Lorsque j'ai vu ce pavé disposé sur l'une des tables de la librairie Landru à Chamonix, j'ai aussitôt pensé à mon armoire bancale. Mais d'abord à ma soif de récits d'alpinistes.
Un dessin de la dent Parrachée (sommet emblématique de la Vanoise), agrémenté des fleurs rouge sang de rhododendrons, buisson montagnard auquel Julien, le héros de l'histoire, voue une passion sans borne qui n'a d'autre exemple que sa Josselyne adorée.
Les deux jeunes étudiants Dijonnais se rencontrent à l'hiver 1966 sur les airs de Sound of Silence du duo folk américain Simon & Garfunkel.
Bref, tous les ingrédients sont réunis pour passer un bon (et long… 900 larges pages quasiment sans marge) moment : des références aux pop songs de l'époque, le frémissement de Mai 68 et la promesse de course au petit matin.
L'auteur a décidé de se raconter, en mettant en scène une sorte de double de lui-même (qu'il finira par rencontrer sur les pentes de cette Dent affichée en couverture justement). J'aime assez l'idée du réel qui se mêle à la pure romance.
Cette saga traverse trois décennies et nous emporte vers des lieux magiques et remplis de nostalgie pour qui a eu la chance d'en parcourir les abords : Gavarnie, Chamonix, Annecy, la haute Maurienne, les Houches, quelques spots d'escalade en Bourgogne (région natale de l'auteur) et même une échappée sur les pentes de l'Everest.
Un joli roman/récit qui n'évite malheureusement pas les écueils d'un premier livre.
Des personnages trop manichéens, d'abord. D'un côté les gentils, les deux héros et leur petite bande d'amis, notamment le faux méchant Raoul, féru de botanique alpine et qui n'a pas sa langue dans sa poche, peut-être pour masquer une sensibilité trop à fleur de peau. de l'autre, de vraies teignes. le propre père du héros, alcoolique, égoïste, magouilleur… Et puis la mère de l'héroïne, fausse et méchante au dernier degré. Aucun espoir d'une flamme d'humanité en eux. C'est un peu trop.
Si
Georges Forest, ancien prof de maths, sait manier le bon français en l'agrémentant d'une quantité impressionnantes de mots rares et d'idiomes bien choisis (prière de tenir à portée de main un bon dico), de tourner les phrases à la façon qu'ont les scientifiques lorsqu'ils s'expriment (pour décrire un simple accident routier, il va ainsi parler de force cinétique), il lui manque le don du chapitrage, et de la strophe qui aèrent un texte trop lourd. Les phrases s'enchainent bien souvent sans respiration, l'apnée nous guette. Dommage.
Malgré toutes les embûches que peuvent provoquer leurs géniteurs respectifs, les deux héros traversent l'histoire comme un long fleuve tranquille finalement. L'auteur s'est-il aperçu de ce syndrome « oui-oui » ? Quoi qu'il en soit, il termine son roman par deux drames, coup sur coup.
Il manque un brin de légèreté et une composition pas suffisamment égale pour atteindre aux sommets de la littérature montagnarde.