Citations sur La chair interdite (43)
Dans la tradition du Kâma-Sûtra, hommes et femmes sont divisés en trois catégories, selon la dimension de leurs organes. Ainsi, "suivant la profondeur de son yoni", sa vulve, une femme est soit une gazelle exhalant le doux parfum de fleur de lotus, soit une jument au parfum de sésame, soit une éléphante au musc de pachyderme. L'homme, de son côté, peut-être lièvre, taureau ou cheval. Une union intime réussie dépend dès lors des possibles combinaisons animalières des partenaires, en sachant que pour trouver son bonheur, l'homme doit prendre une taille de yoni au-dessus de la sienne.
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En France, dès l'entre-deux-guerres, certaines voix s'élèvent contre la pression mise sur le ventre des femmes pour satisfaire les volontés revanchardes de l'armée. [...]
Nelly Roussel, penseur féministe et anarchiste [1878-1922], refuse que les femmes soient transformées en « femelles pondeuses » travaillant pour engraisser les champs de bataille et se dévouant pour la patrie : « Comprenez-vous bien, messieurs, ce qu'il y a pour nous, femmes, d'ironie dans ces mots ? Eh quoi ? Vraiment la patrie se croit des droits à notre dévouement ? Une patrie qui, depuis des siècles, nous méconnaît, nous néglige, nous opprime, qui n'a jamais payé nos peines que de beaucoup d'ingratitude, qui nous a traitées toujours en bête de somme ou en bibelots de luxe, et qui aujourd'hui encore, sous la IIIe République, dans le pays de la Révolution, nous relègue au rang des fous, des enfants, des malfaiteurs ! Et elle ose nous dire : « Soyez mères ! »
(p. 180-181)
Signe d'esclavage chez les Grecs, de punition d'adultère à Sumer, de soumission en Chine impériale ou de collaboration horizontale à la Libération, le sexe chauve apparaît à présent comme le comble de la modernité et de l'émancipation féminine. Ironie de l'Histoire.
Ironie de l'histoire, au pays de l'harmonie entre les deux sexes, l'organe féminin est au XXème siècle le premier à être victime d'une entrave dans sa chair, d'une interdiction de remplir sa fonction première: mettre au monde.
Le sexe de la femme a donné vie aux taoïstes, mais face à la démographie galopante de la superpuissance qu'est devenue la Chine, il se retrouve enchaîné, tel Prométhée le voleur de feu.
« Le 4 juillet [1958], après plusieurs semaines de siège intensif, quelque six mille femmes s'approprient une méthode punitive tribale contre les hommes, l'anlu. Tandis que les politiques palabrent et argumentent, elles retirent leurs vêtements dans la rue, chantent et dansent dans le plus simple appareil. Quant à celui qui a le malheur de croiser leur chemin près du bâtiment du Congrès national du Cameroun, il est poursuivi et insulté. Les femmes lui exposent leurs parties intimes. Honte, ridicule et opprobre sont ainsi jetés sur ces victimes de leur anlu. […]
La rébellion de l'anlu ne compte pas s'arrêter avant de faire trembler l'État colonial. […] Le gouvernement tente d'endiguer le mouvement en arrêtant sa "reine", mais venues de toute la région, des femmes de plus en plus nombreuses encore se massent dans le chef-lieu du nord-ouest, Bamenda. Leurs manifestations sont si redoutables que la police ne peut les contenir.
Le gouvernement n'a plus d'autre choix que de dialoguer avec celles qui ont pris le contrôle des affaires tribales. L'indépendance de la zone française est proclamée le 1er janvier 1960, et le Cameroun devient la première des colonies africaines à y accéder. Au-delà de cette victoire politique inédite, la symbolique utilisée par les femmes kom vaut le meilleur des slogans de tous les propagandistes : en faisant de leur sexe nu une arme de révolte capable de remettre en cause les règles coloniales, elles ont participé à la libération du territoire. » (pp. 204-205)
On doit à l'avisé poète berbère [Ahmad al-Tîfâchî, XIIe siècle] l'une des toutes premières évocations littéraires de l'orgasme féminin. Il faut le rechercher, conseille-t-il, en se mettant à la place d'une femme, « jusqu'à ce que tu sentes venir à toi comme le zéphir caressant les fleurs de mars, comme les effluves d'un vin, comme cette odeur têtue qu'exhale la boutique du cabaretier, jusqu'à ce que tu en arrives enfin à contempler avec ravissement le tremblement du tendre bourgeon de saule sous la caresse des gouttes de pluie », avant de conclure à l'incommensurabilité des soubresauts féminins. (p. 111-112)
On ne naît pas femme, on le devient.
Si la jeune fille croit prendre pleine et entière possession de son corps au moment où il devient celui d’une femme, elle ne sait en réalité rien de son anatomie. Il lui faudra entendre la chance et la malédiction d’être ainsi faite, le plaisir et la douleur qui seront les siens, comme il en a été depuis la naissance de l’humanité.
La liberté demande du temps pour soi, et sa première liberté doit être dans son droit à disposer de son corps, le droit de dire ce qu’elle en fera dans son mariage et en dehors. » Tous ces droits tournent autour d’un seul pivot : la contraception.
Le sexe féminin est une citadelle contre laquelle l’homme amoureux doit lancer l’assaut.