Que vaudrait l’acharnement du savoir s’il ne devait assurer que l'acquisition des connaissances, et non pas, d’une certaine façon et autant que faire se peut, l’égarement de celui qui connait ? Il y a des moments dans la vie où, la question de savoir si on peut penser autrement qu’on ne pense et percevoir autrement qu'on ne voit est indispensable pour continuer à regarder et à réfléchir.
Un livre se produit, événement minuscule, petit objet maniable. Il est pris dans un jeu incessant de répétitions ; ses doubles, autour de lui, et bien loin de lui, se mettent à fourmiller ; chaque lecture lui donne, pour un instant, un corps impalpable et unique ; des fragments de lui-même circulent qu’on fait valoir pour lui, qui passent pour le contenir tout entier et en lesquels il lui arrive de trouver refuge ; les commentaires le dédoublent, autres discours où il doit enfin paraître lui-même, avouer ce qu’il a refusé de dire, se délivrer de ce que bruyamment il feignait d’être.
En juin 1943 arrivent les épreuves du baccalauréat (...) Foucault (...) obtient (...) seulement 10/20 en philosophie.
On parle depuis l'année 1981 d'une maladie mortelle qui frappe la communauté homosexuelle et qu'on appelle dans les journaux "le cancer gay". On n'en connaît pas les causes, on ignore tout, alors, de la réalité épidémiologique, des modes de transmission, etc... [...] Partageant l'étonnement et même l'incrédulité de presque tout le monde à l'annonce des premiers décès en série, Foucault se moque d'Edmund White lorsque ce dernier crée avec Larry Kramer le Gay Men Health Crisis pour faire face à cette situation inexplicable et inquiétante : "Oh non Edmund, lui dit-il. Laisse le soin aux Américains puritains d'inventer une maladie qui touche - qui tue ! - seulement les gays. C'est trop parfait. Peut-être que ça vous débarrassera de vos Noirs aussi..." Et comme Edmund White veut lui répondre que, justement," à ce propos... " Foucault continue de le "taquiner" : Non, non ! C'est trop parfait. Les gays ET les Noirs !" Il s'esclaffe également, à la même époque, au cours d'une conversation avec Hervé Guibert : "Un cancer qui toucherait exclusivement les homosexuels, non, ce serait trop beau pour être vrai, c'est à mourir de rire".
(pages 527-528)
L'insoumission au monde tel qu'il est, la rétivité face aux pouvoirs et aux normes qui enserrent la liberté et les possibilités de la subjectivité constituent le point de départ - et la nécessité existentielle - de l'analyse historique et politique.
[...] Je dirai que la critique, c'est le mouvement par lequel le sujet se donne le droit la vérité sur ses effets de pouvoir et le pouvoir sur ses discours de vérité. La critique, cela sera l'art de l'inservitude volontaire, de l'indocilité réfléchie.