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Critique de lolo71


Ils ont entre dix-sept et vingt ans et comptent bien profiter de leur jeunesse. Nous sommes en 1944, à Villeneuve-Saint-Georges, dans la banlieue ouvrière de Paris. Bernard, Claude, Cous, Alix, Pépito, Jo, Pépée, Noëlle, Roger, Cricri, Zézette et les autres se préoccupent plus de sexe et de jazz que de la guerre. Les petites combines qui aident à améliorer l'ordinaire, les virées entre potes, les coups à boire la relèguent à l'arrière-plan, comme un élément de décor, malgré les privations, la peur du STO, l'occupation. Il faut vivre avant tout, si possible intensément : « Il est préférable de mourir à cinquante ans en ayant usé, abusé de l'existence sous toutes ses coutures, à l'envers, à l'endroit, couché, n'importe comment, pourvu qu'elle ait servi à quelque chose, que de la terminer à quatre-vingts ans sans un souvenir qui en vaille la peine, après avoir besogné comme un con pour des prunes, fait trente-six gosses à une rémouleuse de lentilles et avoir décroché des certificats de bonne conduite, de bonne tenue, de bon travail, à en fournir ses cabinets de papier hygiénique pour l'éternité… »

René Fallet avait vingt ans lui-même lorsqu'il écrivit son premier roman en 1946. On y trouve déjà la gouaille poétique, cet esprit libertaire, tendance partisan-du-moindre-effort plutôt qu'activiste, qui font le sel de ses livres les plus connus comme « le Beaujolais nouveau est arrivé », « le braconnier de Dieu » ou « Les vieux de la vieille ». Ses personnages y sont animés d'un anarchisme viscéral, irréfléchi, non pas théorisé mais simplement vécu au quotidien et allant de soi, parce qu'inhérent à la nature humaine pour peu qu'on y regarde d'un peu plus près.

Avec « Banlieue sud-est », René Fallet avait l'ambition de faire le portrait de la « jeunesse 1944 », cette jeunesse qui entend jouir de ses meilleures années et pour cela rejette les valeurs de ses aînés qu'elle juge responsables d'une situation qu'elle n'a pas choisie. le travail, l'autorité, le sens du sacrifice, très peu pour ces jeunes. Ni collabos ni résistants, simplement attentistes (comme l'immense majorité de la population française), ils portent avec eux l'insouciance, la débrouille, l'entraide, l'amitié et l'amour pour tout bagage moral. Pourtant, il arrive que les évènements entraînent dans leur tourbillon même ceux qui s'en tiennent à l'écart…

Ainsi le livre se fait plus grave au fil des pages, introduisant des éléments dramatiques qu'on a peu l'habitude de rencontrer dans l'oeuvre de René Fallet, même si on perçoit toujours sous la joie de vivre de ses romans un fond de désespoir lié à la conscience qu'on ne laissera jamais vivre en paix les réfractaires, les insoumis, les anticonformistes, même pacifiques. « Les braves gens n'aiment pas que / l'on suive une autre route qu'eux », comme dit la chanson. Il n'en reste pas moins que cet ami de Georges Brassens, de Jean Carmet et de Pierre Brasseur, cet autodidacte dévoreur de livres, chérissait plus que tout la poésie et la liberté. « Oublier la liberté… La bafouer, passe encore, c'est un acte conscient, mais l'oublier, quelle tristesse… ». Un livre à lire et à méditer.

Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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