Ça ne va pas, mais alors pas du tout. Je ne comprends pas comment ce livre a pu obtenir un prix. J'ai l'impression de voir un mix prémâché de plusieurs oeuvres qui avaient bien marché auparavant, sans compter des personnages clichés, limite caricaturaux, au possible qui ne subissent aucune évolution (à la rigueur Julian qui vainc son alcoolisme).
L'histoire est celle de deux héroïnes issues de deux mondes parallèles, le nôtre et celui d'Ombre. Pour le nôtre, nous avons Enora et pour celui d'Ombre la princesse Ravenn/Elouane. Et comme je l'ai déjà dit, ces deux personnages sont très clichés : la première voit sa famille décimée par l'Ordre, une organisation créée par son ancêtre pour empêcher les voyages entre les deux mondes, et cherche à se venger. La deuxième est une princesse guerrière qui cherche à reprendre le trône que son père veut lui dérober.
Pourtant, le livre dispose de pas mal d'idées au départ bonnes, mais qui sont malheureusement très mal utilisées dans la suite. Je citerai deux exemples. le premier est le langage des habitants d'Ombre : un français légèrement différent du nôtre, notamment dans le choix des mots. Pourtant cette différence n'est visible que lorsque les personnages de nôtre monde sont présent et elle disparaît quand les habitants d'Ombre parlent entre eux, comme si
Manon Fargetton avait oublié cette légère différence culturelle. Qui plus est, plus le livre avance, plus cette différence s'efface au profit de notre français, alors que l'aventure se déroule paradoxalement dans l'univers parallèle.
Je profite de cette remarque sur le langage pour dénoncer l'usage du mot "solutionner", non, arrêtez, c'est moche, on peut dire "résoudre" c'est beaucoup plus joli. (Désolé, traumatisme scolaire).
Ensuite, pour avoir un autre exemple d'idée mal développée, parlons un peu des Noirs portraits. En quelques mots, chaque humain de notre monde est relié à un humain du monde parallèle, son Noir portrait. Tous les deux sont nés le même jour, ne peuvent se toucher sous peine de mourir et si l'un meurt, l'autre ne peut survivre bien longtemps.
Au cours de l'aventure, un des héros fera la connaissance de son Noir portrait et en tombera éperdument amoureux. Donc problème. Pourtant, à la fin, parce que pouf magie, ils pourront quand même finir ensemble, sans plus d'explications. Je ne demande pas que tout soit expliqué, loin de là, mais un auteur ne peut pas rompre une loi de son propre univers, comme ça, sans plus d'arguments.
Pour en terminer avec les Noirs portraits, je parlerai de la manière dont le conflit d'Enora se règle avec l'Ordre :
simplement, tous leurs Noirs portraits en Ombre seront assassinés. Alors, bien évidemment, si on avait tué les membres, le résultat aurait été le même et Manon Fargetton donne une justification bancale au massacre des Noirs portraits. Il n'empêche que les héros s'en vont tuer des innocents pour accomplir la vengeance d'Enora et qui au final ne changera même pas son état d'esprit. Autant dire, un beau gâchis.
Ce ne sont là que deux points qui m'ont déçu, je pourrais également rajouter en vrac des solutionnages (soyons fous ! ) de situations expédiés en dix minutes, des antagonistes pratiquement inexistants, Enora limite inutile si ce n'est pour ses pouvoirs de passeur et un Deus Ex Machina au sens littéral.
Bref, Les Rois-Passeurs est pour moi un échec et je ne pourrai que vous le déconseiller. Il a tout de même pour lui une écriture fluide et agréable à lire. Rajoutons aussi qu'il s'agit d'une aventure de Fantasy en un seul et unique tome, ce qui pourrait séduire des lecteurs n'ayant pas le temps (ni l'envie) de se lancer dans une saga épique en 3 part ou plus.