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Citations sur Acide (27)

Votre esprit a beau s'en convaincre, il n'y a en réalité pas plus de raison que votre visage vous dure, que de gagner au loto, de recevoir un virement par erreur ou un héritage surprise. Considérez plutôt que, chaque jour, à chaque instant, vous jouez des morceaux de votre corps à la roulette russe. Beaucoup ont de la chance. Tout du moins jusqu'à un certain âge. L'homme a troqué son refus de mourir jeune contre la certitude de devenir moche. Dégueulasse, mais ça reste supportable. On n'est pas seuls dans ce cas. La seule communauté des vieux, c'est celle de la laideur.Je ne connaîtrai jamais cela. Ne soyez pas jaloux. Mon visage est figé dans un temps qui ne concerne plus les hommes. Quand on perd son visage, on se perd soi-même. On perd le droit d'être soi parmi les autres. La mutilation vous sort de la norme. À mon entrée à l'hôpital, je n'étais plus affiliée, plus complètement affiliée, à l'espèce humaine. J'avais perdu l'homologation, ce tampon si spécial qui donne la certitude de faire partie du club. Plus proche des rongeurs que de vous, j'ai dégringolé de l'échelle, je suis sortie de la communauté. Tout en bas. Je fais aussi peur que la vermine qui surgit d'une poubelle avant de disparaître.
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Une victime. J'étais faite. Victime à perpétuité. Il n'y aurait ni rémission, ni guérison. Si j'avais su... Rien ne nous prépare à devenir victime. Ça vous tombe dessus, ça vous étouffe. C'est un nouveau statut, comme une nouvelle peau. Certains apprennent à cacher cela dans leur poche, à le maintenir à l'intérieur, au fond de la gorge, dans les crevasses, les cassures de l'être. Impossible pour moi. J'étais une victime portative. «Bienvenue au club!» Ma carte de membre? Fixée sur mon visage. Ineffaçable.
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Pour les flics, mon agression était nécessairement sexuelle. Ou romantique. Ça devait être un crime de passion ce qui ne le justifiait pas, mais permettait, selon eux, de le comprendre. Moi aussi, j'essayais, de toutes mes forces, de comprendre. Pourquoi moi? Pourquoi mon visage? Je réfléchissais à la signification de ce geste. On avait cherché à me détruire, moi en tant que moi, tout en m'interdisant de renaître. À me coincer là, dans un entre-deux. Qui pouvait avoir un jour ressenti le désir de m'annuler?
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S'en tenir à la surface des choses, c'est plonger à pieds joints dans un piège, celui du désir passager. Mais ce n'est pas tout, ce n'est pas l'essentiel. Peu importe, à vrai dire, que la beauté du cœur soit toujours supérieure, qualitativement supérieure. La vérité, c'est qu'on ne s'entiche jamais d'un laid. Il faudrait nous crever les yeux. On ne peut pas reprocher aux hommes ou aux femmes d'aimer la beauté. D'avoir du goût. Pas plus qu'on ne peut accuser le beau de quoi que ce soit, car c'est bien la seule chose qui n'existe pas à moitié. Qui n'a jamais ressenti un malaise en présence d'un laid, comme s'il risquait de nous contaminer? Moi, plusieurs fois. Être laid, cela se joue à peu, ce n'est pas une affaire de poids, de couleur. C'est dans le visage. Dans le regard. Là, au milieu, au fond... On naît avec. Ou pas. Rien ne l'excuse, mais tout excuse la beauté. Elle peut être injuste. Mesquine. Cruelle parfois. Un peu volage. Infidèle. Moqueuse. Elle a rendu service à tous les beaux que j'ai fréquentés. Y compris à moi. La beauté est permissive, autorise le mépris, le dédain, la légèreté, elle permet d'être désagréable, hautaine, infréquentable, rancunière, excessive, renfermée, débrayée.Elle permet aussi de prononcer ce genre de phrases: "Tu sais, le physique ne fait pas tout. Ce n'est pas grand-chose..." Ou alors, en y croyant à peine : "Je m'en fiche de ta beauté, ce qui compte, c'est ce qu'il y a au-dedans." Oui, de croire, uniquement de croire, que l'on pourrait épouser avec joie, pour le meilleur et pour le pire, Quasimodo ou le premier laideron venu. C'est faux. Ce qui n'est pas beau a tort d'exister, voilà tout. Voilà ce que dit Hugo.Je le sais à présent.
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Votre esprit est toujours un mauvais allié. Vous avez beau renoncer à l'espoir, en douce, comme en secret, votre esprit le cultive. Il a son petit jardin. Il plante ses petites graines, et des idées fleurissent, et vous, qui n'attendiez rien, vous commencez à espérer. À votre insu.
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Je m'étais organiquement accrochée au simple fait de vivre. De vouloir vivre. Sans aucune autre raison que celle de vivre, de respirer, comme un mollusque. N'étant plus humaine, je n'avais pas à prétendre aux mêmes droits. Il fallait que je me persuade, aussi, de mon exclusion de la race des hommes pour ne pas pleurer sur mon sort, pour ne pas m'inquiéter. Ce n'était pas la vie, mais de la vie. Du vivant dont on pouvait se parer. Oui, c'était injuste, bien sûr, mais des injustices, il y en a tous les jours. C'est juste trop injuste quand cela tombe sur vous.
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Ce n'est pas qu'une expression: la vie ne tient qu'à un fil. Cela ne veut pas seulement dire qu'on peut la perdre d'un coup, mais aussi qu'elle peut persévérer, la vie. Qu'elle veut vivre, se maintenir dans son état de vie, qu'importe l'état global, si elle trouve encore des cellules, si elle trouve encore des organes, si elle trouve encore un coeur pour battre. Suspendue, elle se tient au fil. Elle ne pense pas à vous, elle ne peut pas penser. Ce que l'on ressent? Ce que l'on est? Ce dont on souffre? Elle s'en fiche.
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Avant l'agression, j'adorais faire culpabiliser ma mère, c'était plus fort que moi. Comme par instinct de revanche et de détestation, je devais lui montrer que tout était de sa faute, que tout arrivait par sa faute. C'était peut- être une façon de me protéger de sa dépression. Ne pas la main amale considérer comme une victime. Les mères sont des coupables parfaites. Elles encaissent.
Sa condition domestique me dégoûtait. C'était une ratée. Je lui faisais sentir que, si j'étais partie, si j'avais quitté le Nord et, par-dessus tout, les limites du pavillon, c'était avant tout pour ne pas finir comme elle. Je n'ai jamais manqué une occasion de lui rappeler qu'elle avait une vie de merde. Je me moquais de ses basses ambitions, de son petit esprit, de son humour potache, de sa coupe de cheveux, de ses pantalons trop larges, de son haleine aigre, de ses rou- geurs, de son corps maigre, de sa fatigue. Elle aimait lire, je détestais. Elle aimait la chanson française, je n'écoutais que de la pop. Jamais je ne me suis préoccupée des miettes que je laissais sur mon chemin. Jamais je n'ai rangé le moindre verre, nettoyé la moindre assiette.Comme à l'hôtel. "Tout sera fait pour satisfaire Mademoiselle".J'avais besoin de lui demander pardon pour tout cela.
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C'est étrange, ce besoin d'implorer le pardon, moi qui ne croyais à rien, qui étais née sans dieu. D'une certaine façon, ma mère était Dieu puisqu'elle était tout. Point d'origine et de fuite. C'était toujours vers elle que je revenais, quand ça allait mal.
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On pense que le visage avec lequel on naît durera toute la vie. Même si on en est plus ou moins fier, plus ou moins satisfait. (Ne faites pas semblant ! Nous cultivons tous une liste secrète des choses qu’on haït, que l’on essaie de cacher, avec un foulard, du maquillage, en tournant la tête lors des photos, de profil, plutôt de dos, en se cassant la nuque. On se laisse toujours trop contaminer par soi-même.
Moi : mon nez pâteux, mes narines grassouillettes, gonflées et arrondies. Je me disais : « Il n’est pas féminin, ce nez ! » Les mêmes narines que mon père… Le même putain de nez… Comme si on l’avait moulé à l’identique. En me voyant, les amis disaient toujours : « Toi, t’es bien la fille de ton père ! »
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