Augustin trouve réconfortant d'être comparé à un bœuf car c'est dire qu'il peut y arriver, que ce n'est pas une question de talent, d'intelligence, de culture, mais seulement d'entêtement, de pugnacité. Tout à fait comme le vélo.
p141
Enfant, Augustin avait entendu qu'ils surnommaient son père le petit baron, ou Toto-Tornado par ce qu'il vendait des aspirateurs.
P167
Augustin est pris d'un fou rire en imaginant petit Toto s'engouffrant tel le traître, dans l'unique cabine téléphonique du bureau de poste de Bagatelle, son écharpe remontée jusqu'aux yeux, pour dilapider l'héritage de sa jolie Suzanne.
Les oncles et tantes étaient acheteurs, naturellement, d'autant plus que Toto traqué par les huissiers, liquidait à bas prix.
p169
"Je t'interdis de lire ce torchon, maman."
Ce sale con qui avait joué au bon fils après avoir traité la mère de conne durant toute leur adolescence.
P 226
J'aurais voulu que vous puissiez voir ça aussi,
les femmes en bigoudis les hommes en marcel
et les pompiers saturant votre chère Suzanne pour l'emmener chez les toqués avant de s'apercevoir que l'appartement grouillait d'enfants
et qu'il y en avait même de coincés sous les meubles.
P 310
Jamais il ne s'est senti si proche de la mère qu'en cet instant où il aimerait mourir.
On arrive innocent et confiant sur la Terre et on peut être de la sorte sanctifiés ou condamnés par sa propre mère avant même d’avoir pu envisager ce qu’on allait faire de notre vie.
Non, Augustin ne croit pas que la mère ait cette lucidité, elle n’a jamais appris à réfléchir, seulement à obéir au code que lui ont transmis les siens. Il dirait même que chez elle il était défendu de réfléchir. Pourquoi s’adonner à cet exercice extravagant quand les règles de vie, édictées depuis des générations, ont fait la preuve de leur efficacité ?
Même si elle a peu de temps pour lire, elle explique à Augustin que c’est une illusion délicieuse d’être au milieu de ces milliers de destins offerts, posés là sur les tables et les étagères, comme si se promenant dans une ville on pouvait entrer librement dans la tête de telle ou telle personne dont le regard vient de vous toucher et tout apprendre d’elle.
Si tu arrives à transformer ta détresse en une œuvre, tu seras sauvée. Ecrire, ce sera comme si tu t’élevais soudain de la lourde terre pour accorder une autre vie qui te permettra de regarder de haut la première, celle où tu marches aujourd’hui à tâtons, stupide et aveugle. Écrire te rendre inaccessible à la beauté à la cruauté du monde.