Citations sur Le maniérisme : Une avant-garde au XVIe siècle (38)
Confronter les formes de l'art et celles que la nature, dans sa folle inventivité, crée à chaque instant, ce fut l'une des innovations de la culture du XVIe siècle. C'est ce luxe d'inventions, cette liberté au-delà de toute censure qu'ils constatent dans les productions de la nature qui inspirent aux maniéristes un expérimentalisme débridé. Loin d'être l'argument d'un retour à l'ordre, l'amour de la nature fut, pour ces artistes le ferment d'une esthétique résolument anti-classique.
Il faut attendre la fin du XVIe siècle pour que la maniera soit systématiquement identifiée, par ses détracteurs, à un art "maniéré" : un art qui s'inspire moins de la nature que de l'art. Un art alambiqué, précieux, artificiel, pédant – un "maniérisme" au sens que ce terme a pris dans la langue usuelle.
Les philosophes du XVIe siècle n'auront de cesse de réhabiliter la vertu initiatrice de la stupeur, sous les formes du paradoxe, du prodige et de l'énigme. On lit aussi la Poétique d'Aristote (qu'on redécouvre dans les années 1540) comme une méthode du "coup de théâtre" : le Philosophe n'a-t-il pas montré qu'il ne saurait y avoir d'action dramatique sans la "surprise" et le "retournement de situation" qui prennent au dépourvu le spectateur et l'engagent dans la réflexion ? La surprise est ainsi une valeur positive de toute œuvre d'art. Elle engage aussi bien le choix des mots que l'articulation d'un récit.
coincé entre le Moyen Age et l'Age baroque, volontiers confondu avec la renaissance, le maniérisme est mal identifié. on en doit la redécouverte aux historiens d'art de l'Allemagne et de l'Autriche des années 1920. contemporains de l'expressionnisme, ils identifièrent dans le maniérisme une avant garde avant la lettre.
l'une des innovations les plus surprenantes du maniérisme, c'est qu'il aura été pour une très large part à l'origine de ce que l'on appelle l'illustration scientifique.
au XVIème siècle, une formidable eclosion de textes prennent l'art pour objet: ce qu'il est, s'il sert à quelque chose, quels sont ses moyens et ses méthodes, comment els artistes doivent ils se comporter quelles limites s'imposent à la liberté de l'art... autant de thèmes passé au cribles par les hommes de plumes et les artistes eux mêmes. le vocabulaire de la critique d'art qui est encore largement le notre se forge alors: extravagance, fantaisie, caprice, bizarrerie, génie, tout un lexique s'impose à cet âge résolument moderne.
l'académisme est indissociable d'une extraordinaire floraison de textes, de traités, de débats qui ont scandés le XVIème siècle.
conscient d'être les héritiers et les ultimes protagonistes de deux siècles prodigieux, les deux siècles de la "renaissance", les maniéristes ont inventés ces institutions sur lesquelles l'Europe a bâti sa relation à l'art: l'histoire de l'art et le musée. Entiché de leur génie, ils se sont livrés avec passion à l'autobiographie. mais ces rebelles ont aussi inventés l'académie.
il ne s'agit pas d'artistes de second ordre: ce sont les peintres des cours de florence ou de Prague, vienne ou de Munich qui réalisent les "portraits" d'animaux ou de plantes destinés à illustrer les grands inventaire de la nature dans lesquels se lancent les naturalistes du temps.
c'est ce luxe d'inventions, cette liberté au delà de toute censure qu'ils constatent dans les production de la nature qui inspirent aux maniéristes un expérimentalisme débridé. Loin de l'argument d'un retour à l'ordre, l'amour de la nature fut pour ces artistes le ferment d'une esthétique résolument anticlassique.