Dans cet ouvrage, on n'a pas vraiment affaire à des morts-vivants au regard vide et aux capacités de raisonnement proche du néant : les personnes affectées par ce qui s'apparente à un virus [...] développent un besoin inextinguible de violence et, pour ce faire, sont capables de s'adapter, d'utiliser des armes, de concocter des pièges de plus en plus évolués et d'échafauder des tactiques tordues. Ils violent et torturent avant de tuer, et peuvent s'y mettre à plusieurs tout en utilisant ce qui leur tombe sous la main. Burrows, qui connaît bien Ennis et s'est fait la main sur des récits horrifiques d'
Alan Moore, s'en sort assez bien avec des dessins explicites, parfois en pleine page, mais sans se focaliser dessus (le découpage permet par exemple de jouer sur le hors-champ avec intelligence) : ce seul album (pour l'heure) se montre extrêmement imaginatif sur les différentes manières de tuer et/ou de faire souffrir en tâchant d'y prendre le plus grand plaisir.
Pourtant, ce ne sont pas les horreurs dont se rendent coupable les infectés [...] qui forment le noeud de l'histoire, mais bien le destin de ces quelques survivants qui tentent de faire face à une adversité qui dépasse leur entendement.
Parfois, des planches nous racontent la genèse de leur fuite en avant, qui alternent avec leur survie immédiate, les tentatives de comprendre les possédés, d'élaborer une parade mais aussi, et surtout, la manière dont chacun devra faire face à l'impensable, parce qu'il finira bien tôt ou tard, par survenir : Ennis amène ces situations complètement amorales, où chacun ira jusqu'à questionner ce qui fait de lui un être humain, avec une science consommée, par petites touches encourageant petit à petit le lecteur, pourtant écoeuré par les turpitudes décrites plus haut, à prendre conscience de l'horreur indicible qui étreint chaque membre de ces survivants de l'impossible. Ce n'est pas tant ce dont les infectés se rendent coupables que ce qu'eux-mêmes devront se résigner à accomplir pour leur échapper qui nous rendra nauséeux.
La violence gratuite, complaisamment exposée, s'effacera ainsi derrière la rancoeur, le dégoût et surtout cette capacité à aller au-delà de l'humain en échappant à l'inconcevable qui caractérisent les seuls capables de résister en conservant un semblant de raison. Mais sont-ils encore des hommes après ça ?
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