Comme toujours avec les collections de texte, il y a un manque d'unité, on sent des périodes différentes, des variations importantes entre les chapitres.
Ce livre est très saisissants, intelligents, émouvants, durs. Dworkin sait s'exprimer, elle sait formuler des phrases qui sont comprises, non seulement intellectuellement mais également émotionnellement. Comme ici:
"Ce que je voudrai faire c'est crier. Et dans ce cri, il y aurait les cris des femmes violées et les pleurs des femmes battues. Et bien pire encore: au centre de ce cri, il y aurait le son assourdissant du silence des femmes, ce silence dans lequel nous sommes nées parce que nous sommes des femmes et dans lequel la plupart d'entre nous meurent."
Ce livre m'a donné envie de lire ses livres et pas seulement ce recueil, malheureusement seulement deux ont été traduits en français... alors lisons déjà ceux là!
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L'homophobie est très importante: c'est très important dans la façon dont fonctionne la domination masculine. A mon avis, la répression de l'homosexualité masculine existe dans le but de protéger le pouvoir masculin. Fais-le à elle. C'est-à-dire: tant que les hommes violent, il est important que ce soient des femmes que les hommes soient incités à violer. Tant que la sexualité sera chargée d'hostilité et exprimera à la fois le pouvoir sur et le mépris pour l'autre personne, il est très important pour les hommes de ne pas être déclassés, stigmatisés comme féminins, utilisés de la même manière.
Le pouvoir des hommes en tant que classe repose sur le fait de maintenir les hommes sexuellement inviolés et les femmes sexuellement utilisées par les hommes. L'homophobie aide à maintenir ce pouvoir de classe
Je veux vous parler d'égalité, de ce qu'est l'égalité et de ce qu'elle veut dire. Ce n'est pas juste une idée. Ce n'est pas un mot fade qui finit par ne plus vouloir rien dire. Cela n'a rien à voir avec toutes les déclarations du type: "Oh, cela arrive aussi aux hommes." Je dénonce une violence et j'entends: "Oh, cela arrive aussi aux hommes." Ce n'est pas l'égalité pour laquelle nous nous battons. Nous pourrions changer notre stratégie et dire :"Eh bien, OK, nous voulons l'égalité: nous allons planter quelque chose dans le cul d'un homme toutes les trois minutes."
Vous n'avez jamais entendu cela de la part du mouvement féministe, parce que pour nous, l'égalité comporte une dignité et une importance réelles. Ce n'est pas un mot stupide qui peut être tordu dans tous les sens et rendu ridicule comme s'il n'avait pas de signification réelle.
A ce moment-là, je ne savais rien des neuf millions de sorcières brûlées vives, ou des milliards de femmes violées, battues, ensanglantées et abandonnées partout sur la planète. Je ne savais pas alors. Je la sentais, cette furie des femmes, mais je ne pouvais la nommer ou l'invoquer, et j'étais donc angoissée, isolée, confuse, incapable de nommer les choses, spoliée du pouvoir même de la parole et donc de la connaissance. Je ne savais pas alors que nous, les femmes, formions sur cette Terre une sororité de sang et de labeur, chacune sans voix, vivant l'indicible, spoliée du pouvoir de nommer et ainsi de parler et ainsi de connaître.
L'histoire, du point de vue des femmes, en a été une d'enfermement: la limitation physique, les attaches, le mouvement interdit, l'action punie. Aujourd'hui encore, où que nous regardions, les pieds des femmes sont liés. Une femme ligotée est l'emblème libéral de notre condition, et partout où nous allons, nous voyons notre condition célébrée; des femmes ligotées, liées, attachées. L'acteur George Hamilton, un des nouveaux comtes Dracula, affirme que "toute femme a le fantasme d'un beau ténébreux qui la menotte. Les femmes n'ont pas le fantasme de manifester avec Vanessa Redgrave". Il ne semble pas se rendre compte que nous avons bel et bien des fantasmes où Vanessa Redgrave manifesterait à nos côtés.
On peut dire que les Français ont colonisé l'Algérie et évoquer la vision d'une Algérie libre, parce qu'il reste un souvenir que les Français n'ont pas toujours possédé l'Algérie. Mais les Algériennes n'ont pas de souvenir d'un temps où elles n'étaient pas possédées par les Algériens. Les femmes d'Algérie, et toutes les femmes, ont été spoliées de tout souvenir de liberté. Notre servitude est si ancienne, si absolue, qu'elle occupe chaque instant du passé que nous pouvons connaître. Il ne peut donc y avoir réappropriation, puisqu'aucun souvenir de liberté ne nous anime.
Dans le webinaire trimestriel de notre revue Prostitution et Société, Harmony Devillard nous parle du premier livre de la féministe radicale états-unienne Andrea Dworkin : Woman Hating, de la misogynie. Harmony a co-traduit avec Camille Chaplain cet ouvrage magistral écrit en 1974. Où l'on apprend qu'en ce qui concerne les femmes, contes de fées et pornographie racontent la même histoire : une femme bonne, c'est une femme morte...