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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"- Mais, les mots ne sont pas morts, tu le sais bien. Tout a été conservé dans les Linums et dans les ordinateurs. Rien n'a été effacé...
-Ce sont des machines démoniaques, capables de réécrire les livres, de dévorer les mots, de les interpréter, de dénaturer leur sens premier afin de mieux nous manipuler. Les machines ont pris le pouvoir ! oh, Seigneur, qu'avons-nous fait ? Il faut dire au petit de quoi nous l'avons privé. Lui, il m'aidera dans mon entreprise de retour au papier, à l'écrit, au manuscrit ! " (p. 99)

Dans notre avenir ressemblant à notre futur proche, Adèle, journaliste, grande lectrice, fille et femme d'écrivain décide d'éloigner son unique fils, loin de l'écriture et de tout livre... Pour échapper à la malédiction familiale des mots, elle va jusqu'à détruire une grande partie des bibliothèques conjugale et personnelle ...Allant jusqu'à offrir un piano pour l'un des anniversaires de son fils, se méfiant moins de "Dame Musique "que de "Dame Littérature"....

Ce petit garçon couvé, isolé du monde des mots et du monde, en général, au demeurant docile, ira malgré les interdictions maternelles vers la langue, l'écriture ainsi que vers la lecture; lecture clandestine des ouvrages de son "pépé", auteur d'ouvrages historiques, ainsi que ceux de son "paternel", lui aussi, écrivain....

Une fiction par moments terrifiante, critique qui "caricature" à peine notre hyper-modernité, qui, au final nous offre une ode époustouflante au Livre, sous toutes les latitudes, aux plaisirs multiples qu'il engendre: sensoriels comme intellectuels....
Un "enfant-mots"... qui soignera, mettra à l'abri les vieux livres...et la chaîne de la transmission, du partage des mots repartira de plus belle ...
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Adèle et Hugo décident de protéger leur fils Nino en le tenant à l'écart des livres, ceux-ci sont enfermés dans une chambre interdite à l'étage de leur maison où Hugo passe le plus clair de son temps car il est (hélas!) écrivain. Adèle a quitté son travail de journaliste pour s'occuper de Nino et ainsi lui faire l'école à domicile. En 2017, la Grande Numérisation fait disparaître tous les livres ce qui facilite la tâche des parents de Nino, chacun brûle ses biens littéraires. Un jour Adèle emmène son fils visiter la très grande bibliothèque avec sa tour des lettres, la découverte de Nino va bouleverser son existence à jamais.
Un roman qui m'a touché dès les premières pages, comment empêcher un enfant de caresser une oeuvre littéraire ? Comment trouver sa place dans cet environnement familial où l'écriture envahit tout? J'avoue avoir détesté ce bouquin ... pendant un temps … et puis l'auteur joue sur le rôle protecteur de la mère, les choix qui viennent avec la maturité de chacun, l'héritage que l'on ne peut rejeter. Une belle lecture, mère et fils sont attachants, attendrissants.
Adeline Fleury rend un bel hommage aux livres et leur fait une belle déclaration d'amour, merci.
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Ce roman fait partie de la sélection 2016 des 68 premières fois.

Tout commence avec une citation extraite d'Almansor de Heinrich HEINE : « Là, où on brûle les livres, on finit par brûler les hommes. » C'est déjà tout un programme et cette citation annonce la densité du roman !

Adèle est une jeune journaliste, elle assiste au burn-out d'un collègue. Ecoeurée par les travers de cet univers professionnel, elle rentre chez elle pour retrouver son compagnon, Hugo, écrivain. Prise d'une crise d'hystérie, et enceinte de 8 mois, elle prend sur le champ la décision de supprimer les livres de l'univers de l'enfant à naître. Adèle et Hugo se lancent dans le déménagement de l'ensemble des livres du foyer, tout comme le bureau du père de l'enfant, lui aussi mis au rebus au 5ème étage de l'immeuble. Commence alors une toute nouvelle vie !

J'avoue avoir pris peur à la lecture des premières pages de ce roman. En effet, quand on est passionnée de littérature, il devient rapidement insupportable de s'attaquer à l'objet de ses convoitises, les livres. Mais, avec du recul, je crois que l'exercice est tout à fait réussi.

Il y a donc le monde du journalisme et là, Adèle FLEURY crache son venin sur des professionnels égocentriques, un univers élitiste dans lequel chacun doit mener une dure bataille pour se faire reconnaître, car là semble bien être devenu l'objectif.


Le journaliste ne se soucie guère que de lui-même. le journaliste veut briller, épater, que l'on parle de lui, rien que de lui, de ses infos. Rien que de ses mots. P. 10/11


Pourquoi Adèle réagit-elle comme ça ? Pourquoi en arrive-t-elle à ce jugement aussi tranché ? La maternité pourrait bien y être pour quelque chose. Elle se sent affaiblie, elle n'arrive plus à écrire et elle rend « le petit vampire » coupable de son état de santé, physique et psychique.


Désormais claquemurée dans cette forteresse qu'on appelle maternité qui arrondit son ventre et étrique son esprit. Une fois de plus elle espère que c'est pour un bref moment, mais elle a l'impression que son âme est aspirée par le rythme fou du petit coeur qui palpite dans ses entrailles à plus de 140. Infinie cacophonie. Jour et nuit, il ne s'épuise jamais. Elle vacille et perd pied. P. 12


Tout psychologue qui se respecte pourrait annoncer quelques effets préjudiciables sur l'enfant mais Adèle FLEURY prend le parti d'en démontrer le contraire. Elle va ainsi nous offrir une projection de Nino à 5 ans, 10 ans et 20 ans, une structuration originale ô combien pertinente !

Adeline FLEURY va plus loin sur le sujet de la maternité. Elle aborde cette mutation particulière de l'adulte qui devient parent et la place de sa propre éducation, de son passé avec les bons et les mauvais souvenirs, de ses propres parents. Et là, pour une femme qui va devenir mère, la place du père semble prendre une dimension toute particulière, elle lui voue une admiration singulière.


A l'instant de donner la vie, l'âme d'Adèle est toute à son père, ce géniteur qui lui a injecté le venin des mots dans les veines. Elle est folle de lui et le déteste. […] Son grand livre à elle, c'est son père, qu'elle ne cesse d'aimer en secret, toute en se sentant coupable, pas à la hauteur de ses attentes, pas à la hauteur de son talent. Il est tout, elle presque rien. Une bonne copiste, au pinceau appliqué. La pâle copie du maître. P. 26


Adeline FLEURY poursuit son oeuvre en creusant le sillon de l'écriture et de ses exigences. Elle sait l'isolement incontournable pour obtenir une production de qualité :


Mais c'est dans la solitude que naissent les histoires. P. 29


Elle ne néglige pas pour autant les effets collatéraux. A s'isoler et à faire des mots son univers d'exploration, le risque n'est-il pas que l'écrivain s'enferme dans une bulle y compris à l'extérieur de son bureau pour devenir un être handicapé des mots rendus nécessaires pour nourrir une relation humaine avec son environnement, en premier lieu familial.

Ce passage fait-il écho avec la propre expérience de l'écrivaine ? Entre Adèle et Adeline, mon coeur balance au point qu'en relisant ma chronique j'avais fait quelques confusions en citant l'une à la place de l'autre. C'est peut-être un premier élément de réponse !

Et les mots ! Bien sûr, avec un titre pareil, « Rien que les mots », nous ne pouvions passer à côté ! Adeline FLEURY porte un regard sur les effets de la société, son histoire, sur le vocabulaire lui-même. Elle fait une focale sur les traces laissées par l'immigration dans la langue française :


En créant le concept de « grande métisserie », Roi reconnaissait l'apport culturel des couches successives de l'immigration. P. 52


Ne parlerions-nous pas là d'une forme d'intégration ?

Ce roman est d'une très grande densité. Adeline FLEURY y évoque encore beaucoup d'autres sujets, de la mutation du livre papier vers le livre numérique et de ses impacts sur le lecteur, des liens naturels et irrépressibles entre enfants et grands-parents, de la musique…

Ne négligeons pas non plus la qualité de la plume de cette écrivaine : fluide, percutante, poétique aussi !

Vous l'aurez compris, il s'agit là d'un excellent roman, découvert une nouvelle fois dans le cadre des 68 premières fois, cette formidable aventure qui nous permet de lire de petites pépites !

Je voudrais terminer cette chronique avec un très beau passage sur les religions qui ne manquera pas de nous donner à méditer dans le contexte que nous vivons aujourd'hui, en France et ailleurs :


Les Evangiles, le Coran, la Torah et le Zohar des kabbalistes. Devant ces belles couvertures en cuir, il s'est extasié. Délaissant très vite les agaçantes explications formatées de son guide, Adèle lui explique à voix très basse ce qu'étaient les religions, qu'elles diffusaient toutes le même message d'amour et qu'à l'origine elles avaient pour unique vocation de relier les gens entre eux. Religere, comme relier ou tisser des liens. P. 67

Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
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