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Critique de Nat_85


Il aura suffit d'une rencontre au Salon du Livre de Beyrouth en 2015, pour que les auteurs du roman « Boussole » et de la bande dessinée « le piano oriental » nous offre le fruit de leur riche collaboration. En effet, sous la plume de Mathias Enard et les illustrations de Zeina Abirached, sort en 2018 le splendide album » Prendre refuge « aux éditions Casterman. Ce livre tout à fait atypique par sa forme, questionne sur la notion de refuge. A la fois poétique, symbolique mais aussi historique, entre Berlin et l'Afghanistan, hier et aujourd'hui, il révèle l'amour comme la plus belle des aventures.
A travers » Prendre refuge « , un livre emprunté à son amie Elke, un jeune berlinois se plonge dans l'histoire de la rencontre de deux femmes en 1939, sur un terrain de fouilles archéologiques, en Afghanistan. En parallèle, tel un effet de miroir, Karsten rencontre une jeune syrienne lors d'une kermesse.
» Dans Berlin, ciel immense, ville détruite, comme la mienne. J'ai voulu prendre refuge en toi. Mais mon pays perdu bat en moi. «
Deux pays. L'Allemagne et l'Afghanistan. Deux espaces géographiques. Berlin d'une part, ville chargée de la mémoire, de la destruction et du souvenir, et d'autre part Bâmiyân, espace d'immensité complètement ouvert. Deux époques. 1939 et aujourd'hui. Deux histoires d'amour. Celle d'un jeune berlinois passionné d'Orient prénommé Karsten et d'une jeune femme d'origine syrienne Neyla, et celle entre l'écrivain et archéologue suisse Anne-Marie Schwarzenbach et Ria Hackin, une archéologue présente sur le site incroyable de Bâmiyân aux pieds des Bouddhas. Deux histoires d'amour impossible, que l'époque sépare.
» Karsten, j'ai mal et j'ai peur. J'ai peur de ce nouveau pays et de cette ville où mes yeux ne peuvent attraper les yeux des autres. «
Des destins croisés et entremêlés au coeur des conflits et bouleversements mondiaux. C'est ainsi que la notion de » prendre refuge » prend tout son sens. Lorsque l'on a perdu un pays, une patrie, une langue ou bien encore un amour, l'être humain prend refuge de diverses manières. le refuge prend ainsi différentes formes : dans le bouddhisme, dans l'amour de l'autre, en échappant à la guerre, mais aussi dans l'immensité du ciel.
» Regardons encore une fois ces bouddhas, éternels gardiens du temps, le temps que l'orage passe. On y prendrait bien refuge. «
La place qu'accorde Mathias Enard à l'astronomie dans cet album, confère aux entités d'intemporalité et d'immensité universelles d'un ciel étoilé, le moyen d'y prendre refuge. Admiré et étudié depuis la nuit des temps, il est encore et toujours objet de contemplation et d'inspiration, partout et par tous.
Le trait inimitable et talentueux de Zeina Abirached se retrouve dans cet album, telle une encre de charbon, avec des illustrations très géométriques, essentiellement en noir et blanc, avec une nette inspiration orientale, dans une puissante osmose graphique.
Déjà charmée par son précédent roman « Boussole » qui avait reçu la distinction ô combien méritée du Prix Goncourt en 2015, j'ai retrouvé ici la plume érudite et poétique de l'auteur. Mathias Enard est d'abord un homme de ponts, ceux qui peuvent et doivent relier l'Orient et l'Occident, ceux qui permettent d'accéder à l'autre et à l'étranger d'être accueilli, par le biais de la littérature.
Les extraits du poète syrien Nizar Qabbani qui s'immiscent au centre de l'album sont une ode à l'Orient, et enchantent le lecteur.
Le minimalisme et la sobriété de cet ouvrage n'enlèvent rien à l'intensité de la lecture, bien au contraire ! L'essentiel est presque subjectif… Un petit bijou d'humanisme, un livre qui marque !
Lien : https://missbook85.wordpress..
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