« Le seul chemin pour échapper à ce dilemme ["C'est ma faute."-"C'est la faute des autres."], c'est la fusion des pulsions destructrice et autodestructrice, de l'agression et de l'autoagression. D'un côté, le perdant radical ressent au moment de son explosion un pouvoir d'une plénitude unique : son acte lui permet de triompher des autres en les anéantissant ; de l'autre, il résout le problème posé en creux de ce sentiment de puissance, c'est-à-dire le soupçon que sa vie pourrait n'avoir aucune valeur, en mettant fin à celle-ci. » (p. 25)
« La seule chose qui est sûre, c'est que de la manière dont s'est organisée l'humanité – "capitalisme", "concurrence", "empire", "mondialisation" – le nombre de perdants ne se contente pas d'augmenter chaque jour : comme dans toute masse considérable, un fractionnement ne tarde pas à se produire ; au cours d'un processus chaotique et obscur, les cohortes de déclassés, de vaincus, de victimes se séparent. Le raté peut se résigner à son sort, la victime peut demander compensation, le vaincu peut toujours se préparer au prochain round. Le perdant radical, en revanche, prend un chemin distinct, il devient invisible, cultive son obsession, accumule ses énergies et attend son heure. » (p. 12)
« Le projet des perdants radicaux consiste, comme en ce moment en Irak ou en Afghanistan, à organiser le suicide de toute une civilisation. Il est peu probable qu'ils réussissent à étendre indéfiniment et à perpétuer leur culte de la mort. Leurs attentats représentent un risque toujours présent en arrière-plan, comme la mort quotidienne sur les routes, à laquelle nous nous sommes habitués. Il faudra bien qu'une société globalisée, qui dépend de combustibles fossiles et qui produit constamment de nouveaux perdants, en prenne son parti. » (Excipit)