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Terje Sinding (Traducteur)
EAN : 9782842421588
122 pages
Éd. Circé (27/08/2003)
3.92/5   18 notes
Résumé :

"... et Johannes voit qu'ils s'approchent maintenant du grand récif et du petit récif et jamais Johannes ne s'est aventuré aussi loin à l'ouest par un temps pareil, car le vent souffle et les vagues sont hautes et la barque pontée de Peter est ballottée par les vagues, et puis ils ne sont plus à bord de la barque pontée de Peter, mais il sont quand même dans un bateau, et ils sont sur la mer, et la mer et le ci... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Que la mort semble douce avec cet auteur scandinave qui creuse ses obsessions au fil des livres…

« Matin et Soir » du norvégien Jon Fosse analyse les bornes d'une vie humaine de 80 ans d'existence, le matin et le soir de la vie d'un homme, du matin au soir en un battement de cil, de la naissance à la mort en un claquement de doigt. L'auteur ne vise que ces bornes-là, les deux extrémités de l'existence, extrémités si fascinantes, la venue au monde puis la disparition. Il efface tout ce qu'il y a entre les deux et élude tout ce qui fait la chair de cet entre-deux qui est l'existence même.

C'est encore une fois une sublime épure qui tente de saisir les variations du néant via de bouleversements monologues intérieurs, mis en valeur par de longues phrases sans points dont il a le secret, permettant à l'auteur de se glisser d'un point de vue à un autre, en opérant une sorte de fondu enchainé, libre comme l'air, répétitif avec mille et une variations, donnant lieu à une expérience de littérature dont je ressors à chaque fois très marquée.

Déjà, dans Mélancholia II, nous étions dans la tête d'une très vieille femme sénile et incontinente, expérience particulièrement marquante et saisissante. Ici le livre va plus loin, il expérimente l'avant naissance et l'après mort, l'avant immédiat, juste avant la sortie de la matrice maternelle, et l'après immédiat, juste après le trépas. Ces quelques minutes et heures si mystérieuses.

Dans une première partie courte, comme un prélude, nous assistons à la naissance de Johannes. Avant même d'avoir vu le jour, en effet, Johannes raconte ses sensations, bruit, couleurs, et donne à voir le traumatisme de l'accouchement. le point de vue alterne, entre celui du père et celui du bébé en train de naitre en un maelström de pensées et de sensations qui se répondent, se rejoignent, se superposent.

« …l'obscurité n'est plus rouge et moelleuse et tous ces bruits et ces battements réguliers a a da a et a allons a e a e ces bruissements a ces bourdonnements a la vieille rivière et ces bercements i a e a i e a e les eaux e a puis e o a tout est oui sa sa a sa doucement sa puis les voix et puis ces bruits affreux et pousse e a e et ce froid ce déchirement a a ce raclement… »

Puis, un autre matin, huit décennies plus tard, ce même Johannes se réveille et file, comme d'habitude, boire une tasse de café, manger une tartine de fromage de chèvre et fumer sa cigarette, confronté depuis la mort de sa femme à une solitude extrême. Il ne sent pourtant pas comme d'habitude, comme décalé, étrangement ragaillardi. Et surtout, en partant pêcher comme il l'a toujours fait, tout semble se mélanger, le matin devient le soir, l'hiver et l'été semblent coexister, les objets usuels semblent à la fois plus lourds et plus légers, d'une densité particulière, d'une pesanteur nouvelle, d'une lumière différente…comme si tout contenait à la fois plus de terre et plus de ciel…personnellement j'avais l'impression troublante de voir, au travers les yeux de Johannes, les objets, les maisons, comme s'ils étaient peints par Münch. A croire que le peintre a tenté lui aussi, à sa manière, de saisir ces variations du néant avec son pinceau.

« …chaque objet, il le voit, est à la fois lourd de tout le travail auquel il a servi et si léger, si incroyablement léger, se dit Johannes, et quand on pense au nombre de fois où Erna s'est servie des baquets , à tout le linge qu'elle a du laver dans les baquets avant d'avoir une machine à laver, oui, ça en fait beaucoup, et maintenant Erna n'est plus là, alors que les baquets sont toujours là, c'est comme ça, les êtres humains ils disparaissent alors que les objets ils restent… »

Sur la grève, Johannes rencontre son meilleur ami Peter, très amaigri, avec d'étranges cheveux longs, blancs, fins et clairsemés, et au retour à la maison sa femme Erna vient à sa rencontre. Mais tous deux ne sont-ils pas morts depuis longtemps ? Johannes ne comprend pas ce qui se passe. Deviendrait-il fou ? Sénile ? Il ne voit pas précisément ce qui a changé, est-ce en lui-même ? Nous comprenons peu à peu ce qui lui arrive, avec émotion. Il apprend tout simplement à se déshabituer de la vie, à s‘effacer, et nous, lecteurs, d'assister aux émotions offertes à l'état brut par Jon Fosse de cet homme déjà fantôme, en errance dans ce no man's land d'avant la disparition totale. le récit, flux de pensée libre et sauvage, est alors plus éthéré, onirique, étrange. Jusqu'à la fin, grandiose, particulièrement métaphysique, voire religieuse.

Jon Fosse s'est converti au catholicisme tardivement, en 2013. Ses préoccupations incessantes sur le sens de la vie, sur le néant, sur la mort (ce livre ci), la décrépitude (Melancholia II), voire la folie (Melancholia I), le destin (L'autre nom ou Insomnie) imprègnent ses livres, sa conversion au catholicisme se comprend tant elle semble trouver ses fondements à travers ses récits. Préoccupations existentielles lancinantes non dénuées d'une poésie hypnotique qui n'a de cesse de m'attraper dans ses filets et de me toucher en plein coeur, en pleine âme.


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Un livre court, que j'ai pris en main sous l'excuse brinquebalante que je suis a court de temps, comme si l'important etait de vite finir une lecture, comme si je ne savais pas qu'a ce livre suivra un autre, peur de ne pouvoir continuer, peur de ne savoir continuer, comme si j'avais peur que le temps me soit compte, comme une prise de conscience de l'age, et voila que l'auteur me balade dans les dernieres pensees d'un vieil homme, qui reflechit a sa vie, ou qui se rememore sa vie, c'est bien fait pour moi, ca m'apprendra, ca m'apprendra quoi? a plus positiver, peut-etre, ou a devenir fataliste, je ne sais plus tres bien comment peut m'influencer, si elle m'influence, cette histoire, ce catapultage d'une naissance a une mort, ressassant des moments triviaux d'une vie, bien que je me dise que pour celui qui les ressasse ils ne doivent pas etre si triviaux que ca, ce que peuvent etre les moments marquants d'une vie simple, et de toutes facons ce n'est peut-etre pas un vieux qui ressasse mais un mort, et le personnage central du livre, Johanness, est peut-etre deja mort, et ce qui nous est presente comme ses gestes et ses pensees, ses pas, ses habitudes et ses hallucinations, n'existent que dans les limbes entre la vie et la mort, ou ne sont que la plaidoirie que se prepare son ame a reciter devant le gardien des portes de l'au-dela, Saint Pierre ou n'importe quel autre nom qu'on lui donne en d'autres cultures, et qu'en la realite du livre, Johannes n'est deja plus, il n'est plus que neant, il a toujours ete neant, ce sont toujours d'autres que lui qui existent physiquement, son pere et sa mere a sa naissance, sa fille a sa mort, qu'eux dont on peut entendre de vraies paroles, de vrais sons, son pere prophetisant “il sera seul ici-bas, toujours seul, et quand tout sera fini, quand arrivera son heure, il se decomposera et retournera au neant d'ou il est sorti, du neant au neant, c'est le cours de la vie, pour les personnes, les animaux, les oiseaux, les poissons, les maisons, les outils, pour tout ce qui existe”, sa fille le pleurant “quel drole personnage etais-tu, mon cher pere Johannes, tu etais bizarre et tetu, mais bon aussi… aie pere Johannes aie pere Johannes”, et de cette naissance a cette mort nous autres lecteurs nous ne connaitrons que les ombres qui hantent le mourant, et toute cette histoire devient, plus que l'histoire de la vie d'un homme, une parabole sur toute vie, sur ce qu'est, et ce que n'est pas, toute vie, dans une mise en scene appuyant sur le melancolique, ou la veille et le reve se melangent, tout comme la vie et la mort, dans un langage simple, epure, mais sensible, qui devient onirique par sa repetivite, je dirais plutot stances que repetitions, parce que si beaucoup d'autres y ont vu des influences de Samuel Beckett et de Thomas Bernhard, et avec raison, moi j'y vois aussi une influence biblique, les stances des Psaumes de David, et c'est peut-etre par ce que je sais, que Fosse s'est a un moment de sa vie converti au catholicisme, que j'y vois des reminiscences bibliques, et pas seulement dans la forme mais aussi dans le fond, et la vie qui nous est racontee, l'ombre de vie qui nous est racontee, est un exemple de vie simple, ou meme exemplaire, et c'est pour cela qu'elle nous est racontee depuis un certain au-dela, mais il est possible que j'exagere, ou meme que je radote, ce qui pourrait en tous cas attester que ce petit livre, que j'ai pris en main pour de fumeuses raisons, m'a laisse sa trace, et je le mache et le remache après l'avoir ferme, et sa digestion sera surement beaucoup plus longue que sa lecture, signe qu'elle m'a ete somme toute benefique, et que je peux, en toute conscience, inciter d'autres a l'entreprendre, et de ne point se laisser abattre par une ponctuation haletante, de virgule en virgule ce texte se respire mieux, il emplit les poumons, puis l'esprit et le coeur, et, une fois les poumons apaises, il a des chances de durer, dans l'esprit, dans le coeur.
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J'avais entendu la présentation de ce livre sur France Culture ( et cela m'avait tout de suite séduit) avant même que l'auteur soit prix Nobel de littérature.
Livre étonnant , plein d'émotions en équilibre entre 2 journées ( la naissance et la mort) du personnage principal....L'écriture est à la fois simple , facile à lire mais très originale.....pensées courte mais peu de ponctuation. Cela sied particulièrement à cette narration pleine de poésie. A lire, oui.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
(...) voilà qu'un petit garçon, le petit Johannes, va voir le jour, car dans l'obscurité et la chaleur du ventre de Maria il a grandi et pris des forces, de presque rien il est devenu un petit être humain, un beau petit gaillard, oui dans le ventre de Maria des doigts lui ont poussé aux mains et aux pieds, il a déjà un visage, des yeux et un cerveau, peut-être même qu'il a quelques cheveux, et maintenant, alors que Marta crie et souffre, il va arriver dans le froid de ce monde où il sera seul, séparé de Marta, séparé des autres, seul il sera, toujours seul et puis, quand tout sera fini, quand son heure sera venue, il se dissoudra et retournera au néant, il retournera d'où il est venu, du néant au néant, ainsi va la vie, pour les hommes, les animaux, les oiseaux, les poissons, les maisons, les ustensiles de cuisine, pour tout ce qui existe oui, se dit Olai, et pourtant il y a autre chose, se dit-il, car on a beau se l'imaginer ainsi, du néant au néant, ce n'est quand même pas tout, il y a aussi autre chose, mais c'est quoi cette autre chose ? le ciel bleu, les arbres qui se couvrent de feuilles ? le verbe qui était au commencement, comme il est dit dans les Écritures, et qui nous aide à comprendre ce qui est profond, ce qui est amusant, c'est quoi cette autre chose ? allez savoir, qui peut le savoir ?
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Johannes va voir le jour car dans l'obscurité du ventre de Marta il a grandi et pris des forces de presque rien il est devenu un petit être humain un beau petit gaillard des doigts lui ont poussé aux mains et aux pieds il a déjà un visage des yeux et un cerveau (....) il va arriver dans le froid de ce monde où il sera seul séparé de Marta séparé des autres seul il sera toujours seul et puis quand tout sera fini quand son heure sera venue il se dissoudra et retournera au néant, il retournera d'où il est venu du néant au néant, ainsi va la vie
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Vidéo de Jon Fosse
L'écrivain norvégien Jon Fosse lauréat du prix Nobel de Littérature 2023
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