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EAN : 9782226474421
272 pages
Albin Michel (01/02/2023)
3.82/5   38 notes
Résumé :
Au lendemain de la mort de sa grand-mère, tandis qu'elle feuillette de vieux albums de famille, Camille se met en tête de retracer la lignée de ses aïeules, des femmes libres et extravagantes, « toujours sur leur trente et un, élégantes, coquettes, bavardes, indisciplinées, des gigolettes qui se balançaient en dévoilant leurs genoux et en profitant de la douceur du jour ».

Chaque nuit, au fil de sa plume, elle puise son inspiration dans ce passé trist... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 38 notes
«  Henriette, Odette et Annette furent des guerrières et des amazones. Camille veut les faire revivre, reconstituer leur destin de femmes libres.

Joyeuses, jalouses, possessives, égoïstes , maternelles, amoureuses , mélancoliques, romantiques, angoissées , courageuses . »

«  Elle n'aimait que les rires et la gaité, les couleurs claires et les jardins fleuris . »

«  L'amour, il n'y a que cela qu'on emporte. Je ne me lasserai pas de le clamer. »

Quelques extraits de cette histoire qui en contient plusieurs autres : Camille, notre héroïne, s'est mise en tête de retracer toutes les mémoires enfouies de sa famille, les explorer avec fièvre, patience et détermination,, à partir d'interrogations , sans vraiment savoir ce qu'elle cherche .

Elle a choisi de remonter le temps et retrouver ces aïeules qui l'interpellent , à partir d'images éparpillées , de bribes d'histoires qu'on lui a confiées …

Au lendemain de la mort de sa grand-mère, en feuilletant de vieux albums de famille , elle tentera de redonner une vie d'abord à son arrière - arrière - grand - mère , Henriette , née en 1879 à Alger, arrivée en France à l'âge de neuf ans …., sa fille Odette, puis sa petite fille Annette , au cours de ces presque cent ans qui ont changé le monde.

De mère en fille, au milieu de toutes ces transformations , toutes trois ont laissé leurs propres traces , avec l'amour comme religion et le rire en partage, elles ont rattrapé le temps dans une société qui bougeait autant qu'elles .

Elles ont choisi , chacune à leur manière les bonheurs fulgurants et fugaces , dangereux ———plutôt que la monotonie des jours qui passent ——-
Des vies en spirale.
Une sorte de trait héréditaire tenu longtemps secret : chacune d'entre elle conçut un enfant sous le joug d'une passion dévorante avec un père qui n'était pas leur mari , elles donnèrent vie , guidées par une sorte de loyauté singulière à des enfants de l'amour, des secrets de famille périmés.

Un monde en frous - frous et en jupons où les pères sont perdus et les maris absents ! .

Elles furent libres et extravagantes : coquettes , bavardes , toujours sur leur trente - et un, élégantes et indisciplinées.

«  Elles se balançaient , ces gigolettes, en dévoilant leurs genoux en profitant de la douceur du jour . »

Chaque nuit , au fil de sa plume , l'auteure puise son inspiration dans ce passé joyeux et triste, exhume des secrets incroyablement bien gardés .

Elles ont vécu un quotidien parfois tourmenté, soit par la guerre, le manque de liberté, les conventions sociales , l'ordre préétabli par les maris.

Elles se sont battues contre un monde d'hommes , désirant bousculer ces codes rigides , avec audace , courage , énergie .

Camille tourne les pages des albums dans l'unique but de leur faire honneur à travers ce lointain passé , ces vies passées à s'émanciper, à rêver.

La relation avec son époux est très intéressante ,journaliste au Monde, jaloux , piquant des colères il rêvait de devenir écrivain .
Il a beaucoup de difficultés à accepter de voir son épouse écrire et s'épanouir .

Entre passé et présent cette jolie plume dévoile avec sensibilité , poésie , une petite pointe d'élégance , ces allées et venues de personnages attachants agrémentés de faits historiques .

Il m'a été parfois difficile de m'y retrouver parmi toutes ces femmes, besoin de noter pour ne pas s'y perdre .Un peu lassant !

Malgré tout , un roman assez plaisant , tendre, qui parle de liberté , de passion, des blessures d'amour, d'extravagance, ces trois générations qui avancèrent , indépendantes, au destin romanesque .

Elles ont tenté de prendre le pouvoir afin de mieux vivre leur vie ! ..

«  Une main s'approche de mon visage.
D'autres mains , d'autres voix, un parfum de violette , alors seulement j'ouvre les yeux et je suis trop heureuse de retrouver ces femmes en robes de brouillard qui se pressent autour de moi .
Leurs tenues sombres tranchent avec leurs rires clairs.. »
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Au décès de sa grand-mère, la narratrice principale, Camille, quarantenaire, décide d'écrire secrètement un livre sur les femmes de sa famille, dotées de caractères bien trempés et ayant choisi des chemins hors des sentiers battus. Petit à petit, Camille exhume les secrets de famille et y découvre des ancêtres fascinantes, souvent bien en avance sur leur temps.

Elle, guide-conférencière à Paris, épouse et mère de deux filles, elle s'est enfermée dans un mariage où les étincelles du début se sont éteintes pour s'embourber dans une relation sans artifice, bien loin de lui permettre de s'épanouir.

Lui : époux occupant une place prépondérante : journaliste pour un grand quotidien, il s'est toujours rêvé écrivain et a toujours pensé que ça serait lui qui brillerait sous les projecteurs. Il se voit « refroidir » par le désir d'émancipation de sa femme lorsqu'il découvre ses projets d'écriture.

Alternant le passé et le présent, c'est une ode à la liberté que l'autrice, Marie-Viriginie Dru, offre aux lecteurs. Là où ses ancêtres bravaient les interdits, l'héroïne est comme enfermée entre quatre murs.

Doté d'un style aérien et d'une écriture fine et élégante, l'auteure a été précédemment sculptrice et on le ressent par l'intitulé de certains chapitres mais aussi par certains passages de l'histoire, façonnés petit à petit.

Au travers des destins de ses aïeules, c'est une véritable remise en question que va vivre Camille, protagoniste principale, tant dans sa vie professionnelle, que familiale mais aussi amoureuse. Je n'ai, par contre, pas su m'attacher à celle-ci, tant ses faiblesses me laissaient distantes.

Nonobstant cela, j'ai beaucoup aimé le final où l'autrice a su positivement me surprendre pour ne pas avoir opté pour le chemin de la facilité.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Quatre générations d'amoureuses

Marie-Virginie Dru nous offre un second roman-gigogne. Autour de la biographie de ses aïeules, elle nous raconte le parcours de la romancière face à son manuscrit, face à ses enfants et face à son mari. Une habile construction, une ode à la liberté.

Camille, la quarantaine, mariée et mère de deux filles, vient de perdre sa grand-mère. Après les obsèques et surtout après avoir vidé l'appartement de son aïeule et y avoir trouvé de nombreuses photos de famille ainsi que des lettres, elle décide de prendre la plume pour lui rendre hommage, ainsi qu'à la lignée qui l'a précédée. «Elle s'en tiendra à trois générations: après Henriette, sa fille Odette, puis sa petite-fille Annette. qui est sa grand-mère. 1870-1960. Ces presque cent ans qui ont changé le monde.»
Voici donc Henriette qui renaît sous sa plume. «Née en 1879 à Alger, elle arriva en France à l'âge de neuf ans. Son père l'avait accompagnée à Paris pour la confier à l'une de ses tantes. Sa mère venait de mourir en mettant au jour sa petite soeur Renée. L'enfant fut confié à une nourrice.» Devenue une belle jeune femme, elle va faire tourner les coeurs et se marier trop vite, car c'est avec son amant Pablo qu'elle va vivre la vraie passion. Mais à la veille de fuir avec le bel Espagnol, un accident va la défigurer. Elle renonce alors à son projet et suit son mari du côté de Narbonne. Entre temps, elle s'est rendu compte qu'elle était enceinte et va mettre au monde l'enfant de sa liaison extra-conjugale. La fille illégitime va alors devenir la «marque de fabrique» de la famille durant trois générations. Après Henriette, Odette puis Annette feront de même.
Pour Camille, il n'est pas question de juger ce faux pas, tout au plus y voit-t-elle des femmes qui ont eu l'envie de vivre pleinement leur vie, des femmes libres. C'est en tout cas ainsi qu'elle entend raconter ces vies et les transmettre à ses filles Louise et Jeanne.
La romancière a eu la bonne idée d'insérer dans son roman des extraits du journal intime de Jeanne, ce qui permet au lecteur de découvrir l'ambiance au sein de la famille quand elle découvre son projet d'écriture. Si sa fille est partagée parce qu'elle comprend vite que cette activité n'est pas neutre et que sa mère s'y investit au point de négliger ses enfants, elle y voit aussi un effet-miroir pour sa propre passion, la danse. Comme sa mère, elle s'investit à fond pour progresser jour après jour au sein de l'école des petits rats de Nanterre pour pouvoir être acceptée à l'Opéra.
En revanche son mari, journaliste dans un grand quotidien, y voit une sorte de concurrence déloyale. Après tout, c'est à lui d'écrire un roman, de compléter ses reportages et interviews par la publication d'un livre. Alors, il félicite son épouse, souligne combien les extraits qu'il a pu lire lui plaisent. Et cherche comment il pourrait détourner ce projet à son profit.
Comme dans son premier roman, Aya, Marie-Virginie Dru raconte l'histoire d'une femme qui cherche à se forger un destin et qui, pour cela, doit se battre et se délester du poids qui pèse sur ses épaules. Mais pour cela Camile a des alliées, ses aïeules qui désormais l'accompagnent et la rendent chaque jour plus forte. C'est aussi ça, la magie de l'écriture !

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Camille est guide conférence à mi-temps, mais depuis quelques temps, en particulier après la mort de sa grand-mère, elle se met à écrire, uniquement la nuit pour que son mari ne le sache pas, enfin ce qu'elle croit.. Camille se plonge donc toutes les nuits dans son passé, sur ses grands-mères, ses arrières, arrières grands-mères. Les albums de famille font naitre dans son imagination des femmes libres, des femmes extraordinaires, des femmes extravagantes. Trois générations revivent sous la plume de Camille.

Au travers des pages que Camille noircit sans s'arrêter, des histoires plus vraies que nature, plus insolites les unes que les autres, des histoires qui cachent des secrets de famille. Des femmes en avancent sur leur temps, qui vivent à mille à l'heure, libre comme l'air. Mais, toutes les femmes de sa vie sont indépendantes avec une grande force de liberté.. Camille est-elle aussi comme ses ancêtres ? Ou est-elle simplement soumise ?

Car, oui, il y a toujours un hic dans une histoire. Ici, c'est le mari, aux mille facettes. Un journaliste ultra reconnu, beau le jour, obscur la nuit, qui rêve d'une seule chose : devenir écrivain ! Un homme capable de tout ! Oui, oui de tout ! Un homme qui veut ce qu'il ne peut devenir, mais ça tombe bien, sa femme peut le faire..

Marie-Virginie Dru livre un récit totalement addictif, et d'une grande fluidité en passant du passé au présent comme d'un personnage à l'autre sans perdre la trame. Les personnages sont attachants, leurs personnalités extrêmement bien décortiqués, grâce à une plume élégante.

"Regarde le vent" est ce genre de livre coup de coeur qu'on n'attend pas, comme l'ouverture d'un ancien album de photos de famille, où la nostalgie survole nos pensées, ou l'on rêve d'un autre époque, voilà ce que nous donne Marie-Virginie Dru : des femmes passionnées et passionnantes, dans un écrin de splendeur, de sensibilité et de tendresse, où les plaies ouvertes se referment grâce à la beauté de la vie.

Une très belle réussite, un roman que l'on n'a pas envie de finir, où les femmes prennent le pouvoir de leur liberté pour mieux vivre leur propre vie ! C'est beau et enivrant !
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Regarde le vent est une histoire qui en recèle plusieurs autres. Camille, notre protagoniste, retrace les événements impactants qui ont rythmés la vie de ses aïeules féminines, de sa grand-mère à son arrière-grand-mère voire son arrière-arrière-grand-mère. Une lignée de femmes qui a vécu un quotidien tourmenté, par la guerre, les conventions sociales, le manque de liberté, ou tout à la fois. Camille retrace avec sensibilité et exactitude les différentes histoires d'amour qui jalonnent leurs vies, les problèmes d'éthiques et les aspirations personnelles qui ont fait de leur descendante ce qu'elle est aujourd'hui.

Il est parfois difficile de s'y retrouver parmi cette myriade de femmes, puisque les chapitres s'enchaînent en alternant les points de vue des femmes, dans un ordre qui n'est pas préétabli. Néanmoins, on se laisse facilement bercer par la plume de Marie-Virginie Dru, qui nous embarque avec facilité au coeur de ces quotidiens. L'écriture est déliée, aérienne, emplie de simplicité et d'élégance, on prend réellement plaisir à tourner les pages de ce livre.

Camille écrit pour elle, pour « se sentir moins seule. Pour s'écouter et se comprendre mieux. » Et pour cause : elle rencontre des difficultés au sein de sa vie maritale, avec un homme peu présent, qui manque d'attention, devenant quasiment un inconnu partageant le même toit. Femme au foyer, elle se lance dans ce projet dantesque, sans se douter une seconde de la jalousie médisante de son mari à son encontre. Une histoire qui montre que l'amour est un sentiment compliqué, qu'il faut savoir manier avec subtilité et souplesse.

Un roman qui parle de femmes, d'amour, de libertés et d'accomplissements personnels, que j'ai pris plaisir à lire.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Prologue
Notes sur les articles 311 et 312 du Code pénal :
« Il y a abus de confiance quand une personne s’approprie un bien que lui a confié sa victime. Cela peut être une somme d’argent, une marchandise ou une œuvre. Aucune poursuite légale ne pourra être engagée pour l’abus de confiance entre époux.
Le vol entre époux n’est pas reconnu. Un époux peut, par exemple, partir du domicile conjugal en emportant tous les biens qu’il souhaite. »

PREMIÈRE PARTIE
LES ÂMES FLÂNANTES
Un rêve impossible
Camille termine de préparer sa prochaine visite. Elle regarde par la fenêtre et, à l’aide de ses doigts, commence à compter. Bientôt sept ans qu’elle promène des petits groupes dans les méandres d’un Paris mystérieux. Guide conférencière, un travail à mi-temps, et à mi tout court, comme le lui fait souvent remarquer Raphaël qui trouve que sa femme a trop de temps libre. « Juste un hobby, dit-il. D’ailleurs, elle ne pourrait pas en vivre, ou alors à moitié. Et encore ! »
Il ne croit pas si bien dire. Camille a si souvent l’impression de vivre à moitié, dans l’à-peu-près. Presque quarante ans, ni jeune ni vieille, un entre-deux tiède. Une vie où rien ne dépasse. Parfois Camille voudrait retrouver cet âge où tout semble possible, où le moyen n’existe pas. Ce temps de l’insouciance où l’on peut refaire le monde, partir sur un coup de tête et dormir jusqu’à pas d’heure. Oui, retourner en arrière : « S’il vous plaît, on peut recommencer, je n’étais pas prête ! » Trop tard, les jeux sont faits. Les habitudes ordonnent les jours. C’est comme ça !
Elle regarde l’heure sur son portable, se lève d’un bond. Sans vérifier son reflet dans le miroir, elle attrape sa veste et claque la porte. Louise doit l’attendre, planquée à deux rues de son école. Pour Camille, comme pour tant de mères, ses filles sont ses trésors. Jeanne et Louise, douze et quatorze ans, petites et grandes, gentilles et méchantes, courageuses et velléitaires, des paradoxes ambulants. En dévalant la rue à toute allure, elle ne pense plus à rien, pas même à son nouveau projet. Son livre. Depuis qu’elle a perdu sa grand-mère il y a un peu moins de trois mois, elle ressent le besoin d’écrire. Un premier mot hésitant, comme le pied qu’on trempe dans l’eau froide sans être sûr de vouloir plonger… puis une foule de mots qui s’agitent telle une guirlande, et des phrases qui s’assemblent presque par magie. Pourtant, écrire lui avait toujours semblé un rêve impossible.
Depuis trop longtemps, Camille enfouit ses tristesses et ses peurs. Devant Raphaël et leurs amis, elle cherche ses mots et n’arrive pas à terminer ses phrases. Alors elle se tait, mine de rien. Elle ne se serait jamais crue capable de transcrire toutes ces contradictions qui l’habitent. Découvrir que l’écriture peut devancer sa pensée la grise.
Presque chaque nuit, elle quitte son lit en prenant soin de ne pas réveiller son mari. Elle rejoint sa lignée maternelle, sa plume parle pour elle. Elle s’amuse, s’étonne. Parfois même, elle pleure. Et c’est doux de retrouver ainsi sa grand-mère dont elle refuse de se séparer.
Tout a commencé le jour de son enterrement.

Celle qui fut
Y’a d’la joie
Bonjour bonjour les hirondelles
Dans le ciel par-dessus les toits
Partout y’a d’la joie
C’était en plein hiver, un jour glacial. Pendant la messe, Camille n’avait pas pleuré. Pas une larme. Serrée contre ses cousins, elle chantait avec eux en fixant la lumière colorée qui perçait les vitraux de l’église Sainte-Clotilde, pour ne pas se noyer dans la tristesse des ombres grises. Son frère accompagnait les chants à la guitare, en gardant les yeux fermés. Leur grand-mère était morte, et ils célébraient à leur manière la joie qu’elle leur avait léguée.
Puis ils avaient regagné leurs rangs pour s’agenouiller sur les prie-Dieu. Mathilde, la mère de Camille, était assise devant elle, recroquevillée dans son chagrin, elle était redevenue une petite fille qui cherche sa maman. Camille a posé une main sur son épaule. À travers le tissu de sa veste, elle sentait ses os qui tremblaient. Autour d’elles, tout s’est accéléré. Les témoignages remplis d’amour et de souvenirs, les prières, les chants, l’encens et toujours la petite flamme rouge, témoin d’une présence improbable. Pendant que le prêtre parlait de résurrection, le regard de Camille est tombé sur une statue de la Vierge qui, pour la consoler, lui présentait son Enfant.
Sa fille Jeanne s’était placée près de l’autel pour dire une prière. Derrière son pupitre, elle se tenait très droite dans sa robe rose pâle, et lisait un texte de sœur Emmanuelle. Son timbre enfantin avait sorti Camille de ses rêveries. Comme un souffle, la voix de Jeanne faisait vaciller les cierges. Les mots remplissaient le silence, quelques reniflements s’accrochaient aux mouchoirs. Quand la cérémonie a pris fin, Camille a retrouvé sa fille dans l’allée centrale et s’est appuyée sur elle, de peur de s’écrouler.
Dehors, elles ont plissé leurs yeux rougis, aveuglées par le soleil. On venait les embrasser, les réconforter, les féliciter pour cette messe et aussi pour avoir si bien chanté. « Y’a d’la joie », fallait oser quand même ! Des mines contrites qui forçaient leur tristesse et des accolades remplies de compassion. Tous ceux qu’on aime et tous les autres, éclairés par la lumière crue de décembre.
Camille a filé en douce avec sa famille pour suivre le corbillard qui roulait à toute allure. Surtout ne pas louper la dernière heure. Dans l’allée du cimetière, ils se sont groupés autour du cercueil. Jeanne a chuchoté à l’oreille de sa mère qu’elle savait que bonne-maman n’était pas dedans. « Sa maison c’est là-haut, tu sais, avec les anges et les étoiles. »
Calée entre sa mère et ses enfants, Camille était comme un arbre. Plantée. Et ses idées, pareilles aux feuilles, flottaient dans l’air glacial. Puis ses deux filles ont rejoint leurs cousins en sautillant, illuminant cet instant de leur jeunesse frivole. Bonne-maman aurait adoré ! Elle n’aimait que les rires et la gaieté, les couleurs claires et les jardins fleuris.
Des messieurs avec des têtes d’enterrement se sont approchés pour la déposer au fond du trou, sa dernière demeure. On a jeté des fleurs comme autant de baisers. « Regardez le nuage tout rose juste au-dessus de nous, c’est elle ! Elle nous sourit… » Et, telle une vague, les cous se sont tendus vers le ciel qui s’embrasait, puis se sont courbés vers la petite fille blonde comme l’aurore qui le pointait du doigt, seule à avoir vu ce signe qu’il ne fallait pas rater. Des larmes brouillaient la vue de Camille et, à ce moment seulement, elle a pleuré sur tout ce qui nous échappe. Sur tout ce qui nous quitte à jamais.
Puis ils sont repartis par la grande allée, et Camille s’est arrêtée devant une tombe en granit noir qui trônait au-dessus des autres. Sa stèle, représentant un immense escalier donnant sur une porte entrouverte, semblait monter jusqu’au ciel. Attirée par la force qui s’en dégageait, elle s’est approchée pour lire l’épitaphe gravée en lettres d’or : « Pour celle qui fut tout mon bonheur ». Ces mots l’ont bouleversée, l’amour pouvait régner sur la mort, une passion pouvait être infinie. Cet amour-là, auquel elle rêvait depuis toujours.
En rejoignant Raphaël, elle a glissé sa main dans la sienne. Il l’a serrée si fort qu’elle s’est sentie rassurée.

Photos sépia
Quelques semaines après, il a fallu déménager l’appartement de bonne-maman. En arrivant devant chez elle, Camille, par réflexe, a failli sonner. Elle ne pouvait pas croire que sa grand-mère ne serait plus jamais là pour l’accueillir.
Son chat avait pris sa place. Sur le coussin brodé, il avait enfoui sa tête sous ses pattes pour ne pas voir ce qui se passait. Puis il s’était mis en boule, pendant que Mathilde, plus orpheline que jamais, tournait en rond dans l’appartement. Elle s’affairait, ordonnait, triait, étiquetait ce qui avait été la vie de sa mère. Le commissaire-priseur devait passer le lendemain pour mettre un prix sur ces meubles qui furent les témoins de ses jours. Ses petits-enfants avaient déjà choisi l’objet, le bibelot chargé de souvenirs qu’ils emporteraient chez eux. Afin que leur grand-mère continue à les protéger. Chaque recoin était imprégné de sa présence et son parfum flottait encore dans l’escalier de son immeuble.
En voyant sa mère si pâle, Camille craignait qu’elle ne s’effondre au beau milieu des objets autour desquels elle s’affairait. Son oncle était assis derrière un bureau, il remplissait de la paperasse, téléphonait, organisait. Il avait l’air d’un vieil enfant trop sérieux. Dès que sa bonne-maman, au sourire aussi large que le cœur, lui revenait à l’esprit, Camille s’efforçait de retenir ses larmes. Sa grand-mère lui avait enseigné la légèreté, la gourmandise, la joie. C’était à elle qu’elle se confiait, elle qui comprenait mieux que personne ses secrets d’adolescente.
Annette avait toujours été gaie, rose et parfumée. Une grand-mère aussi soyeuse que ses foulards. Aujourd’hui, par son absence, elle devenait pesante pour la première fois.
Camille s’était lovée dans un coin pour trier les albums photos. Il y en avait plusieurs piles, agglutinées derrière le canapé. Beaucoup étaient déchirés à force d’avoir été feuilletés. Elle connaissait par cœur les plus récents. Ceux avec ses filles, avec leurs cousins. Dans d’autres, un peu plus anciens, se succédaient des images témoins de son enfance. Camille avait du mal à se reconnaître dans cette ado au regard intransigeant. Où était-elle passée ? Les dîners de Noël où ils sont tous réunis et les montagnes de cadeaux sous le sapin qui touche le plafond. Les mines réjouies des enfants devant les beaux paquets qu’ils n’osent pas ouvrir. Ces instants magiques qui ne reviendront plus. Cette grand-mère était leur Mère Noël, impossible d’y croire sans elle.
Les photos changent de saison, et voilà des plages remplies de châteaux de sable, de mines barbouillées de chocolat et de pique-niques joyeux. La Ba
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Camille puise dans deux sources d'inspiration: les lettres de ses aïeules et de nombreuses photos. En pensant à son livre, elle a pointé son index sur cette femme et tracé une courbe qui descend jusqu’à la naissance de sa mère. Qu'elle ne tient pas à évoquer, elle est trop proche d'elle. Elle s’en tiendra à trois générations: après Henriette, sa fille Odette, puis sa petite-fille Annette. qui est sa grand-mère. 1870-1960. Ces presque cent ans qui ont changé le monde. Et de mère en fille, au milieu de toutes ces transformations, toutes trois ont laissé leurs propres traces. Avec l’amour comme religion et le rire en partage, ces femmes ont rattrapé le temps dans une société qui bougeait autant qu’elles. Elles ont choisi les bonheurs fugaces et dangereux plutôt que la mélancolie respectable des jours qui passent. p. 36-37
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C'est une histoire de forces, celles de la lune et du soleil sur la Terre. Une histoire d'attraction qui pousse la mer à se retirer, et tu sais, le cycle des femmes obéit aussi à cette loi. Nous faisons tous partie d'un ensemble qui nous porte de la naissance à la mort, qui régit le ciel, les astres, et qui dure depuis des milliards d'années. Ce soir on regardera ensemble ces étoiles qui sont mortes depuis longtemps et qui pourtant continuent à briller. Tu vois, nous sommes tous des poussières d'étoiles.
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«  Ce n’est pas l’encre qui fait l’écriture, c’est la voix, la vérité solitaire de la voix, l’hémorragie de vérité au ventre de la voix » .


CHRISTIAN BOBIN .
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«  La lumière humide glisse sous les arbres et les pierres tombales se dressent comme des soldats au garde - à - vous, les feuilles tourbillonnent dans les allées vides .
Les mots d’amour gravés dans la pierre parlent doucement de la vie qui s’en va » …
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Vidéo de Marie-Virginie Dru
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