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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je dois avouer que je lis rarement des autofictions et que je les apprécie encore plus rarement ; mais il arrive parfois que l'une d'elles se glisse dans ma PÀL et se révèle une vraie pépite quand elle finit par en sortir.

À la naissance d'Ada, les esprits qui, dans la cosmologie igbo, façonnent les enfants à naître, se retrouvent accidentellement coincés dans son corps. Partagée entre plusieurs voix et plusieurs personnalités, la jeune fille déménage du Nigéria aux États-Unis pour ses études. C'est là qu'un traumatisme va tout faire basculer et qu'apparaît un nouvel esprit, mû par la rage, qui prend le contrôle et l'engage sur une voie dangereuse.

Ada a très peu la parole au cours de cette histoire, qui est principalement narrée par les différents esprits qui la composent et se disputent son corps. L'ensemble apparaît très nettement comme une façon d'expliquer le trouble dissociatif de l'identité, et peut être lu autant de manière littérale que métaphorique : l'équilibre entre les deux est franchement réussi. Outre le TDI, l'oeuvre aborde de nombreux sujets parfois très lourds : la gestion des traumatismes (et la façon dont le TDI est une réponse pour s'en protéger), le poids des traditions, le sentiment d'être perdu entre ses racines et son pays d'accueil... C'est particulièrement perceptible lors des passages où l'on s'attarde sur la vie des étudiant·es africain·es sur un campus américain.

Le tout est porté par une écriture magistrale et puissante, qui peut paraître distante mais s'accorde parfaitement au sujet abordé. (D'ailleurs, j'ai rarement lu une scène de viol aussi bien écrite : on ressent parfaitement l'horreur de la situation plutôt que d'avoir l'impression de lire un fantasme dérangeant).

Une lecture coup de poing : aussi lourde qu'impressionnante !
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Forte, puissante, animée par des esprits venus du fin fond de l'être, entre la vie et la mort, sur le fil du rasoir, Ada est une Déesse à elle seule.

De circonvolution, en circonvolution, naviguant dans les méandres de l'esprit torturé de Ada, on souffre avec elle, on est en équilibre constant entre la vie et la mort.

Ada est faite de colère, de douleurs, de désespoir. Nul paix en elle. Comment en serait-il possible autrement ? Elle renaît à chaque fois de ses cendres, mais à quel prix ? Scarifications, tentatives de suicide, lâcher prise pour se vautrer dans le sexe et l'alcool…

Entre le désespoir, la folie, la mort et la vie, Ada devra faire un choix. Mais lequel ?

Il lui en faudra des rencontres et des circonstances avant de parvenir au but.

Magnifique livre. Je vous déconseille de lire le 4ème de couverture. Simplement se laisser porter par l'histoire, laissez les esprits prendre possession de vous et entrez dans l'univers d'Ada. Ce premier roman de Akwaeke EMEZI est un des meilleurs livres que j'ai lus cette année.
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Eau douce est un roman à portée autobiographique. Un roman sur le trouble dissociatif de l'identité (TDI) vécu par l'autrice, mais aussi un roman sur la découverte et l'acceptation de soi, un roman qui parle de sexualité, de questionnement sur le genre, et de résilience.

“Peut importe à quel point ça semblait dingue, ce qui se passait dans ma tête était réel, et ça se passait depuis très longtemps. Après tous les médecins, les diagnostics et les hôpitaux, cette idée d'être ogbanje, enfant d'Ala, c'était le seul chemin qui m'apporte un peu de paix.”

Akwaeke Emezi s'appuie sur les mythes igbo pour décrire son TDI. Avoir une idée de la façon dont se construit ce trouble et de la façon dont il se manifeste peut-être utile, pour ne pas être trop perdu.e. Car ce sont les esprits, les ogbanjes, enfermés dans le corps d'Ada qui nous racontent son histoire, nous plongeant dans une confusion mystique où le monde réel et la vie quotidienne semblent bien distants, comme observés de loin. La chronologie paraît toujours un peu floue tant on fluctue entre passé et présent, entre différents narrateurs qui se présentent parfois comme un Nous indissociable, comme un Je ou comme un Il.

Je découvre Akwaeke Emezi avec ce livre et je suis tombée amoureuse de son style à la fois très cru et très poétique, viscéral et envoûtant.

C'est un roman atypique qui ne plaît pas forcément à tout le monde. Je vous le conseille si vous aimez les belles plumes et les ambiances très nébuleuses et poétiques. Pour moi c'est un coup de coeur !
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Magistral. Brillant. Spirituel. Ce livre est une expérience. On est immergé.e en Ada, avec les différents esprits qui la hantent. C'est une expérience de lecture tout à fait unique. La culture igbo m'intéresse beaucoup, car de nombreux auteurs originaires du Nigeria m'ont passionnée avec leurs écrits, et beaucoup d'entre eux sont igbo. Akwaeke Emezi est une autrices accomplie et qui fait des prouesses. Ce livre est comme un voyage.
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Sacré OVNI que voilà, que personne ne range dans la même catégorie. Certains le mettent dans la catégorie fantastique, par exemple, mais je trouve que c'est occulter la singularité et la justesse de la description du système mental d'Ada. Ada a été assignée fille à la naissance, elle fait face à de nombreux traumas et elle tente de se comprendre elle-même autant que comprendre les autres. Au fur et à mesure que sa vie défile, d'autres parts d'elle naissent, empreintes de la spiritualité et des légendes nigeriannes. Pour moi, ce n'est pas l'incursion du fantastique dans le récit. Comme beaucoup d'autres lecteurices, pour moi Ada a un TDI, et ce trouble dissociatif de l'identité se construit dans une culture non-occidentale, contrairement à d'autres représentations littéraires ou cinématographique. Ce récit est pour moi centré autour de la santé mentale et de son imbrication avec un quotidien parfois si difficile à vivre.

La quête identitaire d'Ada nous mènera des US à l'Europe, ainsi qu'au Nigeria sa terre natale. Les chapitres alternent les points de vue des différents alters, avec chacun leur style d'écriture, clairement reconnaissable. Sur la forme, c'est brillant, sur le fond c'est fort, et j'ai souvent été émue. Il est également important, à mon sens, d'avoir quelques éléments de contexte sur l'auteurice pour pouvoir prendre la mesure de son récit et de la résilience qu'il a pu amener lors du passage à l'écriture. Akwaeke Emezi est nigérian-e, installé-e aux US et non-binaire. Les échos autobiographiques sont donc présents et expliquent, à mon sens, la grande sincérité du texte.
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Quand j'ai commencé ce livre, je ne savais pas de quoi il parlait. Je savais qu'il était écrit par un'e auteurice du Nigéria, mais c'était à peu près tout. Mais rendue au milieu du livre, au moment où la protagoniste subit un traumatisme violent, j'ai fait une pause pour aller vérifier quelque chose. C'est là que j'ai réalisé que le texte était en partie autobiographique. Compte tenu des violences subies par Ada, j'avoue que mon estomac a un peu dégringolé, même si j'ignore la part entre le fictif et le réel.

Sur ces paroles riches en paillettes, entrons dans le vif du sujet.

Le premier point particulier de ce roman, c'est sa narration. Bien qu'on la suive depuis avant sa naissance jusqu'à l'âge adulte, Ada n'est presque jamais la voix de sa propre histoire, au point que la protagoniste semble presque ne pas avoir de réalité propre. En effet, la narration se fera essentiellement par ses alters/esprits qui partagent son corps, généralement avec le pronom « nous ». Ce n'est pas compliqué à suivre, mais cela donne un effet particulier au texte. D'une façon générale, la narration est fragmentée, parfois légèrement chaotique, ce qui correspond parfaitement avec la thématique sous-jacente sur l'identité.

Ensuite, le roman est imprégné de culture igbo, une ethnie du Nigéria, que je ne connaissais absolument pas pour ma part. J'ai beaucoup apprécié de la découvrir, d'autant que l'une des divinités qui est très souvent mentionnée se trouve être une déesse serpent, et il se trouve que j'adore les serpents. On découvre également les ogbanje, des mauvais esprits qui se trouvent coincés dans le corps d'Ada. Tantôt protecteurs, tantôt tourmenteurs de par leur appétit pour le sang, ils semblent à la fois causent, conséquences, personnifications des troubles qui agitent Ada, au point de la pousser à s'auto-mutiler pour essayer de les apaiser…

A un certain moment de l'histoire, Ada quitte sa famille dysfonctionnelle pour faire ses études aux Etats-Unis. Elle s'y fera des amis, mais y subira également du racisme. Sans parler du décalage qu'elle ressent, elle qui n'éprouve pas d'attirance pour le sexe, voire en ressent de la répulsion. Jusqu'à cette cette fatidique du viol, donc je parlais en introduction. La scène n'est pas réellement décrite, mais difficile de ne pas en recevoir la terrible violence. Cette scène marque également l'apparition d'un nouvel Alter, Asughara, beaucoup plus dangereuse que les autres, capable également de sortir du marbre (le « monde intérieur » d'Ada) pour agir directement. Elle est très maternelle, très protectrice, et n'hésitera pas à prendre les devants pour lui éviter plus de souffrances. Elle ne sera pas la dernière Alter, mais elle est sans doute la plus mémorable.

Ce n'est pas explicitement dit dans le roman, qui louvoie entre surnaturel et réel, mais la façon dont c'est décrit, la naissance particulière d'Asughara, et d'autres choses qu'on apprendra plus loin dans le roman… eh bien ça me fait penser à un TDI, ou Trouble dissociatif de l'Identité. Je n'ai pas trouvé de source, donc ça ne reste qu'une théorie, d'autant que je ne suis pas concernée.

Ce livre est extrêmement riche en thématiques. Racisme, différences de cultures, troubles mentaux, stress post traumatique, dépression, orientation sexuelle, identité de genre, religion/foi… tout cela nous mène à nous interroger nous-mêmes sur la façon dont on se perçoit, la façon dont on perçoit et considère les autres. Au fil de ce roman, Ada va devoir apprendre à se comprendre, et à se réapproprier sa propre vie. Même si je suis loin d'avoir un tel vécu, ce récit me touche dans une dimension personnelle, sur cette thématique de réappropriation. Il est déchirant, parfois difficile à lire, mais aussi paradoxalement plein d'espoir.

Bilan
Difficile d'en conseiller la lecture tant c'est un livre dur au niveau des thématiques et des violences subies et exercées par Ada, et pourtant, c'est aussi un roman sur la compréhension et l'acceptation de soi, sur la résilience et la guérison. Je ne crois pas réussir à le relire, mais j'ai adoré ce livre.
Lien : https://limaginaerumdesympho..
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