En réalité, sous couleur de classer les tableaux et les statues, il accumule dans le secret de son coeur les raisons de haïr un patrimoine synonyme de convention et d'ennui. (...) le jeune homme tout en feignant de recenser avec le plus grand soin les témoignages du génie florentin, médite déjà par quels moyens tirer vengeance de cet énorme conglomérat d'antiquailles et de mensonges.
La beauté évidente est-elle encore la beauté ?
N'y a-t-il pas des moments, dans l'histoire d'un peuple ou d'un État, où leur vitalité ne peut renaître que de l'oubli de leurs traditions ?
Toutes les villes sont mortelles, mais toutes ne savent pas, effleurées par la mort, se hâter vers leur métamorphose. Les unes survivent intactes et se figent en musées, buts des voyageurs et des curieux, Mecques des époux en voyage de noces, source d'émerveillement pour les naïfs, modèles de toute perfection pour les imbéciles. Ce sera le destin de Florence, de ses églises et de ses palais qui ne s'écrouleront jamais, soyez-en certain ! De vigilants édiles, stimulés a suon di quattrini par les agents de voyage et les compagnies de tourisme étrangères, sauront épargner à nos monuments l'humiliation et la splendeur du désastre.
Si l'on peut répartir les humains en deux grandes familles, selon qu'ils sont influencés par la planète Jupiter ou par la planète Saturne, les uns, Jovis Filii, joviaux bien nommés, dédiés à la gaieté, les autres à la mélancolie, l'histoire du monde aura connu peu d'aussi parfaits saturniens que le dernier grand duc. Il se reconnaissait dans ce dieu cruel qui anéantit son œuvre.
Tout homme a besoin de se heurter à des interdits, tout homme veut savoir où se tient la frontière du bien et du mal. Imagines-tu pouvoir être heureux dans un monde où il n'y aurait plus ni loi à enfreindre ni crime à commettre ?