Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre que je ne pourrai jamais travailler avec mon père, surtout sous ses ordres. J'étais bardé de papiers, de diplômes, qui ne me servaient à rien. Il suffisait d'être le fils du patron, de s'asseoir dans le fauteuil qui vous était réservé et d'attendre. Les saluts obséquieux du personnel, au matin, le soir, qui tombent toujours à la même heure, sans surprise aucune.
Je me suis trompée. Le paradis de mon enfance a toujours existé, c'est moi qui l'ai déserté. Moi seule. Je n'ai pas su attendre le bon train. Je suis partie dans la mauvaise direction. Mais peut-être n'est-il pas trop tard ? Peut-être me sera-t-il donné une seconde chance ?
Ta mère ! Parlons-en, tiens ! Elle était si fière de toi. Et puis un jour, un type lui a donné un des tes bouquins, un livre où elle a découvert que sa fille se livrait à la débauche.
La passé Miss Blandy, le passé. Il garde toujours dans ses plis des sentiments qui ne disparaissent qu'avec votre mort.
Peur des mots, de ce qu'ils cachent. La seule façon de les apprivoiser, c'était de les écrire, de leur donner un autre sens, le mien… tandis qu'au dehors, le monde refusait de changer. C'était toujours les mêmes gens, le même ciel, les mêmes maisons.
Train de ma jeunesse. Il ressemblait à celui-là. Petite, j'en avais peur. Il passait juste derrière la maison de mes parents dans un grondement terrifiant. Train de toutes les illusions : m'aurait-il emmené vers un avenir meilleur ? Probablement pas. Il se serait arrêté quelque part dans un bled quelconque où vous attend un gentil garçon qui songe à vous faire des gosses. Il tient un magasin. Le soir, debout derrière son comptoir, il compte sa caisse. Il envisage de vous offrir une nouvelle robe. Vous avez grossi. Il ne connaît plus très bien votre taille.
La salope !... T'as vu ça ?! Elle m'a planté la fourchette dans la main !! Elle est dingue, -complètement dingue !!
Ce bled quelconque dont j'ai parlé, j'y suis née, enfin celui-là ou un autre. Ils se ressemblent tous.