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Critique de Presence


Ce tome contient les 5 épisodes de la minisérie du même nom, qui forment une histoire complète indépendante de toute autre. Ces épisodes sont initialement parus en 2010. le scénario est d'Ian Edginton, les dessins et l'encrage de Davide Fabbri (avec 6 pages dessinées par Tom Mandrake), et la mise en couleurs de Carrie Strachan.

En 1854, un météorite s'écrase dans un quartier de Londres en libérant un gaz verdâtre, avec un effet inconnu. Quelques mois plus tard, le médecin de quartier constate plusieurs morts semblables. Il finit par tomber sur un cas où le défunt revient à un semblant de vie, dans un état qui fait peur à voir. En août 1898, Sherlock Holmes et le docteur Watson démantèlent un club très privé où les riches de ce monde pouvaient s'offrir des divertissements pour assouvir leurs vices les plus inavouables. Dans le même temps une équipe de terrassiers découvre un cadavre qui reprend soudain vie. L'inspecteur Lestrade convoque Holmes et Watson à Scotland Yard pour qu'ils examinent le cadavre. L'affaire leur est retirée par des agents des services spéciaux de sa majesté. Il n'en faut pas plus pour qu'Holmes s'empare de l'affaire.

Rien que la couverture peut tenir le lecteur de comics éloigné de cette histoire : Sherlock Holmes contre des zombies. Difficile de faire plus racoleur, plus mercantile, et plus factice comme idée d'histoire. À tous les coups, il va s'agir d'un gugusse ressemblant vaguement au célèbre détective (ressemblance vraisemblablement limitée à la tenue vestimentaire) en train de se battre physiquement contre une horde de morts vivants sans personnalité et sans originalité.

Toutefois en feuilletant ce tome, le lecteur constate que Davide Fabbri a fait un réel effort de reconstruction historique. À l'opposé de décors vagues et impersonnels, il s'applique à reproduire la mode vestimentaire de l'époque, les façades de Londres, les décors intérieurs. Il n'y a pas des arrières plans dans toutes les cases, et les contours des formes sont légèrement arrondis, ce qui donne une apparence de surface un peu inoffensive. Mais la reconstitution est assez étoffée pour que le lecteur puisse se projeter dans l'environnement de cette époque.

Le lecteur doit quand même faire un petit effort supplémentaire parce que Carrie Strachan a décidé de privilégier une couleur dominante dans plusieurs séquences, noyant ainsi les détails des dessins. Par exemple dans l'épisode 2, lorsque Holmes et Watson explorent les tunnels souterrains, la voûte des tunnels est noyée dans une ombre épaisse qui masque les détails de maçonnerie que Fabbri a réellement dessinés.

Fabbri a conçu une apparence svelte pour Sherlock Holmes qui sourit régulièrement, en faisant un personnage séduisant et agréable. le docteur Watson fait son âge et son poids, sans qu'il n'en devienne une caricature. Mycroft Holmes manque peut-être un peu de personnalité graphique par rapport à la description qu'a pu en faire Arthur Conan Doyle. Fabbri a pris le parti de les dépeindre comme des individus normaux, sans en faire des personnages de légende. Cette forme de modestie visuelle sied bien à l'histoire et évite de les transformer en héros d'action, aux muscles saillants et à la mâchoire contractée.

Tom Mandrake dessine les 8 pages dévolues à la suite des événements de 1891 à Meiringen en Suisse, dans un très beau noir & blanc, dans le plus pur style de Gene Colan. Cela sied parfaitement à cette évocation du passé.

Ces dessins permettent donc au lecteur de se plonger dans le Londres de 1898 détaillé sans être glauque, pour une enquête sur une infestation de zombies. Si l'idée de faire s'affronter zombies et Sherlock Holmes ne donne pas confiance, le nom du scénariste laisse espérer un récit bien construit, et d'une évocation de cette période un peu consistante. Ian Edginton avait en particulier réalisé un très beau croisement entre des monstres lovecraftiens et une aristocratie so british dans le premier tome des aventures d'Ampney Crucis : Vile Bodies (en anglais).

Comme Fabbri, Edginton a le bon goût et l'intelligence de ne pas vouloir en faire de trop. Il ne prétend pas être Conan Doyle à la place de Conan Doyle. Il utilise la mythologie de Sherlock Holmes, avec respect et mesure. Il insère assez de détails pour qu'il ne s'agisse pas d'un personnage générique servant de portemanteau au nom ; il n'en met pas de trop pour que cela ne devienne pas une exégèse réservée aux seuls initiés.

Edginton insère également suffisamment de détails pour que l'intrigue trouve bien ses racines dans l'époque où elle se situe (plutôt qu'un scénario générique sans rapport avec l'époque). Il trouve un adversaire à la taille d'Holmes et une logique satisfaisante pour la présence des zombies et leur mode propagation. L'intrigue réserve plusieurs surprises et Holmes ne résout pas tout; tout seul, à grands coups de poing.

Contre toute attente, cette histoire réussit le pari de mettre en scène un Sherlock Holmes acceptable, qui ne se transforme ni en superhéros, ni en personnage d'action générique. Scénariste et dessinateur ont assez potassé leurs références pour que l'intrigue se nourrisse organiquement de l'époque à laquelle elle se situe. Cette histoire ne révolutionne ni le genre des zombies, ni Sherlock Holmes, et ne déconstruit ni l'un ni l'autre. Il s'agit juste d'une bonne histoire, plutôt originale, ce qui n'est déjà pas rien. Les 2 mêmes auteurs ont réalisé un épisode spécial mettant Sherlock Holmes face au docteur Jekyll, puis une deuxième minisérie opposant Holmes à des vampires. Ces histoires sont regroupées dans Sherlock Holmes versus Dracula (en anglais).
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