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En Chine, le deuil se dit par l’absence de couleur et c’est beauté ; comme nos habits de ténèbres semblent triviaux, à côté. Car la mort, bien sûr, c’est cela : toute couleur nous est ôtée. Le noir est une orgie de couleurs, jusqu’à l’anéantissement ; la blancheur seule sait dire ce qui nous manque…..(à la mort du Fils du Ciel)
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Jade : « Des lieux et des images pour glorifier la souffrance… ta religion est pétrie de cela, n’est ce pas ? la joie de souffrir »….
Artus : « Nous devons sans cesse nous rappeler les joies invisibles du Paradis et les tourments éternels de l’enfer… » (mais les joies restent invisibles…)
L’art de l’oubli :
On dit que Thémistocle refusa d’être initié à l’art de mémoire : « Que l’on m’enseigne plutôt l’art de l’oubli ! » répondit-il aux disciples de Sémonide soucieux de le convertir….Ce que je prenais pour une boutade me semble aujourd’hui le comble de la sagesse…
"On dit que vous fabriquez vos longues-vues avec les yeux des enfants que vous ramassez dans les rues... Est-ce vrai ?"
J'éclatai de rire.
"Certes, nous ramassons des orphelins dans les rues, mais c'est pour les baptiser, pas pour leur arracher les yeux ! Vous ne croyez pas à ces sornettes, prince ..."
Il fronça les sourcils, deux ailes d'oiseau déployées.
"Ces nourrissons sont voués à la mort, à quoi bon leur laver le front ?
- En les baptisant, nous leur offrons la vie éternelle."
A son tour, il rit.
"Vous ne croyez pas à ces sornettes ..."
Je tremble à l'idée de devenir semblable à ces moines taoïstes, qui, à force de mener une vie d'ascète, prolongent presque indéfiniment leur survie.
Oui, voir, c'est émouvoir.
Ainsi vont les nouvelles entre l'Europe et Cathay : d'un bord à l'autre du Styx. Quand on écrit à un ami, on ne sait jamais s'il est toujours vivant. Les lettres que l'on reçoit font parfois entendre la voix d'un mort qui ignore qu'il n'est plus.
Elle méritait bien cette sinécure chez cette mondaine oiseuse et vaine, qui ne s'était donné que la peine de naître.
En Chine, le deuil se dit par l'absence de couleur, et c'est beauté; comme nos habits de ténèbres semblent triviaux, à côté. Car la mort, bien-sûr, c'est cela : toute couleur nous est ôtée. Le noir est une orgie de couleur, jusqu'à l'anéantissement; la blancheur seule sait dire ce qui nous manque. Sur la poitrine du Fils du Ciel, neuf dragons perle chevauchent un nuage de neige; un ruban de vison souligne l'immaculé de la robe, la rendant plus livide encore.
Et c'est splendeur, puissance, sérénité.