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EAN : 9782842422578
92 pages
Éd. Circé (27/02/2009)
4.29/5   19 notes
Résumé :
"Un thriller aux échos bibliques. Une magnifique histoire d'amour aux résonances terribles [...] Un couple marche dans les rues. Etrangers, ils viennent d'arriver en ville. Tout ce qu'ils possèdent tient dans deux ballots. Ils sont jeunes. Elle est enceinte. Bientôt, elle va accoucher. Ils n'ont nulle part où loger. Personne ne veut les accueillir. Il fait froid et il pleut [...]
Le récit est bâti autour de quelques péripéties qui sont autant de faits marquan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Insomnie est un livre puissant sous un faible volume. Un détonateur. A retardement cependant. Cette grande nouvelle se lit avec émotion, et nous ne faisons pas attention immédiatement aux quelques dissonances cognitives qui se distillent en nous, nous interpellent certes, pourtant nous les reléguons un peu au second plan… pour mieux les appréhender après coup. du grand art que cette déflagration !

Insomnie est à-priori une histoire d'amour dans la pure tradition des contes populaires, de celles qui font pleurer dans les chaumières.
Asle et Alida sont jeunes, environ 17 ans, très amoureux et dans le dénuement le plus total. Lui est orphelin et elle n'est pas aimée de sa propre mère qui lui préfère sa soeur, ce d'autant plus qu'elle a péché en tombant enceinte sans être mariée. La mère l'a ainsi mise à la porte. Ils décident tous deux de partir de leur petit village pour la ville, ils viennent d'arriver et là, pensent-ils, ils pourront trouver un logement et du travail permettant de subvenir à leurs besoins, ce d'autant plus qu'Alida est sur le point d'accoucher. Ils n'ont nulle part où loger et personne ne veut les accueillir. Il fait froid et il pleut. Leur quête en pleine nuit, de maison en maison, est désespérée et désespérante. C'est l'insomnie des sans domicile fixe, des marginaux, des petites gens, de ceux que la bonne morale réprouve…Une histoire poignante et bouleversante.

La plume de Jon Fosse se veut répétitive pour souligner avec quelle obstination ce couple cherche, vaille que vaille, à avancer, malgré tout. Elle contient en filigrane l'incompréhension et la colère du jeune couple face à toutes ces personnes qui leur refusent l'hospitalité. Notamment la répétition des « dit-elle » montre la narration précipitée que pourrait avoir un enfant racontant ses malheurs et se sentant injustement traité. Et, en tant que lecteur, nous avons réellement le coeur serré par le désespoir du couple.

Ces répétions, qui rythment le récit telle une musique entêtante et peu à peu envoutante, ce d'autant plus que le livre ne comporte aucun point, sont cependant trouées de réminiscences, de souvenirs qui s'entrelacent au présent, formant des parenthèses dans l'errance, le ton est alors celui du conte nimbé d'une beauté triste.

Et puis, il y a une fissure, un petit rien, qui nous fait revenir en arrière lorsque la deuxième fissure a lieu de façon un peu plus nette. Quelque chose nous a été cachée, quelque chose de terrible qui s'est passé. Et c'est à la deuxième fissure que nous comprenons et que tout explose. Non, le texte n'est pas si conventionnel, voire gentillet, que ça, il est même terrible. D'autant plus terrible que rien n'est dit. C'est saisissant comme le non-dit prend alors toute la place dans le récit et sans qu'un seul mot ne soit écrit, nous imaginons très bien l'invisible se jouer devant nous.

Voilà le tour de force de cette novella, en plus de narrer le poids du destin, la difficulté de s'affranchir de sa condition sociale, et de la volonté farouche de s'en sortir. Part belle est faite également au rôle salvateur de l'art, de la musique notamment, qui permet temporairement de s'affranchir de sa condition et de retrouver une forme de liberté.

« Elle voit Asle coincer le violon sous son menton et il se met à jouer et à l'instant même elle sent quelque chose l'envahir, et quelque chose la soulève, elle s'envole, et sur la musique elle entend le père Aslak qui chante et elle sait tout ce qu'elle sait et elle est présente dans son propre avenir et tout est ouvert et tout est difficile mais la chanson est là et cette chanson, ça doit être ce qu'on appelle l'amour et Alida est là dans la musique et elle ne veut être nulle part ailleurs... »

Nimbé d'un air lancinant, triste, envoutant qui ne nous quitte pas, malgré le choc de la déflagration et la compréhension de ce qui s'est réellement passé, nous refermons ce livre aux accents bibliques avec l'espoir d'une fin plus heureuse pour ce couple…la suite dans Les rêves d'Olav, second tome de cette trilogie du norvégien Jon Fosse, Prix Nobel de littérature 2023. J'ai très hâte !


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En tres peu de pages, l'amour, pur et limpide, de deux jeunes gens.
En tres peu de mots, la detresse, accablante, de deux etres seuls face a un monde hostile.
En quelques dialogues, faits de phrases de peu de mots auxquelles repondent souvent des “oui” et encore plus souvent des silences, la force de leur cohesion, de leur fusion physique et mentale.

Un court texte ou le froid et la chaleur se melangent et se combattent. Dans le froid des paysages nordiques, de la pluie automnale qui penetre, imbibe les heros comme elle m'a glace moi, Dandine, des gens ferment leurs portes a ces etrangers, deux jeunes, une jeune femme qui est sur le point d'accoucher, deux jeunes chasses de chez eux par le dedain haineux d'une famille qui ne les comprend pas. Mais ils sont la l'un pour l'autre, ils sont un refuge l'un pour l'autre, ils se rechauffent l'un dans le reflet de l'autre, l'un dans les laconismes de l'autre, se faisant echo, l'echo de leur confiance, l'echo de leur espoir. Et malgre tout, bien que je sache que j'ai affaire a une voleuse, a un assassin, je sens sourdre en moi l'ardent espoir qu'ils s'en tirent. Parce que s'ils ne sont pas innocents, ils agissent avec l'innocence du premier homme, de la premiere femme. Ils ont ete chasses, inconsiderement, de leur chetif paradis, et ils errent. Leur errance n'est pas la punition de quelconques crimes, c'est l'exact contraire, c'est l'injuste decret d'errance qui les menera fatidiquement a commettre des crimes sans aucune premeditation. Des crimes d'innocents. Des innocents a l'ame pure et aux gestes malheureux. Ceux qui ne peuvent etre innocentes ce sont ceux qui les chassent, ceux qui les repoussent, ceux qui leur ferment la porte au nez, les imperturbables adeptes d'une culture rigide ou les apparences font la loi, d'une societe egoiste et frigide, glacante comme un hiver nordique.

Et je suis heureux que ce texte ait une fin ouverte. Une fin d'espoir, avec la naissance d'un fils. Mais ouverte, vraiment ouverte? Sachant que l'auteur a, des annees apres avoir publie ce texte, ecrit une suite, Les reves d'Olav, puis une autre, Au tomber de la nuit, forgeant ainsi une trilogie, je vais m'y plonger de ce pas.


P.S. J'en profite pour feliciter le jury du Nobel. Apres le flop de l'annee derniere ils ont reussi cette annee a trouver un ecrivain pour leur prix.

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Un jeune couple marche dans une rue de Björgvin, en Norvège... Elle s'appelle Alida, il s'appelle Asle. Ils ont dix-sept ans et s'aiment. Alida est enceinte d'Asle et s'apprête à accoucher, ils fuient et ne savent pas où trouver refuge, où se poser, où se reposer, trouver un endroit paisible sinon accueillant, protecteur, pour qu'enfin le bébé puisse naître...
Nous découvrons leur histoire par leurs voix qui s'entremêlent au récit, lui est orphelin, elle est rejetée par sa mère. Ils n'ont pas d'autres choix que d'aller sur la route chercher un autre itinéraire salvateur pour eux, pour l'enfant qui va naître, ils arrivent ainsi dans cette ville qui leur est étrangère, hostile par avance... Tout ce qu'ils possèdent tient dans deux ballots.
Insomnie, c'est une fable étrange, envoûtante, émouvante, dérangeante aussi, avec des mots qui ressemblent à la fuite éperdue de ces deux amants...
Insomnie est une magnifique et terrible histoire d'amour.
Je découvre ici pour la première fois l'écriture de Jon Fosse, un style puissant dans la concision, un style qui ressemble à l'errance désespérée de ces jeunes amants qui sont encore presque des enfants. J'ai eu par moment le sentiment brutal qu'ils étaient seuls au monde. L'empathie nous saisit d'emblée comme un puits de lumière qui se déverserait dans une clairière au milieu d'une forêt sombre, à cet endroit où les chemins paraissent si aléatoires, chemins presque impossibles à emprunter.
Dans ce texte ramassé en presque une centaine de pages et qui se déploie par moments comme une vague, il y a une clameur, il y a un écho, il y a un chant triste et lancinant, parfois le son ancien du violon d'un ménétrier accompagne la musique des mots, seule joie d'un bonheur presque illicite qui perce les ténèbres du passé.
L'histoire paraît simple et pourtant...
Toute la force du récit tient dans ce qui n'est pas dit, se terre dans l'ombre des mots, dans le silence et l'inquiétude de la fuite de ces deux-là, dans ce qui se tait à un endroit qui accapare notre âme. Quelque chose nous échappe et se révèle ailleurs, se révèle plus loin.
C'est comme si le texte révélait une tout autre vérité en contrepoint, comme s'il y avait une force tellurique capable de soulever les pages, s'engouffrer de manière souterraine sous les mots, puis surgir plus tard plus loin dans l'étonnement, nous laisser démuni, hagard, seul, étranger à nous-mêmes comme si tout ceci fut inventé dans un sortilège qui nous paraîtrait en même temps familier après coup.
Ce Jon Fosse est un magicien de l'écriture.
Fiodor Dostoïevski n'aurait pas renié ce texte.
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Un prix Nobel de littérature, c'était pour moi l'occasion de découvrir cet auteur norvégien porté aux nues par beaucoup .
Mais voilà le coup de coeur attendu n'a pas été au rendez-vous.
J'ai choisi un court roman qui s'avère être le premier d'une trilogie . Un jeune couple, dix-sept ans, Asle et Alida, arrivent à Bjorgvin , ils sont en quête d'un toit; l'automne est là , le froid aussi . Alida est à terme mais ils ont du quitté leur village natal... Ils vont de maison en maison sans succès jusqu'au moment où ..
Une histoire d'amour , un couple en deshérence, un monde hostile, le rejet de tous et la fin qui justifie les moyens.
Si j'ai pu adhérer au sujet, le style de l'écriture, le choix ,certainement assumé, de répéter encore et encore mots, verbes ou locutions , le récit en boucle sans fin, l'omission de toute ponctuation à l'exception des virgules, m'ont rendu cette lecture suffocante et pesante.
Est-ce le but recherché par l'auteur? je l'ignore en tous cas il ne me convient pas , décidément les Nobel et moi faisons rarement ami ami depuis quelques années. Ainsi va la vie .

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« Insomnie » de Jon Fosse est un court roman aux accents bibliques, écrit en 2007. Un jeune couple fuit vers la ville avec un violon pour tout bagage. Ils sont pauvres, elle est enceinte. Personne ne veut les loger.. le péché est-il inscrit sur leur front ? La vie et l'amour triompheront-ils et à quel prix ?
Quelque chose d'inquiétant se glisse à deux reprises dans l'évocation de leur périple : de brèves allusions introduisent un doute tenace dans l'esprit du lecteur.
Du grand Fosse, toujours aussi envoûtant.
—-
Il y a une parenté avec « Les Hauts de Hurlevent ». Quelque chose de terrible et d'inéluctable.
Et de lumineux aussi : certains passages sont sublimes.
C'est absolument atemporel comme le sont les textes fondateurs, contes, mythes, fables.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Asle et Alida arpentaient les rues de Bjorgvin, Asle portait à l'épaule deux ballots renfermant tout ce qu'ils possédaient et il tenait à la main l'étui contenant le violon qu'il avait hérité de son père Sigvald, et Alida était chargée de deux sacs de provisions, et cela faisait plusieurs heures qu'ils arpentaient les rues de Bjorgvin à la recherche d'une chambre, mais il n'y avait pas moyen de trouver une chambre à louer ; non, disaient les gens, on n'a pas de chambre à louer, non, disaient les gens, tout ce qu'on a est déjà loué, voilà ce que disaient les gens, et Asle et Alida se voyaient obligés de continuer à arpenter les rues, à frapper aux portes et à demander si on pouvait louer une chambre à louer, et où aller, où s'abriter du froid et de l'obscurité de cette fin d'automne, quelque part ils trouveraient bien une chambre à louer, et heureusement qu'il ne pleuvait pas, mais bientôt il se mettrait surement à pleuvoir et ils ne pourraient pas continuer à errer comme ça, et pourquoi les gens refusaient-ils de les héberger, était-ce parce qu'on voyait qu'Alida allait bientôt accoucher, ce n'était plus qu'une question de jours, ou parce qu'ils n'étaient pas mariés et ne formaient pas un couple légitime...
(Incipit)
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... et elle a vu Asle se lever et sortir et Alida s'est couchée sur le lit de la mansarde et elle a étendu les jambes et fermé les yeux et elle est si fatiguée, si fatiguée, et elle voit le père Sigvald avec son violon et il sort une bouteille et s'en envoie une bonne rasade et elle voit Asle qui est là aussi, ses yeux noirs, ses cheveux noirs, et elle sursaute, car il est là, son amoureux est là, et elle voit le père Sigvald faire signe à Asle et Asle rejoint le père Sigvald et elle voit Asle coincer le violon sous son menton et il se met à jouer et à l'instant même elle sent quelque chose l'envahir, et quelque chose la soulève et elle s'envole, elle s'envole, et sur la musique elle entend le père Aslak qui chante et elle entend sa propre vie et son propre avenir et elle sait tout ce qu'elle sait et elle est présente dans son propre avenir et tout est ouvert et tout est difficile mais la chanson est là et cette chanson, ça doit être ce qu'appelle l'amour, et Alida est là dans la musique et elle ne veut être nulle part ailleurs...
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(...) c'était le destin dans leur famille d'être ménétrier, même si être ménétrier tenait plutôt du mauvais destin, a dit le père Sigvad, mais quand on était ménétrier, on était ménétrier, quand c'était comme ça il n'y avait rien à faire et tant pis, c'était ce qu'il pensait, a dit le père Silgvad, et si on lui demandait pourquoi c'était comme ça il répondrait que c'était lié au chagrin, à une sorte de deuil ou à un chagrin tout court, car la musique allégeait le chagrin et le faisait s'envoler, et dans son envol il se changeait en joie et en bonheur, et la musique servait à ça, c'était pour ça qu'il devait faire de la musique, et ce chagrin, tout le monde en avait sa part et c'est pour ça que tant de monde aimait la musique, c'était sûrement pour ça car le musique nous élevait et donnait de la hauteur à nos existences, que ce soit dans les enterrements ou dans les noces ou simplement quand les gens se réunissaient pour festoyer et danser, mais pourquoi on avait ce don de la musique, il n'en savait rien (...)
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(...) il ne peut pas s'endormir maintenant, et pourtant il ferme les yeux et alors il voit que le fjord est calme et d'un bleu éblouissant, et la mer est là-bas tout aussi bleue, et le bateau se balance doucement dans la crique et les collines qui entourent la remise à bateaux sont vertes, et il est assis sur le banc et dans sa main il tient le violon et il met son violon à l'épaule et il joue et là, au loin, près de Brotet, il y a Alida qui accourt, et on dirait que sa musique à lui et ses mouvements à elle se fondent dans la clarté verte du jour, et son bonheur est si grand que sa musique se fond dans tout ce qui pousse et qui respire, et l'amour pour Alida l'inonde et l'inonde et l'amour inonde sa musique et l'amour inonde tout ce qui pousse et qui respire et Alida le rejoint (...)
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