Et s'il parlait comme ça, c'est qu'il avait gratté toutes les photos pour effacer Papa et l'avait redessiné en "homme invisible". Et quand Maman disait "ton père, il a simplement disparu un jour", je me demandais s'il nous avait vraiment quittés ou bien s'il avait seulement ôté tous ses vêtements et que, peut-être, il était là dans l'appartement avec nous, silencieux, invisible et... tout nu.
Vous ne me dites jamais la vérité... vous me laissez toujours exprès dans le noir ! Vous pensez que je ne supporterais pas de savoir... mais c'est débile, parce que je me sens encore plus mal quand je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas et que personne me dit quoi.
Des fois on refuse de savoir ce qu'on sait pourtant très bien.
Si, en général, les sous-sols sentent le surréalisme, les cuisines et les jardins, eux, sentent toujours l’impressionnisme.
J'entendais Anka me murmurer à l'oreille : "Nazi, nazi, nazi."
Un nazi, c'est quelqu'un de si nase qu'il ne voit pas sa propre cruauté... Si nase qu'il ne se rend pas compte qu'elle va le détruire lui-même !
Si les morceaux tombaient, on découvrirait en lui, j'en étais sûre, une belle, une éclatante sphère de lumière...
Vers l'est, toujours plus loin, toujours plus froid...
Dans mes souvenirs, il n'y avait qu'un seul seau dans un coin du wagon à bestiaux... très vite, le plancher ne fut qu'une bouillie d'excréments. Il n'y avait pas d'eau et les gens étaient assoiffés. La neige se mit à tomber, et les flocons entrés par les rares fenêtres étaient recueillis par des langues avides...
Beaucoup des noirs sont montés du sud pour échapper aux lynchages et autres horreurs. Même s'ils ont trimé pour rien pendant 300 ans, il faut encore qu'ils se battent pour leurs droits.
Quand les gens ont peur, ils sacrifient leur liberté à leur sécurité.
Ce soir-là, Anka sentait l'alcool, elle était pieds nus et dans la neige, ses empreintes ressemblaient aux traces qu'auraient laissées les pattes traînantes d'une créature mythique...