Il n'existe pas plusieurs espèces de poésie qui se distingueraient les unes des autres par leur nature. Mais seule existe la Poésie, dont les aspects et les moyens d'expression varient à l'infini, selon les époques de l'histoire, selon les civilisations et selon la destinée des hommes. D'où la nécessité, dès le départ, de prévenir une possible confusion : la poésie surréaliste, pour parfaitement situable qu'elle soit, ne constitue pas, dans le vaste monde de la poésie, un domaine réservé, jalousement refermé sur ses secrets. Elle ne se laisse pas réduire à une formule ; elle ne peut être ramenée à un petit nombre de principes techniques dont l'application donnerait toutes garanties quant au résultat obtenu. Si vous écrivez, suivant une méthode surréaliste, de tristes imbécillités, ce sont de tristes imbécillités», notait jadis, non sans à-propos, Louis Aragon, dans le Traité du Style.
Au vrai, la poésie surréaliste n'est pas d'essence différente de celle de toute poésie authentique. Elle est, au plein sens du terme, poésie - poésie libérée des contraintes formelles qui pesaient sur elle et dont les Romantiques furent les premiers à vouloir l'affranchir; poésie enfin rendue à cette pleine conscience d'elle-même que Rimbaud et Lautréamont, mais aussi Novalis et Nerval travaillèrent, parmi d'autres, à lui restituer. Et comme toute poésie véritable elle est une et multiple, ainsi que l'attestent la variété de ses formes, la diversité de ses chemins, le registre étendu de ses voix, dans le concert desquelles il n'est assurément pas besoin d'être un spécialiste, pour distinguer très vite celle d'Eluard de celle de Péret, celle de Breton de celle de Char, celle d'Artaud de celle de Desnos, ou, pour prendre des exemples parmi des poètes plus jeunes, celle de Duprey de celle de Joyce Mansour ou de Guy Cabanel.
On se rappellera jamais trop que le surréalisme , loin d'être une nouvelle forme poétique, se veut "un moyen de libération totale de l'esprit ("Déclaration du 17 janvier 1925").
Une goutte d'homme
Une goutte d'homme
un rien de femme
achèvent la beauté du bouquet d'os
c'est l'heure de l'aubade
dans la fourrure de feu
le vent arrive sur ses quatre plantes
comme le cheval sur ses quatre roues
l'espace a un parfum vertical
l'espace a un parfum vertical
le vent arrive sur ses quatre plantes
comme le cheval sur ses quatre roues
c'est l'heure de l'aubade
dans la fourrure de feu
une goutte d'homme
un rien de femme
achèvent la beauté du bouquet d'os
Louis Aragon
A tort ou à raison
Les trésors sont toujours cachés
A deux pas des chansons assises
Voulez-vous un trésor caché
Voici cinq doigts
Voici une main
Voici cinq doigts et cinq chemins
Et voici cinq trésors cachés
Voulez-vous cinq trésors perdus
Voici dix doigts
Voici dix mains
Et cent chevelures dénouées
Ne comptez pas sur vos dix doigts
Les cent chemins d'une chevelure
Car les chevaux de ma raison
Sont morts d'avoir foulé en vain
Tes cheveux mon trésor certain ......E L T MESENS
Ne mangez pas...
Ne mangez pas les enfants des autres
Car leur chair pourrirait dans vos bouches bien garnies
Ne mangez pas les fleurs rouges de l'été
Car leur sève est le sang des enfants crucifiés
Ne mangez pas le pain noir des pauvres
Car il est fécondé par leurs larmes acides
Et prendrait racine dans vos corps allongés
Ne mangez pas afin que vos corps se flétrissent et meurent
Créant sur la terre en deuil
L'automne
Joyce Mansour