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EAN : 9791025204092
François Bourin (30/08/2018)
3.5/5   8 notes
Résumé :
Une passion si ardente, qui ravage le corps et le coeur, ça ne devrait pas exister. Quelque chose d'aussi puissant, qui écrase tout, c'est bien trop grand pour une simple femme comme « Je », qui ne connaissait jusqu'alors de la jouissance que le nom. Il faudrait qu'elle le quitte. Mais, chez « Tu », il y a cette force qui, irrémédiablement, l'attire et la retient. Et « Tu » non plus ne peut se détourner de cette histoire qui confine pourtant à la folie.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
C'était dans la belle librairie les Libres champs il y a une dizaine de jours. C'était l'un des derniers jours d'été. J'avais passé une partie de l'après-midi au jardin du Luxembourg en attendant la lecture d'Adeline Fleury. Son livre en bandoulière et tout contre moi. Je, tu, elle aux éditions François Bourin. le lisant comme on s'approche d'un feu trop ardent. Les yeux un peu trop grands. le coeur qui bat trop fort à l'intérieur des phrases.




Très vite, je m'y suis vu. Il est des romans qui grattent les cicatrices, et les anciens chagrins viennent s'articuler dans les mots trouvés par un autre. Je ne sais de quelle nature est ce genre de frisson. de la reconnaissance et de l'émotion. de l'appréhension aussi à revisiter les affres des passions trop intenses, à s'autoriser le flashback, à se souvenir de ce temps où notre raison ne pouvait rien pour nous, où on n'était qu'amour, où ça vous brulait vif.

Ça touche au plus intime. Ça touche à ce qu'on ne contrôle pas. Ça touche à l'intensité qui vous tombe dessus sans que vous soyez armé pour l'accueillir. Ça parle de cet à côté de la vie, qui pourtant vous sollicite à chaque respiration, chaque parcelle de votre peau. Ça parle de l'absence qui déchire et des retrouvailles qui absolvent. L'autre qui vous amène sa rédemption trompeuse avant de vous laisser, forcément frustré. Ça parle de ce vestige d'enfance absolu, impérieux qu'on ignorait encore porter en soi.

On connait tout cela. Ces corps qui chavirent au premier instant. Cette fièvre. Ces moments où il n'y a pas besoin de mots ou d'étiquette. La tempête est là. Elle vous emportera sans votre consentement. Vous êtes vaincu d'emblée, vous êtes foutu, les digues se fissurent. Vous voilà déchainant des folies dont vous ne vous saviez pas capables. Vous vous découvrez sauvage et fou. Hypersensible à tout et éveillé comme jamais, les sens affutés comme un animal sans cesse sur ses gardes. Ces moments délicieux où la réalité fait mal.

Je ne saurais pas parler de ce roman comme d'une chose extérieure. Je l'ai ressenti. Je m'en suis souvenu. Et dans son héroïne qui souffre de sa passion perdue, d'avoir été quittée par l'homme qui l'a éveillée tardivement à la jouissance, dans ce dédoublement du « je » au « elle » en italique, où elle revisite par flashs sa liaison incandescente. Dans son plaisir, sa douleur, la sorcellerie dont elle tente l'artifice pour s'exorciser, dans cette réalité où seul existe son coeur brisé, j'ai revu ces deux ou trois ans de ma vie où je ne me remettais pas d'avoir aimé. Et je ne crois pas que c'était d'avoir perdu l'autre mais plutôt de ce qu'elle avait révélé de soi. Ces abimes et ces sommets. Ce caractère charnel. Ces quelques mois ou ces quelques années qui peuvent hanter une vie entière. Ces endroits qu'on évite pour ne pas se faire agresser par un souvenir trop net. Les parenthèses d'étreintes si intenses et si belles que l'on doute même de les avoir vécues. Comment assumer d'avoir idolâtré quelqu'un? Comment mettre en mots tout ce qui, dans la passion, échappe à toute définition et à toute morale? Comment raconter ce qu'on a ressenti, le volcan qu'on était? Et qu'on ne sera peut-être plus jamais? Comment décrire cette réalité et ces perceptions qui basculent dans l'extraordinaire (au sens d'Edgar Allan Poe)?

Ce livre commence d'abord dans l'incompréhension de la perte, le vide étourdissant que ça vous laisse à l'âme, quand on a l'impression de se survivre. Ce moment juste après le K.O. Elle enfonce ses mains dans la glaise, près de la mer et pêche des palourdes. Mais elle est comme désincarnée et à côté d'elle-même. de cette dissociation que l'on ressent quand la vie fait trop mal. Que l'on ne savait pas qu'elle pouvait nous atteindre si fort et si profondément. de ces blessures dont on sait qu'on ne se relèvera pas tout à fait. On a hâte que le temps passe et vite. Il parait qu'il sait tout guérir.

Seulement le passé est là, en lisière de paupière et mêle son murmure à celui du présent, dans une insinuation devenue permanente et obsessionnelle, insupportable comme un violon qui grince. Elle les revoit, les moments, magnifiques, suspendus, décalés. Ce voyage où ils vécurent la nuit à Venise, à contrecourant (les gens qui s'aiment le sont toujours, ils brisent le cours des foules en haussant les épaules). Ce dernier voyage ensemble. On sait toujours quand c'est le dernier voyage, quand le coeur n'y est plus, même si on a les gestes. On compte les dernières fois, on arrive pas à s'y résoudre encore, mais on le sent. On récite son amour comme un acteur qui aurait perdu la foi en son rôle. On fait l'amour très fort, comme pour se sauver de l'âcre pressentiment des larmes qu'on a au fond de la gorge. On va en crever, c'est sûr, quand ça arrivera, ça nous fera trop mal.

Sensuel et douloureux, Je, tu, elle est le récit de cette déliquescence, de cette éternité qui se désarçonne, de cette folie qui perd sa raison d'être. ça vous prend à la gorge, aux premiers mots. ça vous parle de vous. de vos fantasmes, de manière frontale, érotique et franche. Ces pulsions fortes et partagées comme des danses sauvages et extatiques, ces moments où même la réalité a dû plier devant vous, ces moments où on était seuls au monde, invincibles. Evidemment ensuite, le monde se venge.

Au début, il n'y a qu'elle qui souffre, son ressenti à elle, le reste est engourdi, elle n'a que sa douleur et sa mémoire en ruines. Puis peu à peu, les autres se révèlent avec une sensibilité et une justesse admirables. Nous ne sommes plus dans l'ego, nous sommes dans les ravages que l'histoire d'amour leur laisse. Car au bout d'un moment, c'est sa voix à lui qu'on découvre, la douleur qui le menace au sens propre (cette douleur lancinante à l'oreille qui le menace dans son talent de musicien et d'ingénieur du son). Elle lui prend tout avec sa passion, elle le vampirise. Il est trop accro lui-même pour résister à cette femme qu'il a révélée à son plaisir. A cette femme qui lui fait peur tant elle lui prend tout. Tant elle a besoin de lui. A cette femme, « l'autre », qui menace sa vie et son amour avec « l'actrice », qui lui donnait son équilibre. Elle est la troisième et la dernière voix du livre, cette "actrice" le nuançant d'une nouvelle couleur, posée, endeuillée, solitaire, mystérieuse et désorientée.

Je, tu, elle. Leurs voix se mêlent et se confondent dans une harmonie qui célèbre la démence de ceux qui se sont aimés jusqu'au bout de leurs forces, jusqu'à remettre en cause leur réalité même. Quand on s'aime, on peut s'abandonner à l'étrangeté d'un rêve auquel on ne résisterait pas. Une dimension de l'existence qui réclamerait votre âme. Commençant dans l'intime, le livre trouve alors des accents inattendus, fantastiques et audacieux. Ces différentes voix ont déréglé vos sens.

Le monde et notre vie a été transfiguré par la passion.

L'amour qui vous prend tout. Qui vous donne tout. Qui ravive et qui enlève toutes ces couleurs au monde. L'amour qui vous donne une raison de vous lever ou de rester couché. Pas cet amour mièvre qui pollue toutes les comédies romantiques et les clichés à l'eau de rose qui ornent les imaginaires paresseux. Celui qui dit précisément qui vous êtes, vous entraine dans les infinis que vous portez en vous, aux nues ou en enfer, parfois les deux en mêmes temps. Au coeur de vos blessures, au coeur de vos extases, au coeur de vos ténèbres. Ces forces contraires qui président peut-être à tout ce qui existe. Ces incroyables vertiges qui vous ont fait vivants. Au delà de vous-même.

Adeline Fleury vous parle des ces infinis-là.
C'est un frisson sublime et complexe

Comme l'amour quand il est véritable.
Lien : http://www.nicolashouguet.co..
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Aimer à perdre la raison…

“Je t'aime à la folie”, dit-elle. Et elle le vit ainsi, au plus profond d'elle-même. Mais que cela signifie-t-il vraiment ? Qu'elle l'aime de tout son corps, de tout son coeur, de toute son âme, son être n'a de sens que pour et par lui, elle lui dédie sa vie, son souffle, les battements de son Coeur font écho à ceux de l'homme qu'elle a choisi. Mais l'a-t-elle vraiment choisi? Ne se sont-ils pas attirés l'un l'autre comme deux aimants, électrisés par une force supérieure, incontrôlable, insaisissable?

Aimer à n'en savoir que dire…

Le vertige de l'amour la foudroie, elle aime à l'envers, elle aime de travers, elle est seule dans ce cycle infernal, dans cet amour qui la dépasse, qui la surpasse, qui la transcende, elle ne contrôle plus rien, esclave de la passion qui la dévore… La douleur la ronge, elle devient l'ombre de son ombre… Elle veut son corps, son âme, en elle, pour elle, le vider de tout ce qu'il a, le posséder, la garder, l'emprisonner, c'est violent, c'est physique, c'est trop, trop…

A n'avoir que toi d'horizon...

Elle ne voit que lui. Mais lui ? Comment se débarrasser de l'Autre, il l'a aimée, la mère de leurs enfants, c'est du passé – n'en parlons plus? – elle la sent dans son silage, elle est attirée par cette beauté électrique, cette femme qu'elle aimerait être et qu'elle ne sera jamais…

Et ne connaître de saisons...

Elle ne connait que deux saisons: avec ou sans lui.
Avec lui est un été chaud, brûlant, qui colle à la peau, poisseux, dont on ne se défait pas, il suinte, ils sont un, ne forment qu'un corps, elle l'aspire, elle le dévore, elle le tue pour vivre.
Sans lui est un hiver mortifère, dévastateur, annihilant, elle se recroqueville, elle se cache, dans un coin, se laisse dépérir et mourir, elle disparait, ne subsistent que le souvenir, l'espoir des retrouvailles, mais le temps agit comme un coup de poignard dans le dos, et plus les jours passent, plus elle tombe, frappée par l'absence, la disparition, la fin…

Que par la douleur du partir...

Faut-il donc abandonner ? Se retrouver, redevenir Elle, l'oublier Lui et faire disparaitre l'Autre ? A moins que…

Aimer à perdre la raison...

Qui est qui, si “Je est un Autre” ?

(Aimer à perdre la raison - Aragon)
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L'amour fou... cet amour où la violence n'est pas physique, cet amour où la frontière entre amour et haine est si fragile, cet amour où l'aitre est à la fois votre double et votre opposé, cet amour Absolu...
Un roman qui fait vibrer, un roman qui fait résonnance en nous... Forcément... Parce qu'il y est questions de choses très archaïques : ce retour aux premières sensations, aux premiers émois sensoriels... Ce besoin de gratter la terre, cette recherche de vibrations, cette recherche d'amour absolu...
un roman qui entraine le lecteur dans les profondeurs de l'amour fou et de la folie amoureuse...
Un roman poignant, intense...
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Je, tu, elle d'Adeline Fleury est un livre envoutant qui nous donne à voir, à entendre, à vivre, presque, la passion d'une femme pour un homme. le récit est très original car en fait il est triple : les trois parties, JE, TU et ELLE, plongent le lecteur dans les pensées, dans le journal intime de chaque protagoniste (et nous offre un beau retournement de situation en fin de parcours mais je ne peux absolument rien dire de plus au risque de gâcher votre lecture !)

La première partie, JE, est entrecoupée de textes en italiques à la troisième personne comme si l'auteure avait voulu donner plus de poids au texte narré à la première personne par son personnage. Ces textes, quasiment en vis-à-vis (qui se suivent et s'imbriquent parfaitement) permettent d'analyser plus en détail la relation passionnée entre JE et LUI.
La seconde partie, TU, est le récit du point de vue de l'homme, Lui, et cela permet de se rendre compte, petit à petit, de la folie de la protagoniste et de comprendre que tout n'est pas aussi simple que nous aurions pu le penser en ne lisant que son récit à elle.
La déshumanisation des personnages (aucun prénom, aucun nom à part des pronoms et un nom générique, un nom de métier en outre : L'Actrice) donne à ce texte un caractère universel.
La folie au centre de la relation nous est montrée petit à petit, à travers les narrations de TU et en particulier d'ELLE (partie très intense que je vous laisse découvrir).
Le texte prend tout son sens au fur et à mesure de son déroulement et plonge le lecteur dans la folie d'un amour total, viscéral, fatal…
Un très beau roman que je recommande vivement !
Lien : http://sharingteaching.blogs..
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Les deux premières parties du livre sont superbes. L'auteur met à jour de façon très belle et efficace les ressorts de la passion amoureuse chez une femme qui, hier, était restée aux marges de l'amour. La dernière partie ("elle") m'a toutefois semblé bien plus artificielle. le récit de la relation de la narratrice et de son double féminin ne me semble pas à la hauteur des deux premières parties. Dommage. Je conseille donc de lire le "Je" et le "Tu" sans nécessairement le faire suivre d'"elle".
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Un citron qui rend l’âme, c’est tellement émouvant.
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Videos de Adeline Fleury (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Adeline Fleury
VLEEL 297 Rencontre littéraire avec Adeline Fleury, Le ciel en sa fureur, Éditions de l'Observatoire
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