on voit clairement dans les écrits du Lacan des années 1930 que son projet intellectuel était de sauver ce qu’il appelle « la polarisation sexuelle », menacée par le féminisme – mouvement qui le traumatisa comme il traumatisa toute la société de cette époque, et qu’il caractérise et dénonce comme la « protestation virile de la femme »
cette conférence – même augmentée sous forme de petit livre – n’avait pas pour ambition de proposer un traité sur la psychanalyse, sur les rejets dont elle a fait l’objet ou sur les utilisations ou les refus qui en perdurent aujourd’hui dans la pensée critique. Elle entendait plutôt, en rappelant à quel point la volonté de fuir l’emprise idéologique de cette pseudo-science nécessairement normative avait marqué la théorie et la politique des années 1970, suggérer une radicalisation de la pensée radicale.
Ainsi l’amour est-il une création. Et donc une création de soi comme sujet (et pas seulement comme sujet amoureux). Par l’amour, la relation amoureuse, les relations amoureuses, je me crée moi-même, fût-ce en repassant par les mêmes figures, les mêmes discours que tant d’autres avant moi et en même temps que moi, ou que moi-même auparavant.
Wittig peut-elle conclure que « la prise de conscience de l’état de choses général (ce n’est pas qu’on est malade ou à soigner, c’est qu’on a un ennemi) provoque de la part des opprimé.e.s une rupture du contrat psychanalytique ».
Rompre le contrat hétérosexuel, c’est aussi rompre le contrat psychanalytique.
On notera que, en parlant du « couple marié », Barthes fait ici référence – nous sommes en 1977 ! – au couple hétérosexuel, soulignant de cette manière qu’il considère l’approche psychanalytique comme fondamentalement liée à l’hétérosexualité et à la structure familiale hétérosexuelle, au couple hétérosexuel comme norme, normalité et normativité. C’est-à-dire à cette hétérosexualité bien « réglée » si chère à Lacan.
il n’est plus possible d’être en adéquation avec la « modernité », avec l’époque, etc., dès lors que celle-ci produit un discours – injonctif – qui vous empêche d’être ce que vous êtes et de vivre et sentir comme vous le souhaitez.
l’invasion de la psychanalyse dans le corps social – ce qu’un auteur appela alors le « psychanalysme »
Ce qui me permettait d’interroger la manière dont la pensée radicale – féministe, gay et lesbienne, queer – aux États-Unis et, par conséquent, un peu partout dans le monde, continuait de se référer aux théories psychanalytiques, comme s’il était possible de reformuler celles-ci dans un sens non normatif. Que les plus éminent.e.s représentant.e.s de la théorie queer, par exemple, soient resté.e.s à ce point dépendant.e.s d’un cadre de pensée psychanalytique m’a toujours semblé un profond mystère. Et cela constitue à mes yeux un obstacle à une rénovation théorique plus radicale encore que celle à laquelle ils et elles ont permis de voir le jour et, à bien des égards, malgré la richesse et la fécondité de leurs élaborations, une sorte de régression par rapport à la radicalité de ce qui s’était produit dans les années 1970.