Bon nombre des pensées que Léonard a semées en ses manuscrits sont des notes de lecture. Si on les prend isolément, sans chercher à connaître les circonstances qui ont provoqué le grand peintre à les formuler, elles peuvent, bien souvent, paraître banales et de peu d'importance; leur sens même, quelquefois, demeure obscur. Il en est tout autrement si l'on s'enquiert des livres que Léonard a pu avoir en mains, des discussions qui s'agitaient dans les écoles de son temps. Replongées alors dans le milieu qui les a vues naître, ses réflexions s'animent et reprennent vie; la phrase qui semblait morte et desséchée, s'épanouit, montrant à nos yeux étonnés une plénitude de sens que nous ne soupçonnions pas ; elle nous entr'ouvre, pour un instant, l'âme du penseur génial et nous révèle les problèmes dont cette âme est agitée, les solutions auxquelles elle s'est arrêtée.
A la vérité, pour interpréter de la sorte ces notes brèves et peu nombreuses, il nous faut reconstituer ce qu'était, au début du XVIe siècle, la théorie de l'infiniment grand et de l'infiniment petit; l'oeuvre est immense, car elle exige une étude approfondie d'une foule de traités composés par les grands docteurs de la Scolastique; elle est passionnante aussi, par la puissance des distinctions logiques et des intuitions métaphysiques qui ont révélé à ces penseurs les fondements de leurs doctrines, aussi bien que par l'influence féconde de ces doctrines sur le développement de la Mathématique moderne.
Ainsi, çà et là, en ces manuscrits que les bibliothèques gardent comme d'inappréciables trésors, nous trouvons quelques brèves remarques sur l'infîniment grand et l'infiniment petit. Recueillies avec soin et mises à part, ces remarques n'éveillent en nous qu'un sentiment de pieuse curiosité.
Depuis l'impression, déjà ancienne, de ces études et, en particulier, des deux premières, bien des textes sont venus à notre connaissance, qui eussent pu être employés en la rédaction de ces articles. Ces textes, nous les avons brièvement analysés en des notes dont quelques-unes sont assez étendues. Nous espérons que les quatre études ici réunies contribueront à jeter quelque jour sur deux époques particulièrement intéressantes du développement de la pensée moderne.