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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Insomnie est un livre puissant sous un faible volume. Un détonateur. A retardement cependant. Cette grande nouvelle se lit avec émotion, et nous ne faisons pas attention immédiatement aux quelques dissonances cognitives qui se distillent en nous, nous interpellent certes, pourtant nous les reléguons un peu au second plan… pour mieux les appréhender après coup. du grand art que cette déflagration !

Insomnie est à-priori une histoire d'amour dans la pure tradition des contes populaires, de celles qui font pleurer dans les chaumières.
Asle et Alida sont jeunes, environ 17 ans, très amoureux et dans le dénuement le plus total. Lui est orphelin et elle n'est pas aimée de sa propre mère qui lui préfère sa soeur, ce d'autant plus qu'elle a péché en tombant enceinte sans être mariée. La mère l'a ainsi mise à la porte. Ils décident tous deux de partir de leur petit village pour la ville, ils viennent d'arriver et là, pensent-ils, ils pourront trouver un logement et du travail permettant de subvenir à leurs besoins, ce d'autant plus qu'Alida est sur le point d'accoucher. Ils n'ont nulle part où loger et personne ne veut les accueillir. Il fait froid et il pleut. Leur quête en pleine nuit, de maison en maison, est désespérée et désespérante. C'est l'insomnie des sans domicile fixe, des marginaux, des petites gens, de ceux que la bonne morale réprouve…Une histoire poignante et bouleversante.

La plume de Jon Fosse se veut répétitive pour souligner avec quelle obstination ce couple cherche, vaille que vaille, à avancer, malgré tout. Elle contient en filigrane l'incompréhension et la colère du jeune couple face à toutes ces personnes qui leur refusent l'hospitalité. Notamment la répétition des « dit-elle » montre la narration précipitée que pourrait avoir un enfant racontant ses malheurs et se sentant injustement traité. Et, en tant que lecteur, nous avons réellement le coeur serré par le désespoir du couple.

Ces répétions, qui rythment le récit telle une musique entêtante et peu à peu envoutante, ce d'autant plus que le livre ne comporte aucun point, sont cependant trouées de réminiscences, de souvenirs qui s'entrelacent au présent, formant des parenthèses dans l'errance, le ton est alors celui du conte nimbé d'une beauté triste.

Et puis, il y a une fissure, un petit rien, qui nous fait revenir en arrière lorsque la deuxième fissure a lieu de façon un peu plus nette. Quelque chose nous a été cachée, quelque chose de terrible qui s'est passé. Et c'est à la deuxième fissure que nous comprenons et que tout explose. Non, le texte n'est pas si conventionnel, voire gentillet, que ça, il est même terrible. D'autant plus terrible que rien n'est dit. C'est saisissant comme le non-dit prend alors toute la place dans le récit et sans qu'un seul mot ne soit écrit, nous imaginons très bien l'invisible se jouer devant nous.

Voilà le tour de force de cette novella, en plus de narrer le poids du destin, la difficulté de s'affranchir de sa condition sociale, et de la volonté farouche de s'en sortir. Part belle est faite également au rôle salvateur de l'art, de la musique notamment, qui permet temporairement de s'affranchir de sa condition et de retrouver une forme de liberté.

« Elle voit Asle coincer le violon sous son menton et il se met à jouer et à l'instant même elle sent quelque chose l'envahir, et quelque chose la soulève, elle s'envole, et sur la musique elle entend le père Aslak qui chante et elle sait tout ce qu'elle sait et elle est présente dans son propre avenir et tout est ouvert et tout est difficile mais la chanson est là et cette chanson, ça doit être ce qu'on appelle l'amour et Alida est là dans la musique et elle ne veut être nulle part ailleurs... »

Nimbé d'un air lancinant, triste, envoutant qui ne nous quitte pas, malgré le choc de la déflagration et la compréhension de ce qui s'est réellement passé, nous refermons ce livre aux accents bibliques avec l'espoir d'une fin plus heureuse pour ce couple…la suite dans Les rêves d'Olav, second tome de cette trilogie du norvégien Jon Fosse, Prix Nobel de littérature 2023. J'ai très hâte !


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Un jeune couple marche dans une rue de Björgvin, en Norvège... Elle s'appelle Alida, il s'appelle Asle. Ils ont dix-sept ans et s'aiment. Alida est enceinte d'Asle et s'apprête à accoucher, ils fuient et ne savent pas où trouver refuge, où se poser, où se reposer, trouver un endroit paisible sinon accueillant, protecteur, pour qu'enfin le bébé puisse naître...
Nous découvrons leur histoire par leurs voix qui s'entremêlent au récit, lui est orphelin, elle est rejetée par sa mère. Ils n'ont pas d'autres choix que d'aller sur la route chercher un autre itinéraire salvateur pour eux, pour l'enfant qui va naître, ils arrivent ainsi dans cette ville qui leur est étrangère, hostile par avance... Tout ce qu'ils possèdent tient dans deux ballots.
Insomnie, c'est une fable étrange, envoûtante, émouvante, dérangeante aussi, avec des mots qui ressemblent à la fuite éperdue de ces deux amants...
Insomnie est une magnifique et terrible histoire d'amour.
Je découvre ici pour la première fois l'écriture de Jon Fosse, un style puissant dans la concision, un style qui ressemble à l'errance désespérée de ces jeunes amants qui sont encore presque des enfants. J'ai eu par moment le sentiment brutal qu'ils étaient seuls au monde. L'empathie nous saisit d'emblée comme un puits de lumière qui se déverserait dans une clairière au milieu d'une forêt sombre, à cet endroit où les chemins paraissent si aléatoires, chemins presque impossibles à emprunter.
Dans ce texte ramassé en presque une centaine de pages et qui se déploie par moments comme une vague, il y a une clameur, il y a un écho, il y a un chant triste et lancinant, parfois le son ancien du violon d'un ménétrier accompagne la musique des mots, seule joie d'un bonheur presque illicite qui perce les ténèbres du passé.
L'histoire paraît simple et pourtant...
Toute la force du récit tient dans ce qui n'est pas dit, se terre dans l'ombre des mots, dans le silence et l'inquiétude de la fuite de ces deux-là, dans ce qui se tait à un endroit qui accapare notre âme. Quelque chose nous échappe et se révèle ailleurs, se révèle plus loin.
C'est comme si le texte révélait une tout autre vérité en contrepoint, comme s'il y avait une force tellurique capable de soulever les pages, s'engouffrer de manière souterraine sous les mots, puis surgir plus tard plus loin dans l'étonnement, nous laisser démuni, hagard, seul, étranger à nous-mêmes comme si tout ceci fut inventé dans un sortilège qui nous paraîtrait en même temps familier après coup.
Ce Jon Fosse est un magicien de l'écriture.
Fiodor Dostoïevski n'aurait pas renié ce texte.
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« Insomnie » de Jon Fosse est un court roman aux accents bibliques, écrit en 2007. Un jeune couple fuit vers la ville avec un violon pour tout bagage. Ils sont pauvres, elle est enceinte. Personne ne veut les loger.. le péché est-il inscrit sur leur front ? La vie et l'amour triompheront-ils et à quel prix ?
Quelque chose d'inquiétant se glisse à deux reprises dans l'évocation de leur périple : de brèves allusions introduisent un doute tenace dans l'esprit du lecteur.
Du grand Fosse, toujours aussi envoûtant.
—-
Il y a une parenté avec « Les Hauts de Hurlevent ». Quelque chose de terrible et d'inéluctable.
Et de lumineux aussi : certains passages sont sublimes.
C'est absolument atemporel comme le sont les textes fondateurs, contes, mythes, fables.
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