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Critique de Lamifranz


Pas facile de s'attaquer à Faulkner quand on ne l'a jamais lu. Quand je me suis lancé dans la lecture de « Lumière d'août », j'étais rempli de préjugés. Pas tant sur le style, j'avais lu abondamment Hemingway et Steinbeck, je me disais que ce ne serait pas un obstacle majeur, (ce en quoi j'avais tort, pas pour Faulkner, mais quand j'ai voulu attaquer Dos Passos, mamma mia !) mais j'avais lu que Faulkner était un « écrivain du Sud ». de ce que j'en savais (ou ce que je croyais en savoir), les Sudistes étaient racistes, intolérants, bigots j'en passe et des meilleures, et je me disais, qu'ayant grandi dans ce milieu, Faulkner devait avoir tété à cette source comme à son premier « mint-julep » (cocktail du Sud à base de menthe, avec ou sans alcool) ...
Eh ben non, j'avais tout faux : Faulkner est un Sudiste, mais il porte le Sud comme une malédiction, précisément, à cause de ce passé marqué par l'esclavage et l'oppression des noirs. Cette prise de position, à contre-courant de ses compatriotes, lui valut d'être qualifié « d'ami des nègres » et seul le prix Nobel le racheta aux yeux, on le salua alors de « Fils illustre de la cité ». Et pourtant Faulkner ne peut nier ses origines, et toute son oeuvre est marquée par ce déchirement entre l'héritage et les convictions.
« Lumière d'août » illustre à merveille cette double influence sur une oeuvre unique.
L'histoire se passe à Jefferson, comté de Yoknapatawpha, état du Mississippi (c'est-à-dire à Oxford, comté de Lafayette, état du Mississippi). C'est une histoire très ramifiée, avec trois fils narratifs principaux : le premier concerne une jeune femme, Lena Grove, elle vient de l'Alabama, elle est enceinte, et elle recherche le père de son enfant. le second fil concerne Joe Christmas qui vient de tuer sa patronne et maîtresse. le troisième concerne le révérend Gail Hightower, un prêtre borné et raciste. Et bien entendu, personne n'est exactement ce qu'il a l'air d'être. Joe, surtout, est un métis qui, on ne le dirait pas à le voir, a du sang noir dans les veines.
Comme le dit Maurice-Edgar Cointreau, le traducteur (magnifique) dans une lumineuse préface sur laquelle je vous conjure de ne pas faire l'impasse : il ne faut pas perdre de vue que Faulkner est un puritain (« Mais un puritain, dans le bon sens », aurait corrigé Faulkner). Ce qui donne au roman une résonnance religieuse qui contraste avec les débordements crapuleux et érotiques qui parsèment l'ouvrage. le personnage de Joe Christmas (dont le nom et les initiales sont hautement symboliques) est en soi un être spécial qui est d'emblée promis à la tragédie, et qui le sait. Faulkner touche à la fois à la Bible et à la tragédie antique. Autres preuves du puritanisme de Faulkner : la peinture des femmes, comme étant des monstres de lascivités, pratiquant « l'instinct de la dissimulation » ou pire « l'infaillibilité pour concevoir le mal » (ces dames apprécieront) ; le dégoût provoqué par l'acte sexuel (y compris quand c'est un acte d'amour) ; ou encore les allusions nombreuses à l'homosexualité.
Faulkner dresse un tableau impressionnant de son pays et des êtres qui le peuplent. Pour autant, si les personnages sont souvent torturés et même parfois brisés, il en est (de ces sudistes, justement) qui sont humains et aimables, et s'inscrivent dans un courant de vie « normal » où la tragédie ne les atteint pas.
A lire impérativement dans cette traduction de Maurice-Edgar Coindreau (comme tous les grands auteurs américains qu'il a traduits et présentés) (La Pléiade, si vous avez les moyens, sinon Folio)

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