C'était ça, tomber amoureuse : d'abord, on tombait et puis tout s'enchaînait. Le ravissement de l'incertain.
Sa maman l'avait pourtant prévenue : dans la vie, attention il n'y a pas de brouillon, on fait des ratures, mais après on ne peut plus les gommer.
Ceux qui n'ont pas connu cette déflagration ne savent rien de la vie. Tu verras, ma chérie, rien d'autre n'a d'importance. L'unique chose que nous emportons d'ici-bas, c'est l'amour. Ne l'oublie surtout pas.
J'aime ne pas être sûre d'être amoureuse un jour. J'aime être certaine de rien, pour garder la surprise. J'aime les points d'interrogation.
Je ne comprends pas pourquoi les grands veulent tout savoir, tout connaître, tout planifier. Rien ne se passe jamais comme on croit. Je préfère douter de tout, mais je suis quand même sûre d'une chose. Mourir, ce n'est pas la fin, mais la suite. C'est ma seule certitude.
Sa stèle, représentant un immense escalier donnant sur une porte entrouverte, semblait monter jusqu'au ciel. Attirée par la force qui s'en dégageait, elle s'est approchée pour lire l'épitaphe gravée en lettres d'or : "Pour celle qui fut tout mon bonheur". Ces mots l'ont bouleversée, l'amour pouvait régner sur la mort, une passion pouvait être infinie. Cet amour-là, auquel elle rêvait depuis toujours.
Pour moi, la généalogie , c'est une manière de nous rendre présent à nous-même.
On en revient toujours à elle. Qu'elle fût absente, violente ou trop présente, on se retourne toujours vers sa mère quand on a mal, quand on souffre et quand on meurt. Elle est au début comme à la fin, elle nous donne la vie, et la mort avec.
Penser que nos enfants, qui sont tout pour nous, vont un jour donner vie à nos petits-enfants, lesquels s'encastreront dans ce tout et, à leur tour, mettront au monde un bout de ce tout. Et peu à peu ce tout se dissoudra, se floutera, s'engourdira dans le temps et nos liens se distendront en même temps que nous rétrécirons. On s'efface en laissant si peu de traces. Sur les photos, on reconnaît à peine nos arrière-grands-parents, les souvenirs s'estompent au-delà de la troisième génération. Il faut accepter ce lent désintérêt auquel nous sommes condamnés, s'habituer à disparaître. Il faut consentir à devenir une obligation, un devoir, oh zut je vais me faire gronder, j'ai oublié de lui téléphoner, d'aller déjeuner chez elle. On perd le premier rôle, tout s'inverse, ceux pour qui on s'inquiétait tant deviennent ceux qui s'inquiètent pour nous, petit à petit on dégringole. Les nouvelles générations s'installent à nos places. C'est comme ça, les saisons passent, et nous avec.
On n'écrit pas pour soi, mais pour être lu et se faire entendre.
Dans la bonne société, il était recommandé de laisser les tout-petits au bon air chez leur nourrice. En 1900, seuls les animaux pouvaient semble-t-il laisser libre court à leurs instincts maternels. La bienséance voulait que l'on retienne les flots de tendresse, que l'on réprime les milliers de baisers dont ces nouveaux-nés avaient tant besoin.