La culture qu'elle a forgée a pu, relayant l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Avec cette «Anthologie de la poésie yiddish» de 600 pages, Charles Dobzynski nous offre un impressionnant travail de sélection de poèmes et de traduction. On sent un investissement profond, un grand désir de faire connaître ces oeuvres méconnues.
Le yiddish ne fut longtemps considéré que comme un jargon, méprisé par la bourgeoisie, et les poètes présentés ici sont assez souvent issus de milieu modeste. Il y a parfois un côté populiste dans ces poèmes - populiste dans le sens qu'avait ce mot avant que nos médias ne le dénaturent: «qui s'attache à l'expression de la vie et des sentiments des milieux populaires».
Certes, c'est inégal, mais c'est un panorama intéressant qui nous est présenté, Dobzynski a vraiment cherché à nous donner une vue d'ensemble de la diversité de la poésie yiddish du XXème siècle (et fin XIXème). Si la dimension religieuse est souvent présente, ainsi que l'évocation d'un passé douloureux, l'engagement, la révolte contre des conditions sociales déshumanisantes, viennent aussi donner un élan, une énergie à cette écriture.
On y découvre de beaux vers méconnus, vibrants, souvent chargés d'angoisse:
«Que le chercheur de Dieu, pourtant, des barbelés à ses sandales
Dansant dans le désert rayonne ainsi qu'un soleil déclinant;
L'étoile qui s'éteint là-haut va tomber sur nous maintenant,
Et le derviche est attendu par les mâchoires des chacals.»
(Moshe-Leib Halpern)
Certains poèmes sont terribles, très éprouvants comme La ville du massacre de Chaïm-Nahman Bialik.
Mais parfois angoisse et légèreté se mêlent, avec un brin d'humour. J'ai beaucoup aimé le poème où Zalman Shneour parle de l'aliénation du travail, de la façon dont s'y anéantissent les rêves et le sensible:
«Moi, la ville m'a capturé
Pour coudre sans fin des boutons.
Fil par-ci, aiguille par-là...
Tant de sensations et de chants nostalgiques
Tant de rêves et tant d'humaines passions
Et tout cela ne donne que boutons,
Fil par-ci, aiguille par-là,
Et reboutonne et déboutonne
La joie de créer, la pensée,
Ainsi jour et nuit jusqu'à l'heure
Où l'on entre dans la mort.
Il me semble déjà moi-même être un bouton.»
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L'ensemble de ce recueil de poésie est un témoignage précieux et riche d'un monde disparu, d'une imagination incroyable et d'un humour inégalé, humour balançant du rire aux larmes, de l'espoir au désespoir et d'une naïveté apparente qui recèle la mémoire d'un peuple tout entier.
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Comme des échos flamboyants d'un monde disparu, des mosaïques de mots, des traces indélébiles d'une culture populaire, révoltée ou croyante, un pan magique de notre littérature européenne
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Citations et extraits (152) Voir plus Ajouter une citation
Comme sur une charrette on dérobe une pastèque
Je voudrais chiper la lune avant qu’il ne fasse jour,
L’emporter sous ma chemise et la sentir sur ma peau
Et vagabonder ainsi la main au fond de ma poche
Chantonnant et sifflotant - moi le luron lumineux.

Les ruelles, les marchés, les tavernes, les asiles
Écoutent comment mon corps joue et chante tout à coup.
Et jouant ma sérénade et chantant je le conduis
Par les rues comme le dit le Cantique des Cantiques,
Mais je suis tombé soudain parmi les veilleurs de nuits,
Ils m’ont cogné tour à tour, coups en pluie et coups en grêle,
M’ont fait saigner, m’ont blessé, battu à mort parce que

Comme sur une charrette on dérobe une pastèque
J’ai chipé la lune avant que le jour ne soit levé
L’emportant sous ma chemise à la chaleur de ma peau
Et vagabondant ainsi la main au fond de ma poche,
Chantonnant et sifflotant – moi le luron lumineux.

(Jacob Sternberg)
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La vie a noué sa cravate…


La vie a noué sa cravate,
s’est aspergée d’eau de Cologne
et s’en est allée au théâtre.

Elle a chaussé ses lunettes
– la vie est un peu myope –
et s’est mise à observer la scène.

Au premier acte, sur le plateau,
c’était une fête exceptionnelle,
une fête comme elle n’en avait jamais vu.
Des amoureux apparaissaient
qui parlaient un langage tel que la vie, depuis qu’elle vit,
n’en avait jamais entendu.

Dieu, la vie ouït-elle jamais de pareils propos !
Au deuxième et au troisième acte survinrent des malheurs
si originaux que la vie dut ôter ses lunettes pour les essuyer.

Jamais, en nul lieu, en nul temps,
la vie n’avait vu des gens se comporter de cette façon.
Le rideau est tombé sur le dernier acte
et la vie a applaudi, crié bravo.

Quand la vie a quitté la représentation, il était déjà tard.
Elle a comparé ce qu’elle avait vu au théâtre
et en a conclu que la vie ne sait pas du tout vivre.
Qu’il lui faudrait, de temps à autre, faire un saut au théâtre
pour apprendre comment les gens se comportent,
afin de savoir quoi faire en des circonstances analogues.

Et, depuis lors, la vie va régulièrement au théâtre,
et la vie devient chaque jour plus intéressante,
meilleure, plus raffinée, plus dramatique.


//Moshe Nadir
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Laisse-moi me taire (Hirsh Glik)

Laisse-moi, laisse-moi me taire,
Que cessent les mots.
Laisse-moi dire une prière
Tout bas, les yeux clos.
Nul ne peut, ni gardes en armes
Grille ou barbelés,
Nul ne peut interdire aux larmes
Tout bas de couler.

Pareils aux arbres de silence,
Vent, ne nous évite,
Mais qu’avec toi nos vœux s’élancent
Vers d’autres zéniths.
Va ton chemin, brise légère,
Va sans trop flâner
Pour porter à ma vieille mère
Mes tendres pensées.

Parmi les yeux de millions d’êtres,
Ceux de ma maman,
Tu sauras bien les reconnaître :
Ils sont différents.
Nul vent ne sèche la rosée
À ses yeux brûlants,
Elle pleure, martyrisée,
Son fils, dans un camp.

Va vite, vent, je lui envoie
Un signe d’amour,
Que ses yeux malades revoient
Son fils, de retour.
Et le vent murmure : est-ce un rire
Ou, secret, un pleur ?
De ma fin déjà, veut-il dire
Qu’ici sonne l’heure ?

Écoute encore, vent, écoute,
Au cœur un sanglot.
Mais le vent a fui sur la route
Et plus un écho.
Maintenant laisse-moi me taire,
Que cessent les mots.
Laisse-moi dire une prière,
Tout bas, les yeux clos.

(p. 563-564)
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ULTIME BILAN

Au moment où j'établis
L'ultime bilan,
Comptant et mesurant
Comme sur un échiquier le mouvement
De mon parcours sur les sentiers
Depuis le berceau jusqu'à l'instant présent,
Il me semble
Qu'à moi même
Je fus et suis restée aveugle,
J'ai cherché chez les autres les failles.
Je n'ai jamais assez
Aimé. Loué. Accordé ma confiance.
Entre le oui et le non
Je n'ai su construire aucun pont.
J'ai trop haï plutôt que de comprendre,
Et trop souvent je me suis tue
Lorsqu'il fallait jeter la pierre.
J'ai cru que chaque jour était un fruit
Succulent et mûr
La nuit une forteresse
Et le rêve un toit.
Je n'ai pas su
Que la vie - dur métier,
Il te faut en faire l'épreuve
Et l'exercer.

Dora Teitelboïm
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Cherche l’amour

Cherche l’amour, mais n’en demande point mesure,
de lui n’exige point exactitude et loi.
La vague vient portant une averse d’écume
Elle te lave avec les astres et l’azur.

Cherche l’amour, mais ne rappelle point son nom
Au port dans le tumulte des navires,
Se gonflent les courants, flammes et tourbillons,
Mais dans les profondeurs les perles se retirent.

Cherche l’amour à la margelle des étoiles,
Au loin, là-bas où se nouent tant de voiles,
Où la mer sur le ciel déverse tout son sable
Et le tamise avec le tamis de la lune.

Cherche l'amour, mais ne l’attache point à l'ancre,
Prends à la mer un seul instant de bleu lustral
Et quand s'enfuit la vague — alors remercie-la
Et que la suive ton regard : deux calmes voiles.

Arie Shamri (1907-1978)
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Vidéo de Charles Dobzynski
Lecture par Talila & Laura Elko Intermèdes musicaux par Teddy Lasry, pianiste, clarinettiste & compositeur
La poésie yiddish est le domaine des femmes ! Qu'il s'agisse de poésie religieuse au 17esiècle, ou lors de la renaissance littéraire de la langue au 19esiècle, les femmes poètes ont toujours été très présentes pour traiter des grands sujets universels: l'amour, la famille, le corps, la sexualité, la maternité, la société.
Après la Shoah, alors qu'on la croyait disparue à jamais, la poésie yiddish renaît, s'imposant fièrement aux premiers rangs de la littérature mondiale. Et de redécouvrir la force féminine des motsqui résonnent, s'adressent aux contemporains, plus modernes que jamais, les interpellent, les étonnent, les émeuvent, les séduisent.
Le choix des poèmes issus de L'Anthologie de la poésie yiddish met en valeur l'oeuvre de celles qui ont vu dans le yiddish le moyen d'exprimer leurs émotions et opinions. Parmi elles:Malka Heifetz-Tuzman,Reïzl ychliska, Kadia Molodowski, Dora Teitelboïm et bien d'autres.
Programme proposé par l'Institut polonais de Paris, dans le cadre du Festival des Cultures Juives.
À lire – Anthologie de la poésie yiddish. le Miroir d'un peuple, édition et trad. du yiddish par Charles Dobzynski, collection Poésie, Gallimard, 2000.
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