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Citations sur Les Mystères de Londres (11)

La physionomie de mon père était effrayante à voir au moment où il reparut sur le seuil. Roboam, à demi-mort d'épouvante, poussait des gémissements inarticulés. Mon père, bien qu'il ne fût pas plus robuste en apparence que le commun des hommes, possédait réellement des muscles d'athlète. Il lança Roboam avec tant de violence que le malheureux alla tomber à l'autre bout de la chambre. Les convives retournèrent paisiblement leurs sièges pour voir avec plus de commodité ce qui allait se passer.
Le juif Eliezer était boiteux et s'aidait en marchant d'une forte canne de bambou. Cette canne était appuyée au mur dans un angle du salon. Mon père s'en saisit. Sa colère atteignait son paroxysme. La lourde béquille rendit un bruit sec en tombant sur les reins du pauvre muet.
Il tendit ses deux mains en suppliant; Ismaïl les rabattit d'un second coup; puis, sa fureur augmentant à mesure qu'il frappait, il fit mouvoir son arme avec une rage aveugle, sans relâche ni trêve, pendant plus d'une minute.
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Le monde, qui devine tous les ridicules et saisit chaque travers par une sorte d'intuition où il y a de la magie, avait bien vite découvert la grotesque émulation du pauvre vicomte. On s'en divertissait fort, et le vicomte ne voyait goutte en ces moqueries voilées, que recouvrait toujours une couche suffisante de courtoisie. Loin de s'alarmer, il se réjouissait et se gonflait comme la grenouille de la fable, mais il ne crevait point, parce que les sangles de son gilet l'empêchaient de se gonfler outre mesure.
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Stephen avait complètement oublié Donnor d’Ardagh, le pauvre Irlandais, et l’étrange marché qu’il lui avait proposé à la porte de Bishop le burkeur.
Eût-il songé à Donnor d’Ardagh, le commencement d’explication de Betty, affirmant que l’homme qui attendait dans la salle du rez-de-chaussée parlait des deux jeunes filles, eût rejeté Stephen à cent lieues du pauvre Irlandais.
En entrant dans le parloir, il reconnut Donnor, plutôt à son habit en lambeaux qu’à sa figure, car le pauvre Irlandais s’était assoupi en l’attendant, et son visage, appuyé sur sa main se cachait derrière les touffes en désordre de ses épais cheveux.
Stephen, qui s’élançait avec toute l’ardeur de sa curiosité inquiète, s’arrêta désappointé.
— Il n’y a que vous ici ? s’écria-t-il.
Donnor ne saisit point le sens de ces paroles, mais il s’éveilla en sursaut ; sa main s’appuya, tout d’abord sur son estomac.
— Oh ! murmura-t-il ; — j’ai rêvé que je mangeais du pain !… Cela fait du bien, même en rêve, car je ne souffre plus de la faim…
Il aperçut Stephen et tressaillit de la tête aux pieds.
— Je n’ai pas rêvé, reprit-il ; — j’ai mangé… le prix de mon sang. — Me voilà, Votre Honneur, poursuivit-il avec une tristesse calme. — Je suis allé dans Saint-Gilles. La petite fille a des habits, et j’ai acheté du pain… J’ai eu tort d’acheter du pain, ajouta-t-il en soupirant, car le pain est bon et donne envie de vivre… C’est égal ; me voilà.
Donnor s’était levé et se tenait debout, les bras croisés, en face de Stephen, qui, harassé de fatigue, venait de se jeter dans un fauteuil.
— C’est bien, murmura ce dernier, avec distraction. Je verrai à vous employer.
— Écoutez, Votre Honneur, dit résolument Donnor, pas de retard !… Maintenant que je ne souffre plus, je me sens des idées de vivre. Je n’ai que quarante ans, après tout… finissons-en. J’ai une corde dans ma poche ; vous n’aurez que le clou à fournir.
Stephen le regarda, étonné.
— Remettez-moi les vingt-cinq shellings que vous me devez, poursuivit Donnor, et montrez-moi le chemin de votre laboratoire… ce soir, ce sera fait.
Le souvenir de ce qui s’était passé, revint tout-à-coup à Stephen.
— J’ai besoin d’amis vivants, Donnor dit-il avec un sourire involontaire, et je tâcherai de vous ôter l’envie de vous pendre… Mais avez-vous été toujours seul ici depuis votre arrivée ?…
— Votre Honneur !… Votre Honneur ! s’écria Donnor au lieu de répondre, dites-moi cela mieux et plus au long… Je suis un pauvre homme… il serait mal de me laisser croire… Ne voulez-vous donc point mon corps en échange de votre argent ?
— Assurément non, mon ami, répliqua doucement Stephen.
— Oh !… fit Donnor, étouffé par la surprise.
Puis, il poursuivit avec un flot de volubilité sans pareille :
— J’aurais dû m’en douter… Et ne me l’aviez-vous pas dit déjà dans Worship-Sreet, Votre Honneur ?… Mais je ne voulais pas vous comprendre, parce que j’ai bien souvent espéré… Et cela fait tant de mal d’espérer en vain !… Mais, oh ! Votre Honneur ! quand j’ai vu que vous demeuriez dans cette maison, d’où les deux petites demoiselles m’ont bien des fois jeté leur aumône…
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Derrière les nobles jardins du palais de Buckingham, loin, bien loin de ces quartiers populeux où le commerce entasse ses servants faméliques, s’étend un square vaste et régulièrement dessiné, dont le parc intérieur n’affecte point cette forme ronde ou ovale qui jure si étrangement dans tout le reste de Londres avec les enclos de maisons tirés au cordeau parallélogrammatique.
Les constructions qui environnent ce beau tapis de verdure sont autant de palais. On ose à peine s’y loger quand on n’est que pair d’Angleterre. C’est là que les princes étrangers, venant visiter Londres, plantent leur tente, et l’un de ces fiers édifices eut dernièrement pour habitant le descendant de vingt rois.
Cette place a nom Belgrave-Square.
Don José-Maria Tellès de Alarcon, marquis de Rio-Santo, occupait de tous ces palais le plus grand, le plus brillant, le plus magnifique, celui qui s’élève au nord du square, entre la place et la rue : qui porte le même nom, devant le passage conduisant à Pembroke-Street.
Le luxe de cette aristocratique demeure était devenu proverbial ; les plus somptueuses habitations du West-End lui cédaient le pas, et il fallait que la noblesse anglaise, si riche, si vaniteuse, si passionnée pour ce renom que donne dans le Royaume-Uni l’exagération d’un luxe poussé jusqu’à la folie, courbât le front devant le faste babylonien étalé par un étranger.
Rio-Santo, dont le goût artistique et capricieux ne pouvait point s’accommoder des bourgeois aménagements de l’architecture anglaise, laquelle n’a qu’un seul plan pour tout édifice, qu’il soit basse-cour, palais ou chapelle, avait bouleversé comme à plaisir tout l’intérieur de sa maison. Chez lui, on voyait de larges escaliers de marbre comme en Italie, et non point de ces raides échelles cirées et recouvertes d’un maigre tapis que les lords semblent avoir empruntées aux magasins cossus de Fleet-Street. L’ornementation intérieure affectait ce style large et harmonieux qu’on admire à Paris ou à Gênes, et qui semble inconnu chez nous, où le comfortable étoufferait les inspirations du beau, lors même que le protestantisme n’étendrait pas sur toutes choses extérieures le lourd et stupide niveau de son hypocrisie puritaine.
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Le cavalier Angelo Bembo regardait de tous ses yeux, et sentait bouillir son sang dans ses veines en songeant au dessein probable de ces deux hommes qui violaient clandestinement la retraite de sa jeune fille.
Car elle était à lui. — Du moins c’était l’avis du cavalier Angelo Bembo.
Le comte, cependant, s’était arrêté, immobile, à trois ou quatre pas d’Anna, et tandis que Paterson parlait en gesticulant avec une certaine emphase, White-Manor promenait lentement son regard éteint tout autour de la chambre.
Bembo n’eut pas de peine à interpréter cette scène : évidemment, le valet vantait les charmes infinis de la jeune fille, acquisition nouvelle, sans doute, tandis que le pacha, — nous voulons dire le lord, — faisait des réflexions mélancoliques sur la fragilité des voluptés humaines.
Angelo avait un désir passionné de lui briser le crâne.
Du reste, il ne le reconnaissait point.
Quand Gilbert Paterson eut terminé son éloquente tirade, le comte poussa un long soupir et secoua la tête en disant :
— Je voudrais qu’il y eût à chacune de ces fenêtres huit bons barreaux de fer…
— Oserai-je demander à Votre Seigneurie ?… commença Paterson étonné.
— Quatre en travers et quatre debout, poursuivit le lord ; — et je voudrais, Gilbert, tenir ici, au lieu de cette petite sotte, le fils de mon père qui, par le nom de Dieu ! n’en sortirait pas avant le jour de sa mort !
Le comte prononça ces derniers mots avec une effrayante énergie. Ses yeux mornes s’allumèrent tout-à-coup pour lancer un éclair sinistre.
Paterson courba la tête.
— Encore ce diable de Brian ! grommela-t-il ; — milord ne sort pas de là !
— Mais le jour vient ! s’écria tout-à-coup White-Manor ; — si bien déguisé que je sois, je sais un démon qui me reconnaîtrait d’un coup d’œil… Viens !… viens, Gilbert… Brian de Lancester me guette peut-être au passage pour me percer le cœur d’un coup de langue… Je ne suis pas en sûreté ici.
Le comte était pâle et frissonnait.
— Oh ! j’en mourrai, je le sens ! poursuivit-il d’une voix étouffée ; — et il sera comte de White-Manor.
Ce dernier mot donne la mesure exacte de la haine qui devait emplir le cœur de White-Manor.
Brian était son héritier légal.
Le comte se dirigea vers la porte.
— Mais regardez-la, au moins, milord ! dit Paterson désespéré ; — voyez quelles mains, quels cheveux !… Y a-t-il au monde une plus jolie taille que celle-là ! y a-t-il des sourcils mieux arqués, un teint plus blanc, un front plus pur ?…
Les marchands d’esclaves qui fournissent le harem doivent être de bien grands poètes !
Le comte revint machinalement vers Anna endormie, mit le lorgnon à l’œil et contempla un instant avec la froideur stupide d’un eunuque de cent ans la ravissante enfant qui posait devant lui. Son lorgnon glissa d’un pied charmant à une ceinture mignonne, de la ceinture à la gorge, de la gorge aux cheveux, puis son lorgnon retomba.
— Je la trouve passable, murmura-t-il avec lassitude ; — une autre fois, maître Gilbert… je reviendrai.
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Le docteur tressaillit violemment au son de cette voix. Il releva son regard attaché sur la saignée avec une véritable terreur. Rio-Santo parlait. Rio-Santo était de nouveau l’homme redoutable devant qui tout pliait.
Moore venait de briser lui-même la chaîne qui garrottait la parole de cet homme, dont naguère il regardait l’impuissance en dédain. Il venait de lui rendre la faculté de commander, le pouvoir de punir.
Habile à réprimer ses impressions, il sut cacher sa crainte sous le voile du calme austère et impassible dont il couvrait d’ordinaire sa physionomie, mais il baissa involontairement les yeux devant Rio-Santo, dont le hautain regard avait repris vie, et dont le pâle visage recouvrait graduellement son expression accoutumée.
Cette transformation, dont on pouvait suivre les phases, ce changement à vue, eût ravi de joie une mère ou une amante, mais il devait faire naître dans l’âme ennemie du docteur Moore une terrible arrière-pensée.
Car ce cadavre, qui se redressait, était celui d’un maître, et d’un maître trahi.
Le sang coulait toujours. — Moore, absorbé par l’attention qu’il donnait au visage du marquis, dont chaque muscle reprenait tour-à-tour son expressive mobilité, ne songeait plus à la saignée.
— Assez ! monsieur, répéta Rio-Santo qui fronça le sourcil et porta la main à son cœur défaillant : — Voulez-vous donc encore m’assassiner ?
Moore ferma la saignée et croisa ses bras sur sa poitrine. — Il attendait son arrêt.
— Avancez-moi un fauteuil, dit Rio-Santo.
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Un soir de novembre, — un soir de dimanche, — le bon capitaine Paddy O’Chrane était attablé devant un gigantesque verre de grog dans le parloir de la taverne The Crown’s Arms.
Comme il y a dans Londres un demi-cent de tavernes qui portent pour enseigne les Armes de la Couronne, nous ne croyons pas inutile de spécifier que l’établissement dont nous parlons ouvre ses quatre fenêtres, ornées de rideaux rouges, et sa porte qui surmonte un raide perron de cinq marches, dans Water-Street, au quartier de la Tour.
Quant au capitaine Paddy, c’était un Irlandais de six pieds de long sur six pouces de diamètre, vêtu d’un frac bleu à boutons noirs, d’une culotte chamois, bouclant sur des bas de filoselle, et chaussé de larges souliers non cirés.
De l’autre côté du parloir (the parlour [1]) s’asseyait un homme d’une quarantaine d’années, à la physionomie honnête et calme. Il portait un costume décent, sans prétentions à l’élégance, mais éloignant toute idée de gêne.
Ses yeux, immobiles et dilatés, avaient le regard fixe des yeux qui ne voient plus. Il venait parfois à la taverne, où il était connu sous le nom de Tyrrel l’Aveugle.
Mistress Burnett, la souveraine de céans, dont le trône était naturellement dans le comptoir, venait à de rares intervalles dire un mot gracieux au capitaine Paddy, qui, très évidemment, était un habitué de la maison.
Une fille de taverne se tenait debout entre les deux portes.
Cette fille eût fait sa fortune à ne rien faire, au temps où les artistes étaient des princes et payaient leurs modèles au poids de l’or. Elle était admirablement belle. Autour de son front, dont le profil rappelait la courbe idéale du dessin antique, il y avait comme une auréole de robuste et calme dignité. Ses longs cheveux, d’un noir de jais, tombaient en larges boucles sur ses épaules demi-nues. Sa taille, magnifique en ses contours, gardait une grâce latente, mais exquise, parmi sa vigueur hautaine, et ajoutait à la fière perfection de son visage, comme un noble piédestal met en lumière la valeur d’une statue.
Le type juif dominait dans ses traits, et sa carnation n’était point celle d’une Anglaise.
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Il n'y a, pour savoir aimer follement et sans réserve, que ceux qui aiment tard.
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Susannah aurait pu le courber sous l'une de ces tyrannies féminines dont nulle autre tyrannie ne peut approcher, mais Susannah n'avait garde. Elle aimait autant et plus que Brian. Elle se demandait, elle, la parfaite créature, exquise de corps et d'âme, elle se demandait: Que suis-je pour être aimée par lui !
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Longtemps sa méditation roula entre la bonne et la mauvaise pensée , comme le galet des grèves entre le flux et le reflux.
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