La misère est une forteresse sans pont-levis.
Il n'y a que le mystère de la pauvreté qui fait les êtres sans nom et sans passé, qui les fait entrer dans l'immense cohue des morts sans nom qui ont fait le monde en se défaisant pour toujours
- Ceux qui ont fait ça, c'est pas des hommes!
- Pour eux, c'est ainsi que doivent agir les hommes!... On est chez eux, après tout... Ils usent de tous les moyens.
- Peut-être, mais ils ont tort! Un homme ne fait pas ça!
- Pour eux, dans certaines circonstances, un homme doit tout se permettre!!!
- Non! Un homme, ça s'empêche! Voilà ce qu'est un homme, ou sinon...
Les écrivains gardent l'espoir de retrouver les secrets d'un art universel qui ressusciterait les personnages dans leur chair et dans leur durée.
Il n'y a que le mystère de la pauvreté qui fait les êtres sans nom et sans passé, qui les fait entrer dans l'immense cohue des morts sans nom qui ont fait le monde en se défaisant pour toujours. Et moi qui ai voulu échapper à un pays, à la foule et à une famille sans nom, je fais partie aussi de la tribu où chacun était le premier homme. J'ai essayé d'échapper à l'anonymat, à la pauvreté, à l'ignorance. J'ai couru le monde, édifié, créé, brûlé les êtres, mes jours remplis à craquer. Et pourtant, je sais maintenant que Saint-Brieuc ne m'a jamais rien été. La mort me ramènera dans ma vraie patrie.Elle recouvrira à son tour de son immense oubli le souvenir de l'homme monstrueux et banal qui a grandi dans la pauvreté, sur un rivage heureux et sous la lumière des premiers matins du monde, pour aborder ensuite, seul, sans mémoire et sans foi, le monde des hommes et son affreuse et exaltante histoire.
L'école ne nous fournissait pas seulement une évasion à la vie de famille. Dans votre classe, du moins, elle nourrissait en nous une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim de la découverte... Dans votre classe, pour la première fois, on se sentait exister et nous étions l'objet de la plus haute considération: on nous jugeait dignes de découvrir le monde.
La mémoire des pauvres est déjà moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise…
Je me protège comme je peux du milieu parisien dans lequel je me sens toujours un étranger … et où on me fait comprendre que je suis rentré par effraction.
… ce qu’ils n’aiment pas en moi, c’est l’algérien !…
Il y a toujours eu la guerre. Mais on s'habitue vite à la paix. Alors on croit que c'est normal. Non, ce qui est normal, c'est la guerre...
Dans cette obscurité en lui, prenait naissance cette ardeur affamée, cette folie de vivre qui l'avait toujours habité, rendant simplement plus amer le sentiment soudain terrible que le temps de la jeunesse s'enfuyait, telle cette femme qu'il avait aimée.
Oh oui, il l'avait aimée, d'un grand amour, de tout le cœur, de tout le corps aussi. Oui, le désir était royal avec elle, et le monde, quand il se retirait d'elle avec un grand cri muet au moment de la jouissance, retrouvait son ordre brûlant. (...)
Et abandonné seulement à l'espoir aveugle que cette force obscure qui pendant tant d'années l'avait soulevé au-dessus des jours, nourri sans mesure... lui fournirait aussi, et de la même générosité inlassable qu'elle lui avait donné des raisons de vivre, des raisons de vieillir et de mourir sans révolte.