C'était pareil chaque fois. Je haïssais la campagne. Pas détester, pas exécrer, pas abominer. Haïr. De toutes mes forces. La nature, la prolifique nature, célébrée par les poètes, les peintres, les écrivains. Tous des menteurs. Qui n'a jamais souffert d'ennui ni d'allergie. Les arbres, les champs, les haies, les feuilles. L'herbe. Tout ce vert me rendait physiquement malade. La belle saison. Pollen, migraines, rhume des foins. Éternuements à répétition. Larmoiements lamentables. Zyrtec.
Nous avons descendu la rue Jean-Jaurès en courant. Maman avait sur nous une bonne longueur d'avance. Nous marquions un arrêt devant chaque boutique d'alimentation, regardions à l'intérieur, mais elle demeurait introuvable. Au croisement, nous n'avons pas hésité et nous avons pris la rue de la Harpe. Dans cette voie piétonne, maman a ses commerçants, son coiffeur, ses habitudes. Si la mémoire lui revenait, elle n'aurait pas de mal à trouver ses repaires.
Elle pensait qu'il allait changer. Les femmes pensent toujours que les hommes vont changer parce qu'elles s'imaginent être les seules à les comprendre
J'avais tellement fait d'efforts pour être heureuse avec lui que je ne savais plus si je l'aimais vraiment, ou si je m'appliquais encore à le faire
Dans toutes les familles, c'est la même histoire. On se critique, on se juge, on se jauge, on décortique ses moindres faits et gestes. On se défoule. Reprocher est une habitude qui remonte à l'enfance. Clan contre clan, soeur contre soeur, enfants contre parents.
Mes parents voulaient passer tous les week-ends et les vacances au Clos Joli. Ils avaient installé trois chambres d'amis. Je me demandais bien pourquoi. Chez nous, personne n'était jamais invité.