L'ALOUETTE
Voyez sur le bord du rocher, l'alouette, aux pattes menues comme des fils, erre en se dandinant, balançant le cou dans un petit cri régulier comme un tic tac de montre.
Alouette, gentille alouette ! une chanson parle de toi.
" Alouette, gentille alouette,
" Je t'y plumerai le cou !
" Ah I !e cou, Ah ! la tête.
Ta petite tête est fine et douce comme un regard d'âme et comme l'écume de l'onde que tu aimes et qui se plaint sur la rudesse des graviers,
le jaune d'or des sables et le varech mourant.
La chanson est bien cruelle pour toi, inoffensive et joliette !
Mais que te fait, que pourrait bien te faire la chanson des autres ? La tienne sans refrain compliqué. ta chanson grêle et fluette, te suffit. Tu ressembles aux amants dont le coeur se contente d'un idéal trop élevé pour un espoir solide, et qui meurent un jour dans une douce agonie,
"N'osant rien demander et n'ayant rien reçu."
Ah ! chère petite alouette, l'humanité qui te plumera ne rira pas la dernière.
Les choses fragiles, comme toi, sont des exemples à donner aux pauvres âmes qui se meurent d'ambitions immodérées.
Je te comprends un peu, il me semble, la belle grève qu'arrose un déferlement de vagues caressantes qui se mirent au soleil, et ton nid et ta couvée te suffisent.
Seigneur, Dieu créateur du monde et des taches bleues dans l'horizon des firmaments, rends mon âme légère et douce comme l'Alouette, " gentille alouette !"
Elle sait faire sa prière du matin ; car sa chanson grêle m'a bien l'air d'une prière.