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Critique de Malaura


Il était une fois…une fée. Femme si douce, si belle, vaporeuse comme un rêve doux, à nulle autre pareille.
« Elle se fait aimer chaque jour comme au premier instant de l'amour, celui de l'aveuglement, celui du miracle où les reproches restent des secrets invraisemblables. La fée prolonge la douceur. Sur elle le regard se brouille, s'adoucit dans les indulgences. Autour d'elle les choses sont transformées. le sortilège est puissant. »

Il était une fois…un homme. Qui sut se faire aimer de la fée. En lui, un fond de silence et de secret. En lui aussi, ce qu'il faut de grâce, d'intelligence, de générosité et de sollicitude pour plaire aux gens, notamment aux femmes, ce dont il abusa longtemps. Mais un jour l'homme croise la fée et « le sortilège fut en lui, comme une main qui contraindrait son coeur tout en le caressant ». Désormais la fée devient son amour, son ange, sa vie…sa fée.

De l'alchimie amoureuse entre l'homme et la fée, de leur emmêlement passionné et sublime, nait Gabriel, l'enfant au nom d'archange. Et la fée, comblée, heureuse, enveloppe l'enfant de tendresse et de bonté, l'enrobe d'amour et de douceur sans imaginer que son ventre de fée a enfanté la plus effroyable des créatures.

Il était une fois… un monstre. Dans le secret de son âme, Gabriel, l'enfant au nom d'archange, a développé en grandissant une nature perverse, corrompue par de puissants désirs de violence, une jubilation morbide et une fascination malsaine pour la douleur des autres.
Enfant déjà, il aime infliger mille délicieuses tortures à de petits animaux avant de leur offrir en sépulture des boîtes somptueuses que par la suite il confectionne avec un soin d'artiste maniaque et une admirable virtuosité.
Il devient « un adolescent plein de silences », puis enfin « cet homme jeune, trop calme et sage, timide et souriant », un être cadenassé de l'intérieur que rien ne semble émouvoir hormis cette joie impure que lui procure la mise-en-scène de la souffrance.

A la mort de la fée, emportée par un cancer, l'homme, accablé de chagrin, ne pouvant supporter de vivre sur les lieux de son bonheur perdu, laisse Gabriel seul dans la maison familiale. Plus rien désormais ne retient le jeune homme dans l'assouvissement de ses diaboliques instincts. le prédateur se met en chasse ; il a délaissé les petites proies animales pour se tourner vers un gibier plus conséquent, à la hauteur de ses appétits d'homme : les femmes.
Son premier viol le plonge dans un état de bouleversement et d'excitation délectables. Ah ! Quel plaisir d'éprouver tout contre soi une jeune chair se débattre ! « le corps d'un autre en souffrance, quel prodige » !
Gabriel écume la ville, jouant avec « le froid et l'humidité des recoins déserts ». Son désir s'emballe, plus rien ne compte hors le triomphe de son plaisir de mâle, mais bientôt il lui faut éprouver d'avantage. Il lui faut explorer le mystère de l'achèvement. Il lui faut serrer ses mains autour du cou gracile d'une jeune colombe. Il lui faut expérimenter la décomposition des corps. Et il se prend alors à penser aux petites filles…

En 1993, Alice Ferney signait avec « le ventre de la fée » son premier livre et faisait une entrée fracassante sur la scène littéraire, la puissance atroce de ce premier roman laissant immédiatement augurer un grand auteur en devenir.
Car, ah ! Quel livre ! On ne peut y penser sans frémir et c'est peu dire de ce bref ouvrage qu'il est dérangeant, déroutant, perturbant et, d'une manière totalement équivoque…manifestement beau.
C'est qu'avec ce conte noir, Alice Ferney joue avec les antagonismes et les contrastes comme une magicienne joue avec ses sortilèges, faisant rivaliser les émotions du lecteur en une sorte de pugilat intérieur qui le laisse dans un profond état de malaise. Ce qui débute ainsi comme un conte de fée se transforme alors en fable horrifique. Avec l'impression de tomber au fond d'un gouffre obscur, l'on est précipité de la ouate au béton, d'un climat de douceur et de pureté empreint de beauté et d'amour maternel, en un lieu où se déchainent les passions les plus brutales et les plus écoeurantes.
L'auteur nous plonge de plain-pied dans la conscience d'un monstre dénué de remords, ne nous épargnant rien de sa folie, de ses actes ni de ses intentions.
Mais - et c'est là que réside toute la force de ce court roman - la romancière va utiliser le filtre d'un style poétique, lumineux, la transparence cristalline et délicate de ses lignes, pour opérer un véritable pouvoir d'attraction en faisant s'affronter en combat singulier, la beauté de la forme et l'horreur sans nom du fond.
Une écriture enchanteresse qui n'est pas sans rappeler celle de Sylvie Germain, cette façon troublante d'aborder la noirceur avec les mots les plus fins et sensibles et qui provoque chez le lecteur médusé, des sentiments contrastés, entre fascination et répulsion.
Véritable lecture coup de poing « le ventre de la fée » accouche dans la douleur des plus vils instincts de la nature humaine et sera à ce titre à déconseiller aux âmes sensibles…
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