Vincent et Alice, un jeune couple heureux, attendent un enfant. La grossesse se passe bien, jusqu'au jour où Alice perd les eaux, beaucoup trop tôt. le bébé naît prématuré, à seulement 7 mois. En un clin d'oeil, Alice et Vincent passent de l'autre côté, celui du malheur, du danger, de l'inquiétude, de la mort peut-être.
Alternant le récit entre le journal d'Alice et un point de vue extérieur,
Elsa Flageul nous plonge en apnée dans cette histoire oppressante. En tant que maman, ce livre se lira avec un pincement au coeur particulier, celui du “et si ça avait été nous ?”.
C'est imperceptible la peur, un bruissement, un silence. (…). C'est encore plus imperceptible le soulagement de tous ces gentils couples que nous étions encore il y a quelques jours, nous étions si mignons n'est-ce pas, qui se rassurent et se consolent, à eux ça n'arrivera pas, ils ont vu une sage-femme, un médecin, il sont fait des examens et tout ira bien.
Nous quittons la maternité par la petite porte, celle des urgences, comme des voleurs, la tête basse, pour ne pas sentir, pour ne pas voir ces regards qui semblent vouloir dire : surtout ne jamais être à votre place.
Elsa Flageul nous raconte la couveuse, le qui-vive, l'attention extrême portée sur cette minuscule poitrine qui se gonflent d'air, et la sensation d'être une mère qui n'est pas arrivée à mettre correctement au monde son enfant, elle nous plonge dans cette naissance catastrophique, où l'enfant est sur le fil de la vie, où le couple de parents est déboussolé, isolé des autres et de leur compassion. Alice n'en peut plus, des anecdotes sur “Untel qui est né prématuré mais maintenant tout va bien”, pour elle rien d'autre n'existe que César, son bébé, son unique, son cas particulier. Les autres, elle s'en fout, elle ne veut pas en entendre parler. Doucement, Alice sombre. Cette maternité n'est pas celle dont elle avait rêvé, tout est si difficile, inquiétant, ça la ronge, ça ronge leur couple.
Un roman prenant, que j'ai dévoré en quelques jours, mon coeur de mère serré. Impossible de ne pas être touchée par cette histoire, sublimée par l'écriture d'
Elsa Flageul, qui nous plonge dans une sorte de huis-clos : l'hôpital, les pédiatres touts-puissants (si Dieu existe, c'est un pédiatre, pense Alice), le monde étouffant de la néonat', puis le silence d'Alice, qui passe ses journées seule face à César, et qui coule petit à petit au fond de sa mélancolie …
Une réussite littéraire et un roman important, sur ce thème difficile de la prématurité …
“A nous regarder, ils s'habitueront,
Elsa Flageul, Julliard, 2019, 183 pages
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