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Citations sur Élise ou la vraie vie (53)

Entre lui et nous, il y avait tout un océan de différence. Il ne donnait pas à l'expression « manquer d'argent » le même sens que nous. C'était pour lui se priver de cinéma, au pire d'essence pour sa voiture. Chez nous, c'était vital parce qu'il n'y avait personne devant ni derrière nous. Que Lucien restât trois semaines, deux mois sans travailler, ce serait l'asphyxie. Nous n'étions plus chez la grand-mère. « On trouve toujours dix mille francs », disait Henri. Nous ne pouvions les trouver qu'au bas d'une feuille de paye.
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Là, dans ce plat paysage, avait fini l'aventure de sa vie. Vie manquée, mort dérisoire. Les jeunes héros du siècle mouraient au volant dans le fracas de leurs bolides et lui se tuait sur un solex. Il ne resterait donc de sa fin qu'une image caricaturale, sans romantisme aucun. Lui aussi avait voulu être dans le coup ; il avait cru que Paris gronderait, Paris n'avait qu'éternué. Il n'y avait plus de Lucien qu'en nous-même qui l'avions aimé.
- Et alors ? aurait-il dit de sa voix caustique. Et après ?
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- Ils l'ont embarqué mardi soir, au métro.
- Ah oui ?
- Oui, c'est tout.
Bien sûr, c'est tout. L'un est pris, l'autre vient qui le remplace. "La révolution est un bulldozer. Elle passe..."
Et je revoyais le geste.
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Il courait quelque chose à travers la chaîne, quelque chose d'épais, de chaud, de rassurant qui nous reliait les uns aux autres, que Gilles baptisait la fraternité ouvrière. Cet enthousiasme et ces élans connurent leur chant du cygne le 28 mai.
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Toutes les mains claquèrent, scandant les mots que Mustapha du haut de sa voiture lançait dans le soleil. Il y avait dans l'atelier 76 un cercle d'hommes qui tapaient en chantant, les yeux presque blancs, roulant la tête. Ce n'était plus un jeu, c'était au sens pur du mot, une détente, une revanche sur les gestes rétrécis de la chaîne, sur son rythme étriqué. Les Français mettaient un point d'honneur à ne pas s'approcher. Quelque-uns, pourtant, qu'étonnait ce délire, regardaient et riaient. J'aperçus Lucien. Il était descendu lui aussi. Il ne fumait pas, il écoutait, il entendait. Lui goûtait cette musique née comme un fleuve d'une mince et morne note traînée, tremblée, hésitante, saccadée, chevrotante : la corde lâchée du gambri (...) Sans doute, s'il l'eût osé, il serait entré dans le rythme précipité des mains. Elles frappaient la tôle à l'avant et à l'arrière de la voiture, énorme tambour métallique où de longs doigts de bronze glissaient couvraient la voix de Mustapha, s'arrêtaient quand le garçon tel un muezzin, scandait le "elbi el-bi" traînards de toutes les plaintes arabes.
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Il nous surprit comme un sourire inattendu sur un visage morne. Les nuages lentement déchirés, le soleil parut enfin. les regards suivaient chaque faille avec espoir ? Ce 18 mars... A midi, nous ouvrîmes tous les carreaux. A une heure, nous retrouvâmes les voitures chaudes. L'air était doux. Il donnait envie d'être aspiré la bouche ouverte. Les hommes retroussaient leurs manches. Entre chaque portière, un visage brun surgissait dans la clarté. Cela se fit doucement. Quelqu'un d'abord dans le haut de la chaîne, frappant la tôle avec un outil, puis un autre frappant de ses mains, les paumes sur la ferraille chaude, le soleil sur les chromes, mille soleils dans la voiture, des cils baissés quand la lumière les atteignait. Les gestes devenaient plus mous. On vissait et tapait, on vissait peu et tapait davantage.
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Et quelque fois dans ces caricatures de l'humanité, dans ces corps souffrants, mutilés par la misère, dans ces pièces noires, froides, entre le linge sale et le linge qui sèche, l'un de ces déchets portaient en lui, par miracle ou par hasard, la lueur, la flamme, la lumière qui le ferait souffrir davantage. L'esprit soufflait là comme ailleurs, l'intelligence se développait ou mourait, écrasée.
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- Tu es un exemple pour les autres.
- Là, remarqua-t-il, je peux me mettre en colère, car je penses que tu te moques de moi et je n'aime pas ça. Je suis comme les autres. Moi aussi, j'ai envie de casser la figure à quelques types, moi aussi j'ai envie de me saouler quand j'ai le cafard ou pour oublier, moi aussi j'ai bu en cachette. J'ai eu aussi envie de tricher avec le trésorier, et je ne vais pas aux réunions sans peur. Je voudrais passer mon dimanche au lit et non pas me lever à six heures pour courir le quartier, ne plus rendre des comptes, ne plus être commandé; et il y a des frères que je ne peux pas souffrir. Mais c'est comme l'amour d'une femme; on fait des efforts pour lui plaire, on se rase mieux, on se parfume, on veille tard pour la voir, on lui parle doucement, on porte ses paquets, on lui fait des cadeaux. Mais là, il faut un amour encore plus grand, car parfois le but s'éloigne, ou tu penses que personne ne vaut la peine que tu souffres. Nous sommes loin d'être des saints. Nous avons nos défauts propres, et, en plus ceux que provoquent la lutte clandestine et la vie en commun. Nous nous disputons, nous nous en voulons, nous nous aidons comme des hommes nageant dans le même bocal sans pouvoir nous isoler, dormant côte à côte, nous lavant les uns devant les autres. Il y a des gais, des vaniteux, des sournois, des naïfs, des durs, des salauds, des timides. Des hommes. Et le miracle, c’est qu’on ait réussi à empêcher l’explosion de cent ou de mille caractères condamnés à se supporter, à se brimer.
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O lacs assoupis, sentiers fleuris, sous-bois pleins de fougères, champs de blé où la bien-aimée attend, plus dorée que l'or des épis, ruisseaux que l'on suit à deux. Vieux rêves enfouis, enterrés, mais pas morts. Voici mon partage : la Porte des Lilas, la descente vers le Pré Saint-Gervais, avec, à l'horizon, les fumées mourantes des usines qui s'assoupissent, la steppe banlieusarde desséchée par le froid et l'air vicié, le boulevard quasi désert où les voitures frôlent le trottoir, et près de moi cet homme avec lequel, pour la première fois, je vogue, comme si le paradis nous attendait au bout...
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Elle s'est clouée au mur de son esprit comme un papillon rare. Et, prisonnière de l'image, elle ne se montre à lui que prête à jouer ce rôle. Elle se lève la nuit pour défaire son visage ; elle se lève au petit jour pour le préparer.
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